La colonisation belge au Congo sera enseignée à l’école: « On parle d’une histoire belge », réagit Cécile Djunga

En direct dans le RTLINFO 13H, l’humoriste et comédienne Cécile Djunga revient sur la lettre ouverte qu’elle a adressé à la ministre de l’Enseignement Caroline Désir concernant l’obligation de cours sur l’histoire du Congo et sur la colonisation.

Les élèves belges, tant au nord qu’au sud du pays, ne pourront à l’avenir quitter les bancs de l’école secondaire sans avoir une bonne connaissance de ce qu’est et fut le colonialisme.

La ministre de l’Éducation en Fédération Wallonie-Bruxelles, Caroline Désir (PS), a réaffirmé dans une vidéo en réponse à Cécile Djunga, qui lui avait adressée une lettre ouverte, son projet de rendre obligatoires les cours sur l’histoire du Congo et de la colonisation dans tous les réseaux et toutes les filières. Actuellement, seuls les élèves des filières techniques et professionnelles reçoivent systématiquement ce cours, selon la DH.

« Ce n’est pas tellement que l’histoire du Congo ou de la colonisation se fait de façon maladroite sur base de références dépassées, c’est surtout que cette histoire est trop souvent ignorée. La plupart des élèves n’entendent pas parler de la colonisation belge au Congo ni des mécanismes d’exploitation et de domination. Nous ne pouvons plus tolérer cette lacune« , déclare la ministre francophone dans une capsule diffusée sur les réseaux sociaux.

Cécile Djunga a réagi dans le RTLINFO 13h. « Je viens d’avoir Caroline Désir en ligne, je suis satisfaite… oui et non: Oui parce que merci à elle d’avoir réagi de manière aussi rapide, aussi ferme, publique et engagée », a dit l’humoriste. « On va travailler ensemble. En tant qu’artiste j’ai de la créativité donc j’ai envie de l’aider par rapport à un outil pédagogique: Et non car je serai satisfaite quand cette législation sera réellement appliquée et qu’on aura réellement vu ça dans les écoles et qu’on pourra avancer d’un point de vue fédéral parce qu’on parle ici d’une histoire belge et la colonisation et le racisme ne s’arrête pas à la frontière Wallonie-Bruxelles« , a ajouté la jeune femme qui explique qu’il faut être tous ensemble pour faire bouger les choses.

Du côté flamand, on souhaite aussi intervenir. Le colonialisme sera prochainement explicitement mentionné dans les nouveaux objectifs finaux du cours d’histoire pour les élèves de la fin du secondaire, annonce le ministre flamand de l’Enseignement, Ben Weyts (N-VA), dans les colonnes du Standaard. L’objectif est que tous les élèves du nord du pays quittent les bancs de l’école avec au minimum une connaissance de base de l’histoire coloniale.

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Une lettre ouverte de Cécile Djunga, comédienne et animatrice à Caroline Désir, ministre de l’Enseignement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

 

Madame la Ministre,

Pourquoi, à l’école, certains enfants ne voulaient pas jouer avec moi ?

Pourquoi, dans certains quartiers, est-ce que j’inspire la méfiance ?

Pourquoi on s’étonne que je m’exprime bien en français ?

Pourquoi, quand cela sonne dans un magasin, les gens se retournent spontanément vers moi ?

Pourquoi n’ai-je pas pu signer le bail de l’appartement dont je rêvais ?

Pourquoi je cache mon nom sur mon CV ?

Pourquoi on s’étonne que j’aie fait des études universitaires ?

Pourquoi les gens sont surpris que je sache parler le néerlandais ?

Pourquoi, à l’opéra, on me regarder de travers ?

Pourquoi, quand je sors en boîte de nuit, j’ai peur qu’on me refuse à l’entrée ?

Pourquoi le vigile me suit quand je fais mes courses ?

Pourquoi on me demande tout le temps d’où je viens ?

Pourquoi est-ce que les gens paraissent surpris quand je dis que j’habite à Woluwé-St-Pierre ?

Pourquoi on veut toujours toucher mes cheveux sans mon autorisation ?

Pourquoi, en tant que comédienne, on m’affecte à des rôles de femme de ménage ou de prostituée ?

Pourquoi, malgré mes bonnes notes, on a voulu m’orienter en enseignement professionnel ?

Pourquoi je me fais systématiquement contrôler par la police ?

Pourquoi je n’ose pas sortir sans ma carte d’identité ?

Pourquoi, dans un restaurant, a-t-on déjà refusé de me servir ?

Pourquoi, au travail, de peur de perdre mon job, je ne dis rien face à une énième remarque désobligeante sur ma couleur de peau ?

Pourquoi, sur les réseaux sociaux, les internautes déversent leur haine sur moi ?

Pourquoi, quand je m’assieds dans le tram, mon voisin se lève pour changer de place ?

Pourquoi mon père m’a-t-il toujours dit de travailler plus dur que les autres ?

Pourquoi est-ce que, dans un stade de foot, j’entends des cris de singes ?

Pourquoi les gens doutent quand je dis que je suis belge ?

Pourquoi on me demande de rentrer dans mon pays ?

Madame,

C’est parce que je fais peur ?

C’est parce je sens mauvais ?

C’est parce que je n’ai pas le droit d’avoir un travail valorisant ?

