Burundi / Vatican : Célébration de  soixante ans de relation diplomatique

Soixantième anniversaire des relations diplomatiques entre le Burundi et le Vatican célébré par messes, signatures et hommages partagés.

Gitega, 31/08/2025 – Le 12 août 2025, le ministre des Affaires étrangères, de l’Intégration régionale et de la Coopération au développement, Bizimana Édouard , et le nonce apostolique au Burundi, Mgr Dieudonné Datonou, ont annoncé conjointement la visite de travail et pastorale du cardinal Pietro Parolin.

Prévue du 12 au 18 août, cette visite avait pour but de manifester la proximité du pape Léon XIV avec le peuple, le gouvernement et les fidèles catholiques du Burundi. Le cardinal Parolin, secrétaire d’État du Saint-Siège, dirige le Secrétariat d’État, le plus ancien dicastère de la Curie romaine, fondé en 1487 par le pape Innocent VIII. À l’aéroport international Ndadaye Melchior, le très apprécié vice-président du Burundi Bazombanza Prosper l’a accueilli en présence de dignitaires religieux et d’une foule de fidèles enthousiastes.
Le 13 août, le cardinal Parolin a été reçu par le président du Burundi, le Général Major S.E. Ndayishimiye Évariste , au palais Ntare Rushatsi. Après un entretien en tête-à-tête, les deux dirigeants ont assisté à la signature de sept accords bilatéraux dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’aumônerie pénitentiaire, de la sécurité et de l’accompagnement des migrants. Cette visite s’inscrivait dans le cadre du 60ᵉ anniversaire des relations diplomatiques entre le Burundi et le Saint-Siège, récemment renforcées par l’ouverture d’une ambassade burundaise au Vatican.
Le 14 août, à Minago (Rumonge), le cardinal a posé la première pierre d’un centre de santé dédié à la mémoire de Mgr Michael Courtney, nonce apostolique assassiné en 2003 à la fin de la guerre civile burundaise [1]. Ce mémorial, a-t-il déclaré, sera un symbole de paix et de réconciliation pour les générations futures.
Le 15 août, à Mugera, le président Ndayishimiye et le cardinal Parolin ont proclamé l’église Saint-Antoine de Padoue basilique mineure, en présence de près de 100 000 fidèles. Après la messe solennelle de l’Assomption, le cardinal a visité le site de Gishora où il a assisté aux tambours du Burundi, patrimoine immatériel de l’UNESCO, saluant l’énergie des tambourinaires.
Le 16 août, au sanctuaire de Mugera, il a présidé une cérémonie en présence de tous les évêques du pays, avant de visiter la clinique Prince Louis Rwagasore, où il a salué le dévouement du personnel soignant et adressé un message de réconfort aux patients.
Le 18 août, au sanctuaire marial de Mont Sion Gikungu, le cardinal Parolin a célébré la messe de clôture des 60 ans de relations diplomatiques. Le vice-président Bazombanza l’a accompagné jusqu’au tarmac pour son départ. Dans son message d’adieu, le cardinal a exhorté les Burundais à travailler pour la réconciliation, l’unité et le respect des droits humains, tout en préservant leurs traditions.
La conférence des évêques catholiques du Burundi a déclaré que cette visite restera gravée dans la mémoire du pays comme un signe fort de foi, d’amitié et de coopération durable.

