L’accélération du processus d’accès à la justice pour la population, est la « première priorité » des autorités judiciaires au Burundi pour l’agenda 2016-2020, a déclaré lundi à Bujumbura Aimée-Laurentine Kanyana, ministre burundaise de la Justice, de la Protection Civique et Garde des Sceaux.
Dans le cadre de la poursuite de l’exécution annuelle de cette politique sectorielle marquée par l’élaboration des plans d’actions annuels, le ministère de la Justice va donner au cours du second semestre de 2018 jusque fin 2020, un coup d’accélérateur à ce processus afin que « tous les justiciables burundais » aient accès à la justice, a affirmé Mme Kanyana, lors d’une interview accordée à Xinhua, en marge de la cérémonie d’ouverture de la première réunion du « Groupe sectoriel Justice et Etat de droit » piloté dans son ministère en partenariat avec le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD).
Elle a précisé que dans le cadre de l’atteinte de cet objectif, les juges ont multiplié des déplacements sur les lieux des litiges pour l’exécution des décisions judiciaires et la constatation de l’objet des affaires litigieuses.
« En effet, cette activité est d’une importance capitale ; car, il faut garder à l’esprit qu’au Burundi, au moins 90% du contentieux entre les populations burundaises, porte sur des affaires foncières. De ce fait, il s’avère important que le juge se déplace pour constater les faits et recueillir les avis des populations vivant à proximité du terrain faisant objet de litige », a expliqué Mme Kanyana.
Elle a signalé également que dans une perspective d’un « meilleur accès à la justice », le gouvernement a, en matière pénale, accéléré le processus de désengorgement des prisons, notamment en octroyant la grâce présidentielle ou en accordant la libération conditionnelle à certains prisonniers « remplissant les conditions légales ». Dans le même cadre, le gouvernement a organisé des activités « préparant la réinsertion sociale » des prisonniers après leur libération.
Le « rapprochement de la justice aux justiciables » s’est réalisée aussi via l’assistance judiciaire, a-t-elle révélé.
« En effet, cette assistance a été initié après des constats selon lesquels certains justiciables burundais perdent des procès pour n’avoir pas été capables de plaider leurs causes, par méconnaissance de la loi ou suite à l’incapacité de s’exprimer correctement devant le juge », a-t-elle expliqué.
Pour remédier à cette situation, le gouvernement burundais a introduit une nouvelle rubrique budgétaire pour soutenir un programme d’assistance judiciaire aux vulnérables ad hoc « en besoin d’avocats ». Ce programme, a-t-elle ajouté, est aussi appuyé par le PNUD.
La ministre Kanyana a affirmé aussi que les doléances populaires recueillies durant des audiences hebdomadaires accordées aux justiciables par elle-même ou ses proches collaborateurs, constituent une autre « bonne vitrine » pour améliorer l’accès à la justice au Burundi.
« Les doléances d’une centaine de personnes que je recueille par semaine au cours des audiences accordées à la population chaque mardi et chaque vendredi, me permet de connaître la réalité sur terrain ; en particulier en ce qui concerne les problèmes par rapport à l’accès à la justice, en l’occurrence les comportements inacceptables affichés par certains magistrats et greffiers, ainsi que par certains agents du personnel de prison », a-t-elle dénoncé.
Le recueil de « la température judiciaire basée sur des réalités factuelles », a-t-elle noté, permet aux hautes autorités du ministère de la Justice, d’apporter des corrections appropriées à la hauteur des défis locaux.
Dans les juridictions de base, on fait face au problème d’insuffisance du personnel. La résolution future de ce défi, a-t-elle affirmé, devra impliquer l’accès à des « moyens financiers accrus » pour rendre possible des recrutements afin qu’il y ait « au moins deux sièges » pour chaque tribunal de résidence.
A ses yeux, le problème « le plus épineux » au niveau de l’accès à la justice au Burundi, se pose particulièrement pour les « cours d’appel », qui sont des juridictions supérieures à vocation régionale.
« En effet, actuellement, nous avons au moins deux ou trois provinces qui partagent une même cour d’appel, avec des conflits fonciers occupant au moins 90% du contentieux. Cette problématique se pose à deux niveaux: d’une part, la cour d’appel peut être saisie sans être capable de se rendre sur terrain pour faire le constat, et, d’autre part, les justiciables éprouvent d’immenses difficultés pour payer le ticket de transport les conduisant aux sièges de ces juridictions régionales », a-t-elle expliqué.
Cette situation constitue un défi majeur à relever par rapport au processus d’accès à la justice, dans la mesure où « tout conflit doit, en principe, être tranché, après avoir effectué une visite sur terrain pour constater les réalités factuelles et écouter la population de proximité de l’objet du litige », a-t-elle ajouté.
Xinhua