Pour Deus Kavyinabukeye, habitant de la ville de Bujumbura, les violences basées sur le genre sont une réalité au Burundi. « Par violences basées sur le genre, je comprends la torture infligée à une personne à base de son sexe. Pour les femmes et les filles, cela est fait souvent à travers les violences sexuelles, cela arrive dans la société burundaise ».
Selon lui, il ne faut pas oublier que les hommes peuvent aussi être victimes des violences basées sur le genre. Pour lui, prioriser les femmes dans l’octroi de l’emploi est une sorte de violence faite aux hommes : « Dans certains avis de recrutement, vous verrez que les femmes et les filles sont souvent prioritaires. Cela est une sorte de violence faite aux hommes. Il faut qu’il y ait l’égalité devant les opportunités ».
Il témoigne qu’il y a des femmes qui torturent leurs maris, surtout lorsqu’elles sont plus fortes ou plus riches qu’eux, ou lorsqu’elles exercent un certain pouvoir public dans la société. Et de recommander le respect mutuel entre les hommes et les femmes pour le bien-être familial.
Pour lui, il est encore difficile d’atteindre l’égalité entre les hommes et les femmes : « Nous n’avons pas les mêmes forces pour être totalement égaux. Les hommes comme les femmes ont leurs forces et leurs faiblesses. Il faut tout simplement la complémentarité ».
Pour André, un autre habitant de la ville de Bujumbura, les violences basées sur le genre comprennent aussi des actes dégradants les femmes dans les familles comme dans la société : « Dans les ménages, des hommes torturent souvent les femmes. Ils prennent toutes les décisions qui engagent la famille sans consulter les femmes. Certains hommes pensent que les femmes n’ont pas droit à la prise de décision dans la famille ».
Selon lui, les femmes sont parfois discriminées dans le milieu de travail pour des raisons qu’il y aurait des activités qu’elles ne peuvent pas exercer : « Les femmes sont nos sœurs, nos enfants, nos mères. Il ne faut pas les stigmatiser. Il faut reconnaître leurs forces. Elles sont aussi fortes que les hommes ».
Il déplore que des hommes soient aussi victimes des violences basées sur le genre : « Par exemple, une femme peut menacer son mari l’accusant de ne pas nourrir sa famille ».
André confie qu’il y a même des hommes qui sont physiquement torturés par leurs femmes. Et de regretter que la société semble ne pas croire à ce phénomène : « On croit que la femme est toujours victime. Même lorsque l’homme est tabassé par sa femme, on dit que la femme s’est défendue. Il ne sera pas compris ».
Il appelle les hommes et les femmes à comprendre que leurs partenaires ont droit à la vie et que ces droits doivent être protégés pour tous.
Que disent des femmes sur les violences faites aux hommes ?
Pour Anne-Marie, habitante de la zone urbaine de Kanyosha, les stéréotypes faisant croire qu’un homme doit être à la tête de la famille sont à l’origine des violences faites aux femmes : « Il est déplorable que certains hommes abusent de ce pouvoir et torturent leurs femmes qu’ils devraient protéger ».
Elle regrette que la femme qui ose dénoncer ces violences soit considérée par la société comme mal éduquée ou une féministe extrémiste : « Malheureusement, lorsqu’on raconte les violences auxquelles nous faisons face à nos mères, elles se moquent de nous. Elles nous disent que cela est un secret de la famille et qu’il faut avoir la force de supporter tout ».
Selon elle, les hommes ne sont jamais victimes de violences basées sur le genre. Pour elle, dire que les hommes sont torturés par les femmes est une façon de détourner l’attention faite aux violences infligées aux femmes et aux filles.
Pour une autre habitante de la ville de Bujumbura, certains hommes qui se disent victimes de violences conjugales sont ceux qui font face à une répression ou à la défensive de leurs femmes.
Elle appelle les femmes à ne pas répondre aux violences leur infligées par les hommes par d’autres violences : « Il faut plutôt oser dénoncer toute sorte de violences et porter plainte auprès des juridictions en cas de tortures ».
Cependant, elle dénonce des femmes qui croient que seul l’homme doit subvenir aux besoins familiaux. Et d’appeler les femmes à travailler, à exercer des activités génératrices de revenus pour contribuer à la subsistance et au développement de leurs familles : « Une femme économiquement indépendante est moins exposée aux violences conjugales ».
