Hépatite virale B : Du médicament réellement disponible mais pas encore dans les officines
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Le 27 mars 2024, le ministère de la Santé publique et de la Lutte contre le sida a sorti une note sur la disponibilité du médicament pour le traitement de l’Hépatite virale B. Le médicament existe bel et bien mais sa distribution n’est pas encore décentralisée. Ceux qui en souffrent ne peuvent que s’en réjouir.

Interrogé à ce sujet, Polycarpe Ndayikeza, porte-parole du ministère de la Santé publique et de la Lutte contre le sida informe que si cette disponibilité est annoncée, c’est que ce médicament existe.

Il précise que c’est à travers le Programme national de lutte contre le sida, les infections sexuellement transmissibles et les hépatites virales que toutes les opérations y relatives se font.

Aimé Ndayizeye, directeur du Programme national de lutte contre le sida, les infections sexuellement transmissibles et les hépatites virales (PNLS, IST et HV) confirme en effet la disponibilité du médicament.

Néanmoins, il précise que les malades avec une ordonnance médicale doivent se rendre au Bureau national pour avoir le médicament. « On est tout au début et on n’a pas encore décentralisé, mais le médicament est disponible ici et il y’a une équipe qui est chargée de donner le médicament », assure-t-il.

Chez les personnes qui vivent avec l’Hépatite B, la satisfaction est grande dans la mesure où elles étaient traitées avec des médicaments administrés aux séropositifs. « Les médicaments sont les mêmes que ceux prescrits aux séropositifs », affirme un des porteurs de l’hépatite contacté qui espère que désormais, ils pourront être bien traités.

Il pense aussi que le prix du médicament sera baissé puisque jusque-là, le coût n’était pas à la portée de plusieurs bourses.

Il se rappelle en effet qu’en 2019, il y’a eu rupture de stock des AVR pendant à peu près quatre mois. Il a alors été obligé de commander le médicament à l’extérieur du pays. La somme était énorme. « Comme on ne pouvait pas trouver le médicament dans les pharmacies locales, je l’ai commandé à l’étranger. Le prix est revenu à 430 euros », fait-il savoir.

Témoignage

L’hépatite virale B : une tueuse silencieuse

Onesphore Nibigira est porteur de l’hépatite virale B depuis 2002. Il qualifie la maladie de tueuse silencieuse parce que si elle n’est pas diagnostiquée et traitée à temps, sa complication devient fatale.

En outre, il témoigne que cette maladie a déjà emporté presque tous les membres de sa famille. Diagnostiqué positif à la maladie lors des examens de routine pendant son service militaire obligatoire, les résultats ont été banalisés parce qu’on lui a dit qu’après six mois cela aller passer.

Une année après, au Centre national de transfusion sanguine, les résultats, après un don de sang, se sont montrés positifs. On lui a dit la même chose que l’année précédente : « Après six mois cela va passer ».

En 2004, Onesphore Nibigira raconte qu’on lui a répété la même chanson. Six ans après, un dépistage volontaire a aussi révélé la présence de l’hépatite B dans son sang. Le même refrain lui a été répété. Il vivra avec la maladie sans aucun souci jusqu’à ce qu’en 2011, un spécialiste constate qu’il a la rate gonflée. Cela a aussi été pris à la légère par le personnel soignant.

On lui prescrira des examens relatifs au cancer et une endoscopie en 2012 qui donneront des résultats négatifs.

Après l’analyse des résultats d’autres examens qu’on lui avait prescrits en 2016, un test de la charge virale lui a été prescrit. Les résultats se sont montrés alarmants. Il affirme que les examens lui ont coûté les yeux de la tête : « Les moyens pour les examens de l’hépatite virale B ne sont pas à la portée de tous. C’est pour cela qu’une sensibilisation à la vaccination devrait être faite », conseille-t-il.

Cela vaut la chandelle

En effet, même si elle a un coût, la vaccination coûte moins chère que la charge virale de l’hépatite B. Comme preuve, contre l’hépatite virale B, on administre le vaccin en trois étapes. Onesphore Nibigira précise que « le premier vaccin coûte 30 000 BIF. Après un mois, on administre un autre de 30 000 BIF. Après six mois un dernier vaccin est administré moyennant la même somme de 30 000 BIF. Pendant ce temps, la charge virale vous coûte 250 000 BIF. Cela est sans compter les autres examens qui vont avec. Il y’a donc lieu de réfléchir ».


