Le FORSC ferait-il de l’arnaque son cheval de bataille ?
Par Anaclet Muhakwanke
Avec la sortie de l’ombre de ce qui a été présenté comme la société civile citoyenne, il devient plus que jamais clair que la société civile burundaise est divisée en deux blocs : celui qui combat ouvertement le pouvoir et celui qui défend plutôt le régime contre vents et marées. Ceux qui étaient habitués à n’entendre que les présidents de l’APRODH, du FORSC, de la PARCEM et des syndicats des enseignants, des infirmiers et des magistrats découvrent désormais une société civile qui se nomme Société civile citoyenne (Socic). L’apparition de cette société civile apparemment proche du pouvoir mérite l’attention mais surtout il faut s’intéresser aux révélations relatives aux accusations d’escroquerie qui risquent d’éclabousser le forum de la société civile FORSC.
La société civile burundaise s’enrichit d’un nouveau forum
Il n’est un secret pour personne qu’au Burundi et partout ailleurs dans le monde, bien des esprits malins se cachent derrière la société civile pour préparer la conquête du pouvoir ou pour faire le contrepoids du régime en place. Les histoires d’anciens journalistes, syndicalistes, militants de droits de l’homme devenus ministres, ambassadeurs ou conseillers spéciaux de chefs d’Etat sont légion. La frontière entre le politique et l’associatif est très mince. Ce genre d’acteurs demeure redoutable et imprévisible.
Avec une opposition absente sur le terrain, le pouvoir de Bujumbura redoute la société civile. Celle-ci a pris son rôle trop au sérieux et semble avoir abusé de son capital de sympathie auprès d’une large opinion nationale. Elle est accusée de se substituer à l’opposition ou de ne rouler que pour elle. Rien ne filtre quant aux sommes d’argent que cette société civile brasse. Disons s’agit d’un terrain juteux que d’autres Burundais convoitent pour tirer leur épingle du jeu du partage de la manne accordée par les bailleurs de fonds. Et la lutte pourrait être rude surtout à l’approche des élections de 2015 et des financements d’encadrement des électeurs ou des missions d’observation des meetings, utilisation des moyens de l’Etat et du déroulement des scrutins au niveau des bureaux de vote.
La Société Civile Citoyenne vient d’entrer en grande pompe dans l’arène. Elle se déclare « organisation burundaise fédérant des associations rassemblant des centaines de milliers de citoyens Barundi ». Dans sa conférence de presse du 12 mai 2012, son coordinateur M. Pierre Claver Kazihise a dénoncé « la manipulation comme danger pour la paix et la démocratie » qu’exercent certains leaders d’organisations de la société civile burundaise, souvent fortement financées par des bailleurs de fonds.
Et monsieur Kazihise d’expliquer que cette manipulation se manifeste à travers de nombreuses tentatives de tromper la communauté internationale. Il n’y va pas par quatre chemins : « Au Burundi, il y a 2 sociétés civiles dont celle des enfants de la dictature des Bahima burundais, c’est à dire liée aux anciens régimes militaires successifs Micombero, Bagaza, Buyoya (Société civile dite UPRONA ex-Parti unique à savoir : FORSC, OLUCOME, APRODH, OAG, COSOME, Ligue ITEKA, Radio RPA, Radio Isanganiro, Radio TV Renaissance, Radio Bonesha F.M, etc.) »
Monsieur Kazihise est d’avis que la Socic est une Plateforme Intégrale Burundaise de la Société Civile pour l’Efficacité de l’aide au développement. Et d’ajouter que la SOCIC fait partie de cette civile burundaise, silencieuse et laborieuse, qui tente de répondre au besoin des citoyen Barundi de manière générale et se montre comme un adjuvant de la politique de développement en cours au Burundi.
Le coordonnateur de la Socic a dénoncé le climat général de peur et de tension que tente d’instaurer la société civile aile de l’Uprona au sein de la population burundaise. Mais Kazihise ne précise pas de quel UPRONA il s’agit, étant donné qu’il existe celui reconnu par le ministre burundais de l’intérieur et celui dit illégal de Charles Nditije mais qui a l’oreille de tous les députés à l’assemblée nationale !