À l’époque des Bami Barenge à Ingoma y’Uburundi [2], Constantin Ier (272-337) régnait sur l’Empire romain. Sous son autorité, puis surtout sous celle de Théodose Ier (édit de Thessalonique, 380), le christianisme — devenu catholicisme — s’imposa comme religion officielle de l’Empire. Entre 347 et 420, Jérôme de Stridon, futur saint Jérôme, prêtre, théologien et historien, traduisit la Bible, rédigée en hébreu et en grec, en latin. Cette traduction, appelée la Vulgate [3], demeura pendant plus de mille ans la version de référence de l’Église catholique.
Le verset-clé de Genèse 9,25 y est rendu ainsi : « Maledictus Chanaan : servus servorum erit fratribus suis » (« Maudit soit Canaan ; il sera l’esclave des esclaves de ses frères »). Or, dès les premiers siècles, certains commentaires rabbiniques cherchèrent à expliquer l’origine des peuples africains en affirmant que Cham aurait été puni en devenant noir, ou que sa descendance (Canaan) aurait hérité d’une peau noire maudite. Pourtant, le récit biblique originel ne mentionne aucun changement de couleur : la malédiction visait Canaan et servait à justifier symboliquement la conquête future de sa terre par les Israélites.
Cette association de la noirceur avec le mal fut ensuite renforcée par certains auteurs chrétiens. Saint Jérôme utilisa la « noirceur » comme métaphore du péché, et Jean Cassien décrivit le diable sous les traits d’un « hideux Éthiopien ». À partir du Moyen Âge, l’iconographie chrétienne [4] représenta fréquemment les démons avec une peau noire et des traits caricaturaux, signe de ténèbres spirituelles. Une symbolique qui, au fil des siècles, se transforma en une racialisation, particulièrement accentuée à l’époque des conquêtes, de l’esclavage et de la colonisation.
Entre le XIIIᵉ et le XVIIᵉ siècle, l’Europe vécut l’inhumanité de l’Inquisition [5]. L’Église catholique y chercha à éradiquer les hérésies, imposer l’unité religieuse en construisant des églises dans tous les villages et en convertissant de force, tout en surveillant les nouveaux convertis. Cette répression se poursuivit jusqu’au XXᵉ siècle, marquée par la lutte contre la Réforme protestante et la censure. Dans ce contexte, la bulle Romanus Pontifex promulguée par le pape Nicolas V, le 8 janvier 1455, autorisa le Portugal à coloniser et réduire en esclavage les « infidèles ». Elle légitima ainsi la traite négrière au nom de l’Église. À cette époque, les théologiens et les marchands d’esclaves identifièrent sciemment les Africains subsahariens aux « descendants de Cham », détournant le récit biblique pour justifier leur exploitation.
Cette logique inquisitoriale — guerre contre l’hérésie, esclavage, traite et colonisation — frappa aussi l’Afrique [6]. Le Burundi, Ingoma y’Uburundi, affronte depuis le XIXᵉ siècle à nos jours « la Croix et la Bannière » [7] : l’alliance historique entre le Vatican, les puissances coloniales européennes et les États-Unis contre l’ordre traditionnel burundais. Entre 1881 et 1903, Mwami Mwezi Gisabo Gisonga, avec Nzobe Yi Kirwa Kamana (Mwami w’ijoro), mena la résistance, interdisant le christianisme dans le pays du Tambour sacré Karyenda, symbole de l’Ubungoma, la cosmologie et la spiritualité des Barundi. Beaucoup de Badasigana, soldats burundais, périrent au combat.
Entre 1920 et 1944, la « Croix et la Bannière » détruisit l’Ubungoma pour le remplacer par le christianisme. Plus de 50 000 Banyamabanga furent persécutés : considérés comme hérétiques par les missionnaires, certains furent tués, d’autres contraints à l’exil en Tanzanie, en Ouganda ou au Congo. L’institution du Karyenda fut brisée. Mukakaryenda elle-même fut convertie de force, devenant Ruborisoni Maria, tandis que le Tambour sacré Karyenda se voyait condamné à l’exil, à la disparition.
À la fin des années 1940, après des campagnes catéchétiques forcées, une grande partie des Barundi fut baptisée de force, recevant des prénoms catholiques. Le Vatican, membre de l’alliance « la Croix et la Bannière », s’appuie sur l’outil géopolitique, géostratégique et géoéconomique du « conflit interethnique Hutu-Tutsi », concept élaboré par Hans Meyer en 1911, afin de briser l’unité des Barundi et des Rwandais en créant de fausse ethnies [8] et de s’emparer de leurs terres sacrées (Amatongo).

Références :

[1] NAHIMANA Karolero Pascal, La guerre civile du Burundi (1993-2003). Face à la globalisation unipolaire américaine néolibérale, le CNDD-FDD, Génération Afrique, Bruxelles 2024.

[2] NAHIMANA Karolero Pascal, Histoire du Burundi : Les grandes dates de l’histoire des Barundi et de l’État millénaire africain – Ingoma y’Uburundi, Génération Afrique, Bruxelles 2024.