Interview exclusive avec Alexis Ndayisenga : « Comme prévention, le vaccin contre l’hépatite virale B est le principal moyen »

Après la note du ministère de la Santé publique et de la Lutte contre le sida relative à la disponibilité du médicament contre l’hépatite virale B, quelques questions se posent. Quelle est cette maladie ? Comment l’attrape-t-on ? Quels sont les symptômes ? Alexis Ndayisenga, infectiologue, apporte des réponses

C’est quoi l’hépatite virale B ?

L’hépatite virale B est une inflammation du foie causée par le Virus de l’hépatite B (VHB). Il s’agit d’une hépatite virale qui peut devenir chronique si la guérison n’intervient pas dans les six mois. Elle peut ainsi entrainer la fibrose puis la cirrhose hépatique.

Le VHB est un virus à ADN avec trois systèmes antigéniques : l’AgHBs pour la capsule externe ; l’AgHBc et l’AgHBe pour la nucléocapside interne. L’AgHBe est associé à une forte réplication virale.

Mais, à cause de certaines mutations, l’AgHBe n’est pas détecté dans le sérum bien qu’il existe une réplication virale. Le VHB est la première cause de carcinome hépatocellulaire (CHC) dans le monde.

Comment on l’attrape ?

L’hépatite B est très contagieuse, 10 fois plus que l’hépatite C et 100 fois plus que le VIH-sida. Les principales voies de transmission du virus de l’hépatite B sont la transmission de la mère à l’enfant dite verticale et la transmission dite horizontale.

En Afrique, l’infection est le plus souvent acquise à la naissance et dans l’enfance. La transmission intrafamiliale pourrait être liée au partage d’objets de toilette responsables de petites plaies. Elle pourrait être favorisée par une promiscuité forte et des conditions d’hygiène défectueuses.

La transmission par piqûres d’aiguilles infectées, les tatouages, les piercings et les expositions à du sang ou à des liquides biologiques infectés peuvent aussi en être à l’origine.

La transmission sexuelle notamment chez les hommes non vaccinés ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes ainsi que chez les individus hétérosexuels ayant des partenaires sexuels multiples comme les travailleurs du sexe est également observée. Le virus de l’hépatite B peut survivre à l’extérieur du corps pendant sept jours au moins. Il est rarement transmis par la salive.

Quelle est son évolution naturelle ?

La période d’incubation de ce virus est de 75 jours en moyenne, mais elle peut varier de 30 à 180 jours sans signe apparent.

La plupart des individus nouvellement infectés par le Virus de l’hépatite B ne manifestent aucun symptôme. Néanmoins, certaines personnes présentent une infection aiguë, avec des symptômes qui persistent sur plusieurs semaines, notamment un ictère de la peau et des yeux ; une coloration foncée des urines : une fatigue extrême ; des nausées ; des vomissements et des douleurs abdominales.

On distingue deux grandes périodes de la maladie, à savoir l’hépatite aiguë pour une infection évoluant depuis moins de six mois. Elle survient entre six et douze semaines après la contamination.

Elle passe souvent inaperçue mais des signes peuvent apparaître une fois sur dix. L’hépatite aiguë peut se compliquer en une hépatite fulminante qui survient 1 fois sur 1 000 dans la population générale (1 fois sur 100 chez l’adulte).

Il s’agit de la destruction massive du foie dont l’évolution en l’absence d’une transplantation hépatique est fatale dans 90 % des cas en quelques jours.

La deuxième période est celle de l’hépatite chronique. Elle intervient lorsque l’organisme n’a pas réussi à éliminer le virus à la phase de contamination et de l’infection aiguë.

Le passage à la phase chronique survient pour moins de 10 % des personnes ayant été contaminées par le VHB. Le facteur clé d’évolution vers la chronicité est l’âge de la survenue de l’infection (moins de 10% chez l’adulte et plus de 90% chez l’enfant).

