Des visites présidentielles pour promouvoir une exploitation responsable. Le président Évariste Ndayishimiye et des membres de son gouvernement multiplient depuis 2024 les déplacements sur les sites miniers afin de soutenir la jeunesse et d’incarner la réforme du secteur. Sans être exhaustif, les descentes ci-après ont attiré l’attention de notre rédaction :
- 6 janvier 2025 – Karusi et Gitega : en congé gouvernemental, le chef de l’État a visité plusieurs sites de cassitérite exploités par des coopératives dans les communes Nyabikere et Shombo. Il a exhorté l’Office Burundais des Mines à revoir les contrats pour garantir des retombées économiques équitables et a appelé les coopératives à reboucher les trous et protéger l’environnement. Il a souligné l’importance d’une culture du travail pour combattre l’oisiveté des jeunes. À Gitega, il a encouragé les coopératives de la colline Makebuko à accroître leur contribution à la croissance nationale.
- Janvier – février 2025 – Bihembe (Bururi) : lors d’une descente sur la colline Bihembe, le président a visité l’entreprise FANALEK Company, spécialisée dans l’améthyste. Il a demandé la réhabilitation des sites exploités pour limiter l’impact environnemental et a rappelé que 14 conteneurs d’améthystes avaient déjà été expédiés, signe du dynamisme du secteur.
- 25 septembre 2025 – Bubanza : le président s’est rendu sur le chantier minier de Gahongore, appuyé par le Programme d’Autonomisation Économique et d’Emploi des Jeunes (PAEEJ). L’extraction de 100 tonnes d’améthyste verte en deux mois, valorisée entre 2 et 10 millions USD, démontre le potentiel économique de la filière. La visite visait à montrer que l’exploitation artisanale, encadrée par l’État, peut générer des recettes substantielles et des emplois locaux.
- Octobre 2025 – Bururi : en présentant la nouvelle administratrice communale, le chef de l’État a visité le gisement d’améthyste de Migera (environ 100 hectares) et a encouragé les habitants à travailler pour vaincre la pauvreté. Cette visite rappelle que les projets miniers doivent être intégrés au développement local.
- Septembre 2025 – Shombo (Gitega): le ministre des Mines, Dr Hassan Kibeya, a lancé les travaux d’extraction de cassitérite à Shombo, huitième concession appuyée par le PAEEJ, soulignant l’extension nationale du programme.
Ces initiatives illustrent la volonté politique de formaliser l’exploitation artisanale, d’impliquer la jeunesse et de surveiller l’application du nouveau code minier. Elles répondent à une réalité : malgré un potentiel en coltan, nickel et améthyste, le secteur reste peu productif, dominé par des pratiques artisanales et rapportant moins de 1 % du PIB national.
Relier ces actions à la vision 2040-2060
Le Burundi a adopté une vision stratégique à long terme : être un pays émergent en 2040 et développé en 2060. Le document officiel présente un État paisible où « la population vit dans des conditions décentes, où personne ne meurt de causes évitables, avec une économie compétitive tirée par les secteurs agro‑industriel et minier à forte valeur ajoutée ». Pour y parvenir, la vision prévoit que le secteur minier sera exploité « au bénéfice de la société dans son ensemble » via des partenariats public‑privé équilibrés, garantissant une répartition équitable des revenus et des retombées économiques et sociales pour la population.
Les descentes sur terrain du président Ndayishimiye s’inscrivent directement dans cette démarche :
- Valorisation des ressources: en visitant les sites de cassitérite, d’améthyste et de coltan, l’exécutif montre sa détermination à transformer des gisements encore exploités artisanalement en projets structurés, capables d’alimenter une économie à forte valeur ajoutée. La vision 2040‑2060 précise que l’industrie minière doit devenir un moteur de croissance et non un simple pourvoyeur de matières premières.
- Encadrement des coopératives et lutte contre la pauvreté: le président demande un partage équitable des revenus et encourage les jeunes à s’organiser en coopératives. Dans la vision à long terme, la transformation des matières premières doit se faire au Burundi afin de créer des emplois qualifiés et de réduire les inégalités. La mise en place du PAEEJ et les visites présidentielles visent à concrétiser cette inclusion.