[3] La Vulgate a fixé la tournure qui a le plus pesé en Occident : “Nigra sum, sed formosa” (Ct 1,5) – “je suis noire mais belle”, là où l’hébreu dit “et belle”. Ce petit sed ouvre la voie à une opposition “noirceur ↔ beauté”. ( BibleGateway, ghil.ac.uk). La lecture “noire par la faute / belle par la grâce” est un lieu commun patristique. Par ex., Ambroise explique l’Église : “noire par la fragilité de la condition humaine, belle par la grâce ; noire parce que je suis faite de pécheurs, belle par le sacrement de la foi.” (De mysteriis). Cela montre bien l’allégorie morale attachée à Ct 1,5 dans l’Antiquité chrétienne.
Saint Jérôme (347-420) : Dans son Homélie sur le Psaume 86, il commente la phrase « Je suis noirse et belle » (Cantique des Cantiques 1:5) en disant : « Nous sommes noirs par notre propre faute, et beaux par la grâce de Dieu. » Il utilise la noirceur comme une métaphore du péché et de l’état de l’âme avant le baptême. C’est une allégorie spirituelle, mais elle établit un lien puissant et dangereux dans l’imaginaire chrétien entre la noirceur et la faute.

[4] On trouve déjà, avant la Reconquista ( 718 – 1492), des textes et des images chrétiennes qui associent « noirceur » au péché ou aux démons. Trois repères sûrs :
– Patristique (IVe–Ve s.) : dans les milieux ascétiques, le démon est parfois décrit « sous la forme d’un Éthiopien ». Jean Cassien raconte ainsi qu’« un diable vint en figure d’un Éthiopien sordide » (Conlationes 2.2.21). Cette imagerie n’est pas une “biologie des peaux” mais un code symbolique (altérité, souillure) qui va nourrir l’imaginaire chrétien.
ccel.org
– Iconographie tardo-antique (VIe s.) : à Ravenne (Sant’Apollinare Nuovo), un mosaiciste code la scène des brebis et des boucs avec un ange rouge (droite) et un ange bleu (gauche) derrière les boucs ; nombre d’historiens y voient une première personnification du “camp du diable” par la couleur, bien avant les diables cornus des siècles suivants. Live Science National Geographic
– Manuscrits pré-carolingiens (env. 600) : dans le Pentateuque d’Ashburnham (VIe–VIIe s.), l’iconographie use d’une symbolique noir/blanc pour commenter les récits (Égyptiens, serviteurs, démons). Dorothy H. Verkerk a montré comment ce cycle passe du “barbare noir” romain au “démon noir” chrétien — c’est donc un glissement visuel antérieur au contexte ibérique.
facsimilefinder.com
– Arnobe (v. 260-327) : Dans Contre les païens, il se moque des dieux païens qui iraient festoyer en Éthiopie, soulignant leur « altérité » radicale. C’est un argument polémique contre le polythéisme, mais il s’appuie sur un stéréotype ethnique.
– Jean Cassien (v. 360-435) : Dans ses Conférences, il décrit le diable apparaissant sous la forme d’un « hideux Éthiopien ». Ici, la noirceur n’est plus seulement une métaphore ; elle est incarnée dans une figure effrayante. Cela reprend un topos ancien (le démon est associé aux ténèbres) mais lui donne une apparence ethnique spécifique.

[5] NSASAY Kentey Pini-Pini, Croisades de l’Europe christianisée contre l’Afrique ancestrale, Tome I : Procès du christianisme meurtrier, Editions Sources du Nil, Yaoundé 2017.
NSASAY Kentey Pini-Pini, Croisades de l’Europe christianisée contre l’Afrique ancestrale, Tome II : La guerre permanente en Afrique, Editions Sources du Nil, Yaoundé 2018.

[6] NSASAY Evariste Pini-Pini Leke ya Yezu, La mission civilisatrice au Congo, Editions Sources du Nil, Yaoundé 2012.

[7] BARANYANKA Charles, Le Burundi face à la Croix et à la Bannière, Bruxelles 2015. (La « Croix et la Bannière » désigne l’alliance historique entre le Vatican, la France – notamment via les Pères Blancs de Lavigerie –, l’Angleterre, l’Allemagne, la Belgique et les États-Unis contre l’ordre traditionnel burundais depuis le XIXᵉ siècle.)

[8] KUBWAYO Félix, La lente reconnaissance du génocide de 1972 contre les Hutu du Burundi : Les faits et l’exécution du génocide par le pouvoir de Micombero, Bruxelles 2025.

 

Sources : Nahimana P. , http://burundi-agnews.org , Samedi 30 août 2025 | Photo : Ntare Rushatsi House, MAEIRCD, Segreteria di Stato della Santa Sede, Iris News, RTNB, BLACKMEDIA