L’autre question qu’il faut poser à Kazihise est de savoir pourquoi ne pas parler plutôt de société civile UPRONA-ADC IKIBIRI étant donné que les partis de cette coalition politique jouissent du soutien de cette société civile ainsi décriée. Point n’est besoin de rappeler qu’une certaine opinion burundaise considère les Organisations Internationales, les ONG étrangères et les associations de la société civile comme la chasse gardée de l’ethnie tutsie au mépris des quotas des accords d’Arusha. A ces critiques, les Organisations Internationales et les ONG étrangères rétorquent que la priorité est accordée à l’expérience et à la compétence mais s’étaient engagées à équilibrer.
Le FORSC voit ses casseroles étalées sur la place publique
Dans un combat qui est loin d’être celui de David contre Goliath, les Burundais tombent des nues en découvrant ce qui est présenté comme une stratégie d’arnaque de ce forum de certaines organisations de la société civile burundaise. Il est vrai qu’une certaine élite considère le mouvement associatif burundais comme une magouille ou du mercenariat tout court. Et où est passé le patriotisme hérité de Rwagasore ? Où est passée l’intégrité légendaire du Murundi comme elle est attestée dans la vie de Paul Mirerekano ?
Selon des sources dignes de foi, le FORSC ferait croire à ses bailleurs qu’il représente 146 associations de la société civile burundaise. En réalité, il n’y a que 82 associations qui se réclament de ce forum au gré des intérêts et des sujets du moment. 72 de ces associations sont pour la plupart du temps inactives et nullement en ordre avec les cotisations au FORSC, la participation aux réunions et en général sont d’avis que le FORSC sert de positionnement politique à son délégué général.
Pour dire en d’autres termes que le FORSC ne compterait que 10 associations actives et en ordre à savoir : Associations des Amis de la Nature (AAN), Association des Biologistes pour la Protection et la Promotion de l’Environnement (ABPPE), l’Association des Femmes Juristes du Burundi (AFJB), l’Association Nationale de Soutien aux Séropositifs et Sidéens (ANSS), Association pour la Protection de l’Environnement et le Développement de la Population du Burundi (APEDP), Biraturaba asbl, Cadre Associatif des Solidaires du Burundi (CASOBU), Organisation d’Appui à l’auto promotion (OAP), Syndicat Libre de l’Enseignement au Burundi (SLEB), Syndicat des Travailleurs de l’Enseignement (STEB) et le FOCODE de Pacifique NININAHAZWE. Malgré que le FORSC s’amenuise comme une peau de chagrin, ses demandes en termes de financement vont crescendo. On se souvient qu’en 2009, le Ministre de l’intérieur a dû suspendre le FORSC pour non-conformité aux textes en vigueur.
Déjà faut-il rappeler que le 8 mai dernier, lors de la présentation du projet du FORSC avec l’appui de 125,681 US$ accordé par Trade Mark East Africa, projet devant inciter les commerçants à fréquenter les pistes officielles dans le cadre de l’intégration dans l’EAC, Audace Bizabishaka du syndicat des commerçants SYGECO a fait part de sa désapprobation en arguant que FORSC aurait dû l’associer. Une note discordante qui n’est pas passée inaperçue et illustre le malaise qui gonfle au sein de certaines associations de la société civile.
Pour ou contre le contrôle des financements de la société civile burundaise ?
Au Burundi, les ambassades et les organisations internationales peuvent financer directement les actions et les projets des associations de la société civile. Le gouvernement n’y voit que du feu. Et malgré ces révélations sur la véritable force du FORSC, les choses peuvent continuer comme si de rien n’était. A qui la faute ? Au gouvernement du Burundi ? L’argent est le nerf de la guerre mais il ne faut jamais oublier qu’au Burundi, la lutte pour l’avoir et le pouvoir a précipité toute une nation dans l’abîme du génocide et des pratiques d’apartheid.
Anaclet Muhakwanke