«La CVR a déjà auditionné 170 personnes ressources dans les six communes de Bururi. Parmi elles, des Hutu, des Tutsi, des femmes et des hommes », a déclaré Pierre Claver Ndayicariye, lors d’un point de presse.
Il a signalé que seulement 11 charniers ont été ouverts et les restes humains déterrés. « La CVR y a exhumé les restes de 1.455 victimes », a-t-il précisé.
Il a ajouté que, selon leur investigation, d’autres personnes tuées ont été jetées dans les rivières comme Siguvyaye, Jiji et Murembwe, dans les forêts et dévorées par des animaux.
Plusieurs autres effets personnels ont été retrouvés dans ces fosses communes: des pièces de monnaie, des porte-monnaie, des stylos à bille, des montres, des ceintures, des douilles et des balles réelles, etc.
« Beaucoup de blocs de pierre utilisés pour achever les victimes jetées dans les fosses communes à Munini et Muzenga en commune Bururi ont été constatés », a souligné M.Ndayicariye.
Le président de la CVR a aussi indiqué que les charniers ne sont pas de même dimension. Il a donné l’exemple d’une fosse commune découverte sur la colline Kiremba, sous-colline Rwankona, commune Bururi.
« Elle a une longueur de 8,25 m, une largeur de 3,70 m et une profondeur de 5 m. Nous y avons exhumé des ossements de 523 victimes», a-t-il tenu à préciser.
Sans dévoiler leurs appartenances ethniques, M.Ndayicariye a fait savoir que les personnes tuées étaient des directeurs, des enseignants, des commerçants, des artisans, des riches paysans, des étudiants, des écoliers, des militaires, etc.
A l’ancienne Ecole Normale de Kiremba Sud, la CVR affirme avoir retrouvé les noms de 101 victimes de la crise de 1972 sur les 125 élèves assassinés et/ou portés disparus. Leurs portraits ont été d’ailleurs projetés.
« Au Petit Séminaire de Buta et à l’Ecole Normale de Rutovu, les informations reçues affirment que de braves gens ont tout fait pour protéger les élèves », a souligné le président de la CVR, applaudissant ce geste positif et louable.
Des défis aussi
Dans leur travail à Bururi, Pierre-Claver Ndayicariye a évoqué certains défis. Des victimes non retrouvées, des maisons construites sur les fosses communes, des témoins qui ont refusé catégoriquement de témoigner, l’intimidation des ouvriers de la CVR, quelques citoyens qui désorientent volontairement la CVR, etc.
D’après M. Ndayicariye, la province de Bururi est d’une sensibilité particulière sur le plan géographique et historique. « La crise de 1972 l’a frappé de plein fouet et les séquelles sont encore perceptibles ».
Il a déploré qu’après quatre semaines de travail, très peu de présumés auteurs ont demandé pardon. « Pour eux, la responsabilité de cette crise est à chercher du côté de l’Etat ».
Réparations, levée de deuil, remise des biens pillés, … voilà quelques-unes des réclamations des familles des victimes selon la CVR. Prochainement, cette commission se rendra dans les communes de Vyanda, Songa et Rutovu pour poursuivre son travail.
La CVR critiquée
Approché, Tatien Sibomana, politicien trouve que la CVR actuelle n’est pas celle négociée à Arusha. « Elle constituait une des mécanismes de justice transitionnelle ».
Ce politicien dit qu’avec le changement de la première loi régissant cette commission, on a altéré, et l’esprit et la lettre de l’Accord d’Arusha, en ce qui est de ses missions, de sa compétence, de la manière dont elle devait faire son travail.
D’après Tatien Sibomana, c’est une commission qui est orientée et téléguidée. «Ce n’est plus la vérité ou une réconciliation telle que convenue par les Burundais, mais une vérité telle que voulue par ceux qui l’ont mise en place ».
A voir comment cette commission se comporte aujourd’hui, tout porte à croire qu’elle est chargée d’éclater au grand jour la vérité que ce sont les Hutu seulement tués en 1972. Ce qui est, d’après M.Sibomana, la principale tare pouvant conduire à la désunion qu’à la réconciliation.
Au moment où les critiques et les polémiques enflent sur les exhumations menées par la CVR, avec des appels à ne pas privilégier certaines victimes, comme celles de 1972, cette commission clame haut et fort qu’elle n’est pas sous le diktat du pouvoir et tranquillise : « La CVR ne se limitera pas sur une seule période sombre mais elle va s’intéresser à toutes les mémoires blessées. Chaque personne meurtrie est pressée, elle veut d’abord sa vérité, la guérison de sa blessure ».
Selon Pierre-Claver Ndayicariye, la CVR va évoluer vers d’autres périodes mais elle a commencé, comme principe général, par la tragédie de 1972. «Les événements sanglants de 1972 terminés, nous entamerons 1988, après il sera question de 1993 et les années qui ont suivi. Il faut faire preuve de patience. Se tromperait celui qui voudrait précipiter les choses », tient à préciser le président de la CVR.
Par Ndabashinze Rénovat (Iwacu)