Ruboneka Musabwa Laurent, Munyamulenge de l’ambassade de la RDC au Burundi, arrêté à Bujumbura, transféré manu militari vers Kinshasa dans un contexte géopolitique complexe.
Bujumbura, 27/07/2025 (BdiAGnews) – Entre Banyamulenge et Barundi, la mémoire saigne encore. Les années 1996-1997 restent gravées dans les chairs : 200 000 réfugiés burundais, pris dans une marée humaine de 1,2 million de personnes, traqués comme du gibier dans le Sud-Kivu. Les armées de Kagame (Rwanda), Museveni (Ouganda) et Buyoya (Burundi), alliées aux milices Banyamulenge, ont transformé la région en abattoir à ciel ouvert. Face à cette boucherie, l’ONU et son HCR, paralysés, parfois complices par inaction, ont laissé se dérouler l’un des massacres (génocide) les plus atroces du siècle dernier.
Dimanche dernier, Ruboneka Musabwa Laurent, employé de l’ambassade congolaise à Bujumbura et président de l’association des survivants du massacre de Gatumba (2004), a été arrêté puis expédié manu militari vers Kinshasa. Les autorités burundaises et congolaises observent un silence éloquent.
Ce geste s’inscrit dans la guerre froide qui secoue la région : le Rwanda, soutenu par l’OTAN et les cercles du pouvoir américain, grignote méthodiquement l’est de la RDC. Les Banyamulenge, communauté rwandaise établie en territoire congolais, servent souvent de pion dans ce jeu géopolitique trouble.
Depuis la chute du Mur en 1989 jusqu’à la Déclaration de Saint-Malo (1998), les États-Unis ont méthodiquement remplacé les anciennes puissances coloniales en Afrique centrale. Leur empreinte se lit dans les régimes qu’ils ont installé : Museveni en Ouganda (1986), Kagame au Rwanda (1994), Kabila en RDC (1997).[1]
Le Burundi a résisté à cette vague. Après l’échec des régimes pro-occidentaux (Bagaza, Buyoya), le CNDD-FDD a tenu bon, survivant même à la tentative de déstabilisation de l’ère Obama en 2015.
En cette nouvelle ère multipolaire, le Burundi millénaire, Ingoma y’Uburundi, cette dyarchie sacrée où le Tambour Karyenda et le Mwami orchestraient l’harmonie sociale [2], mène depuis le XIXe siècle une guerre sourde contre l’alliance Vatican-Françafrique-Anglosphère. Ce que les anciens appellent la « Croix et Bannière« [3]– cette coalition d’intérêts coloniaux et néocoloniaux – n’a jamais digéré l’indocilité burundaise.
L’arrestation de Ruboneka n’est peut-être qu’un épisode de plus dans cette lutte séculaire. Mais elle rappelle cruellement que dans les Grands Lacs, les fantômes du passé hantent toujours le présent.
Références :
[1] Nahimana Karolero Pascal. La guerre civile du Burundi (1993-2003). Face à la Globalisation Unipolaire Américaine Néolibérale, le CNDD-FDD. Bruxelles : Génération Afrique, 2024.
[2] Nahimana Karolero Pascal. Histoire du Burundi : Les grandes dates de l’histoire des Barundi et de l’État millénaire africain – Ingoma y’Uburundi. Bruxelles : Génération Afrique, 2024.
[3] Baranyanka Charles. Le Burundi face à la Croix et à la Bannière. Bruxelles, 2015.
(La “Croix et la Bannière” désigne l’alliance historique du Vatican, de la France – via les Pères Blancs de Lavigerie –, de l’Angleterre, de l’Allemagne, de la Belgique et des États-Unis contre l’ordre traditionnel burundais depuis le XIXe siècle.)



Sources : Nahimana P., http://burundi-agnews.org, Jeudi 31 juillet 2025 | Photo : Ambassade de la RDC