- Respect de l’environnement: la vision 2040‑2060 insiste sur la protection de l’environnement et la préservation des ressources naturelles. Lors de ses visites, le président a exigé que les exploitants rebouchent les trous et restaurent les sites, montrant ainsi que la croissance minière ne doit pas se faire au détriment du milieu naturel.
- Promotion des partenariats public‑privé: la vision prévoit des partenariats win‑win avec des investisseurs pour développer des infrastructures de transformation et des raffineries. En visitant une future usine de fabrication de carreaux et de marbre à East African Drilling and Granite, le président souligne l’importance de l’investissement industriel local et du transfert de technologies pour diversifier l’économie.
La création de la valeur ajoutée au Burundi
Pour que les visites présidentielles et les objectifs de la vision 2040‑2060 se traduisent par une réelle création de valeur ajoutée locale, plusieurs actions complémentaires sont nécessaires :
- Développer des raffineries et des unités de transformation locales: l’absence actuelle d’unités de raffinage empêche de connaître la teneur exacte des minerais et transfère la valeur ajoutée à l’étranger. Les autorités doivent concrétiser les projets de raffinerie d’or et de fonderie d’étain annoncés en 2025 et encourager l’investissement dans d’autres filières (nickel, coltan) en offrant des incitations stables et en sécurisant les sites. La construction d’une usine de transformation des roches en carreaux à Gitega est un premier pas.
- Renforcer l’infrastructure et l’énergie: la transformation minière exige une électricité fiable, des routes et un réseau ferroviaire pour acheminer les matières premières. Le manque d’infrastructures et de personnel qualifié a longtemps freiné l’industrialisation. Les barrages en cours, la réhabilitation des routes et le projet de chemin de fer vers l’océan Indien doivent être accélérés.
- Mettre en place un cadre réglementaire attractif et transparent: des lois claires, des contrats équilibrés et une fiscalité adaptée sont indispensables pour attirer des investisseurs tout en garantissant que l’État et les communautés obtiennent une part équitable des revenus. Le nouveau code minier et son décret d’application (janvier 2025) établissent un quota de budget pour la prospection et l’obligation de raffiner localement les minerais. Il conviendra d’appliquer rigoureusement ces dispositions et de publier les contrats pour renforcer la confiance.
- Former une main‑d’œuvre qualifiée et encourager l’innovation: la valeur ajoutée repose sur des compétences techniques. Les universités et centres de formation doivent développer des filières en géologie, métallurgie et transformation des pierres précieuses. Des partenariats avec des entreprises étrangères peuvent faciliter le transfert de technologies et la certification internationale des produits.
- Formaliser l’exploitation artisanale et soutenir les coopératives: les visites présidentielles ont montré que les coopératives peuvent produire des quantités significatives (cassitérite, améthyste). La formalisation, l’accès au financement et l’appui technique permettront d’augmenter la productivité et de fournir des intrants aux unités de transformation. L’initiative du PAEEJ doit être étendue à toutes les régions riches en minerais.
- Favoriser la coopération régionale: selon des experts de la région des Grands Lacs, la création de raffineries et de fonderies requiert des investissements élevés et une forte demande. Des partenariats régionaux peuvent permettre de mutualiser les coûts et de créer des marchés plus larges. La vision 2040‑2060 appelle déjà à une intégration économique régionale via l’EAC, la COMESA et la ZLECAf.
En conclusion, les nombreuses descentes sur terrain du président Évariste Ndayishimiye traduisent une volonté d’aligner le secteur minier sur la vision 2040‑2060, qui vise un Burundi émergent et prospère grâce à des activités à haute valeur ajoutée. Pour transformer cette ambition en réalité, il faudra investir dans des raffineries locales, renforcer les infrastructures, former une main‑d’œuvre qualifiée, appliquer des règles transparentes et promouvoir des partenariats innovants. C’est à ce prix que les ressources du sous-sol burundais deviendront un véritable levier de développement au profit de la population.
Par Bazikwankana Edmond