L’infection chronique par le VHB peut être plus ou moins active allant du simple portage inactif de l’AgHBs (le virus est dans le foie mais n’entraîne pas de lésions) à une hépatite chronique active (réaction inflammatoire au niveau du foie) responsable de fibrose (formation de cicatrices) pouvant conduire à une cirrhose.

Quels sont les signes de cette maladie ?

La plupart des individus nouvellement infectés par l’hépatite virale B ne manifestent aucun symptôme. Néanmoins, certaines personnes présentent une infection aiguë avec des symptômes qui persistent sur plusieurs semaines, notamment un jaunissement de la peau et des yeux (ictère) ; une coloration sombre des urines ; une fatigue extrême ; des nausées ; des vomissements et des douleurs abdominales comme je l’ai déjà indiqué ci-haut.

Un groupe plus restreint d’individus atteints d’une hépatite aiguë peut évoluer vers une insuffisance hépatique aiguë susceptible d’entraîner la mort.

Chez certaines personnes, le virus de l’hépatite B peut aussi provoquer une infection chronique du foie susceptible d’évoluer ultérieurement en cirrhose (foie cicatriciel) ou en cancer hépatique (CHC).

Comment faire son diagnostic ?

Le diagnostic de l’hépatite virale B aiguë repose sur la présence de l’AgHBs et de l’Ac-HBc de type IgM (là où c’est faisable). Le diagnostic de l’hépatite virale B chronique est posé devant la positivité de l’AgHBs et/ou de l’ADN-VHB.

Les autres examens paracliniques sont l’échographie abdominale qui s’avère le plus souvent normale. Les signes d’hypertension portale (HTP), notamment une splénomégalie sont évocateurs d’une maladie déjà avancée voire d’une cirrhose constituée.

La tomodensitométrie et/ou l’IRM sont parfois nécessaires pour déceler les complications de la cirrhose, notamment le CHC. L’endoscopie digestive haute est indiquée en cas de cirrhose, à la recherche de signes d’HTP notamment les varices œsophagiennes ou encore l’évaluation de la fibrose.

La gravité de l’atteinte hépatique est évaluée par le stade de la fibrose et l’activité nécrotico-inflammatoire par des méthodes non invasives : Fibromètre®, Fibrotest®, Fibroscan®). La combinaison d’un test sanguin et du Fibroscan (élastométrie) augmente les performances diagnostiques.

En cas de discordance, une biopsie du foie peut être indiquée. Dans les pays à plateaux techniques limités, les scores APRI, FIB-4 sont utiles. Au Burundi, nous recommandons d’utiliser les scores APRI, FIB-4 et/ou le Fibroscan (là où c’est faisable).

Quel est son traitement ?

Les principaux objectifs du traitement antiviral en cas de l’hépatite virale B chronique consistent à améliorer la survie et la qualité de vie du patient en empêchant la progression vers une maladie hépatique grave et les complications.

Le traitement du VHB fait appel au Ténofovir disoproxyl fumarate (TDF), au Ténofovir alafénamide (TAF) et à l’Entécavir (ETV).

Le tableau suivant donne une idée sur le traitement

Dans les pays riches, pour les patients avec cirrhose et les carcinomes hépatocellulaires, la chirurgie et la chimiothérapie peuvent prolonger la vie du malade pendant quelques années. Dans ces pays, on procède parfois à une transplantation hépatique chez des individus cirrhotiques, avec un succès variable.

Comme prévention, le vaccin contre l’hépatite B est le principal moyen pour prévenir cette maladie. Elle concerne tous les nouveau-nés ; le personnel de santé (vaccination obligatoire) ; les membres de la famille du sujet porteur de l’AgHBs ; les populations clés (les professionnels de sexe, les homosexuels et les usagers de drogue surtout injectables) ; les sujets ayant des partenaires sexuels multiples ; les malades consultant pour les maladies sexuellement transmissibles ; les hémodialysés ; les drépanocytaires ; les thalassémies ; les patients sous traitement immunosuppresseur ; les personnes vivant avec le VIH et toute personne non immunisée.

Par Stanislas Kaburungu (Iwacu)