Est-ce que je devrais être pauvre ?

Est-ce que j’ai l’air violente ?

Ou peut-être ai-je l’air bête ?

Ma peau est-elle sale ?

Ai-je volé ma nationalité ?

Dois-je avoir peur lors d’un contrôle de police ?

Est-ce que je ressemble à un singe ? Ah pardon, peut-être n’ai-je pas assez d’humour ?

Madame,

Pensez-vous que ma vie a moins de valeur ?

Dois-je baisser les yeux ?

Dois-je me résigner, accepter ?

Dois-je me rabaisser ?

Dois-je faire semblant de ne rien voir ? De ne rien ressentir ?

Dois-je avoir honte de ce que je suis ?

Madame,

J’en souffre.

Et je suis loin d’être la seule.

Et si nous avions la solution ?

Et si la solution, c’était d’apprendre, de faire découvrir, de rassurer ?

Et si tous ces préjugés pouvaient être déconstruits ?

Et si on pouvait rêver que nos enfants ne connaissent pas ce monde rempli de haine ?

Qu’ils n’en soient ni les acteurs, ni les victimes.

Et s’il suffisait de les éduquer pour avancer ?

Martin Luther King a dit : “L’éducation est la meilleure arme pour changer le monde”

Cette arme, Madame, vous l’avez entre vos mains.

Madame, vous avez le pouvoir d’aider un enfant à comprendre pourquoi il y a différentes couleurs de peaux dans sa classe. A comprendre pourquoi la Belgique a un visage multiculturel et pourquoi nous ne sommes pas dans un pays monochrome. De comprendre que le Père Fouettard qui lui fait si peur, n’a rien à voir avec le père noir de son camarade. N’importe quel enfant qui est dans un pays où il ne se sent pas le bienvenu, ne va pas donner le meilleur de lui-même.

Madame, vous avez le pouvoir de sensibiliser les élèves sur les relations interculturelles. Comment apaiser leurs peurs de la différence, si elle ne leur est pas expliquée correctement ?

Madame, vous avez le pouvoir d’enseigner aux étudiants l’histoire de l’esclavagisme. L’actualité nous prouve qu’il est capital qu’ils comprennent ce qui se passe quand on traite des personnes comme de la marchandise et non des êtres humains.

Cela peut paraître à des kilomètres de nous mais, il y a des siècles, la Belgique n’a-t-elle pas bénéficié du commerce triangulaire grâce au port d’Anvers ?

Madame, vous avez le pouvoir d’étendre les cours d’histoire, à l’histoire de l’Afrique. Il est nécessaire d’apprendre que l’histoire de ce continent ne commence pas lors de la colonisation. Car cela pousse dramatiquement les jeunes à penser que l’africain est inférieur à l’Européen. Est-il normal, d’entretenir ces propos réducteurs qui mènent au clivage et au racisme ? L’Afrique est le berceau de l’humanité. Cette humanité même qui fait tant défaut aujourd’hui. Comment croire encore en l’humanité si même à l’école on ne nous l’apprend pas ?

La décolonisation devrait être enseignée de manière transversale dans les matières. Bien sûr en histoire, en sciences humaines mais également en géographie et biologie. Et ce, étalé des primaires aux secondaires. Il est fondamental d’éduquer nos enfants et ce, dès leur plus jeune âge, au respect et à la valorisation de la différence, à la richesse de la multiculturalité, à la connaissance de la diversité et aux fondements de celles-ci. Bien sûr, certains enseignants transmettent déjà ces valeurs et cette histoire à leurs élèves, mais ils n’ont ni les outils suffisants ni la formation adéquate pour y parvenir de manière efficace et structurée.

Aujourd’hui, ce programme éducatif devrait être uniformisé pour tous les élèves et non limité à l’enseignement technique et professionnel comme le dicte le décret de 2014.

Il est temps d’apprendre à cette future génération l’Histoire, la vraie histoire du Congo Belge et non un contenu paternaliste qui accentue les préjugés et stéréotypes créés par la propagande coloniale sur les Africains, les Afro descendants, les Noirs, les Blancs, les Métis, etc.

Il est grand temps de construire une société ouverte. Une société qui, d’une part, regarde son histoire en face et qui, d’autre part, considère les êtres humains comme égaux quelle que soit leur couleur de peau et leurs origines.

Il est urgent d’éveiller les consciences et d’œuvrer pour que le système éducatif n’ignore plus les lacunes du passé colonial de la Belgique. Il faut, ensemble, tirer les enseignements des erreurs passées. (Extrait de la lettre ouverte du CMCLD à Mme Marie-Martine Schyns, 28-11-2017)

Je refuse de laisser nos enfants grandir en pensant qu’il est normal, au XXIème siècle, de se faire tuer dans la rue parce qu’on est noir. Prenons nos responsabilités et essayons de leur créer un avenir meilleur.

Madame la Ministre, les décisions prises par le Pouvoir ont toujours eu des conséquences sur le peuple. A vous alors aujourd’hui d’utiliser le vôtre pour rendre notre monde meilleur.

Je ne vous parle pas ici de la cause noire mais de l’Humanité, qui est en péril.

Madame, et si nous écrivions ensemble une nouvelle page de l’Histoire ?

 

Lu pour vous, la rédaction