Appel à dénoncer les violences basées sur le genre
Dans un flashmob appuyé par l’Union européenne et organisé, ce 6 décembre, par l’International Rescue Committee (IRC) dans le centre-ville en mairie de Bujumbura, des citadins ont eu l’occasion de dire non aux violences basées sur le genre à travers des chansons, des danses et des jeux de questions-réponses. Ce flashmob a été organisé sous le thème « Tous ensemble, luttons pour la meilleure vie sans violences basées sur le genre ».
Des jeunes portant des t-shirts orange, avec des banderoles sur lesquelles étaient écrits des messages contre les violences faites aux femmes et filles ont agrémenté cette campagne.
Sur certaines banderoles, on pouvait lire « Disons non aux violences sexuelles faites aux femmes et filles », « Disons non à toute sorte de violence visant à refuser aux femmes leurs droits à la gestion des richesses familiales » ou encore « Disons non aux parents qui forcent leurs filles mineures à se marier ».
Sur d’autres banderoles étaient écrits des messages appelant les hommes à combattre la polygamie et l’infidélité ; et les femmes à oser dénoncer les violences auxquelles elles font face.
« On est contre les violences basées sur le genre. Cela est le message qu’on doit porter dans nos familles, dans la société. Il faut soutenir tous les gens qui sont victimes de la violence », a indiqué Paolo Lubrano, directeur pays d’IRC. Il a remercié l’Union européenne d’avoir appuyé l’organisation de cette activité.
« La lutte contre les violences basées sur le genre, particulièrement les violences faites aux femmes et filles, font partie intégrante de la promotion de la protection des droits de la personne humaine » a fait savoir Francine Marimbo, conseillère à direction de l’égalité de genre au ministère de la Solidarité nationale, des Affaires sociales, des Droits de la personne humaine et du Genre.
Selon elle, ces violences sont observées sans distinction d’âge ou des catégories sociales. Elle a indiqué qu’au Burundi, il y a aussi des hommes qui subissent des violences basées sur le genre : « Ce ne sont pas seulement les femmes qui ont besoin de protection contre les violences basées sur le genre. Les hommes ont aussi besoin d’assistance ».
Et de rassurer que le gouvernement du Burundi en collaboration avec ses partenaires au développement fait de son mieux pour lutter et éradiquer ces violences.
« Le ministère qui est le coordinateur de tout ce qui est en rapport avec le genre, la promotion de la femme et de la fille ne cesse d’interpeller tous ceux qui sont en train d’œuvrer dans ce domaine de travailler en synergie ».
Francine Marimbo a appelé la population à contribuer dans la lutte en dénonçant les cas des violences basées sur le genre et les auteurs auprès des structures d’habilitées. Pour elle, il faut apporter une assistance à toutes les victimes, car personne n’est épargné de ce désastre.
« Rien ne peut justifier la violence »
« Les femmes et les filles ont été toujours victimes des violences à leur encontre. Cela se produit dans des situations où c’est la loi du plus fort qui domine », a déploré Arnold Jacques, chef du secteur coopération à la délégation de l’Union européenne au Burundi.
Pour lui, rien ne peut justifier la violence à quiconque surtout aux plus vulnérables : « Refuser la violence est un premier pas. Reconnaitre les droits et l’égalité aux opportunités est un second pas ».
Selon lui, un monde où il y a la violence et l’injustice n’avance pas, mais régresse : « Là où les droits sont respectés, où les plus vulnérables surtout les femmes et les filles sont protégées, la situation s’améliore pour tout le monde ».
Pour Arnold Jacques, il est temps de reconnaître que les femmes et les filles ont tant de talents et de capacité que les hommes et les garçons.
Il a souligné que l’Union européenne en collaboration avec le gouvernement du Burundi est pleinement engagée en faveur de la lutte contre les violences basées sur le genre ; et de l’égalité entre les hommes et les femmes.
En plus de ce flashmob, l’Union européenne a appuyé et organisé différentes activités dans le contexte des 16 jours d’activisme contre les violences basées sur le genre. On peut citer, entre autres, le concours de slam sur les VBG du 26 novembre et le concours médias sur les VBG de ce 7 décembre.
Rappelons que le plan d’action genre III de l’Union européenne (2021-2025) est opérationnel au Burundi. Ce plan vise à aider les femmes, les filles et les jeunes à exercer pleinement leurs droits et à accroître leur participation à la vie politique, économique, sociale et culturelle.
En plus de l’égalité entre les hommes et les femmes, ce plan d’action genre a aussi pour but de garantir l’absence de toute forme de violence basée sur le genre, garantir l’autonomisation des femmes et filles et promouvoir l’égalité en matière de participation et d’exercice de responsabilité.
Par Egide Harerimana (Iwacu)