Un prêtre burundais prolonge de trois ans sa mission pastorale en France
La Voix du Nord, 29/03/2014

Père François, la couleur des sentiments dans la Pévèle

Il a été appelé pour pallier au manque criant des prêtres dans notre pays. Arrivé en 2011 pour trois années à la paroisse Sainte-Marie en Pévèle, le père François a quitté son pays natal, ses paroissiens, pour rejoindre l’inconnu, la France. Une autre communauté, une autre culture. Et il a décidé de rester encore quelques années.

Le téléphone sonne. Retentit dans chaque pièce de la maison paroissiale. Le père François s’empresse de répondre. Au bout du fil, de futurs mariés, des parents qui souhaitent baptiser leurs bébés. Le prêtre remplit un peu plus son agenda, prévoit des célébrations jusqu’en 2015. Il semble à l’aise dans sa mission pastorale, au cœur de la Pévèle. Est heureux de la prolonger de trois ans.

« Mon évêque m’a demandé ce que j’en pensais, avant d’aborder le sujet avec mgr Ulrich. Je trouve que trois ans auraient été trop court. Je me suis bien habitué ici. Mes paroissiens se sont aussi habitués à moi. Et je poursuis mes études suis actuellement le niveau 2 de théologie à la Catho. » Difficile en l’écoutant, d’imaginer qu’il ne connaissait même pas la France il y a un peu plus de trois ans. Qu’il s’apprêtait à la demande de son évêque à quitter son pays natal, le Burundi. Sa paroisse, ses trente villages dans la brousse. Ses églises bondées, animées par des paroissiens, dansant et chantant au rythme des tambours.

Pourquoi son évêque l’a-t-il choisi ? François ne le sait pas. « Il a forcément ses raisons ». François se souvient encore de ce départ du Burundi. De cette peur de l’inconnu qui le tenaillait. De l’inquiétude de sa mère qui lui demandait, déjà, quand elle le retrouverait. De celle de ses proches craignant qu’il ne voie jamais le soleil. Et de cette valise où il avait empilé les vêtements chauds au milieu de son missel, livret de messe…

De la France, il ne connaissait que quelques faits historiques retracés à l’école. « D’un certain Napoléon, mais je ne me souviens plus lequel. J’ai dû regarder Lille sur une carte. » Pas sur Internet. « Pour ça, il aurait fallu que j’aille à la capitale dans un cyber, situé à 80 kilomètres de là. » Il se rappelle aussi parfaitement de cette angoisse quand on « m’a dit que j’allais me retrouver seul au 141, rue Nationale à Pont-à-Marcq. C’est ce qui a été le plus dur pour moi. J’ai dû tout apprendre. » Comment utiliser un micro-ondes, une gazinière, cuisinier, surfer sur le Net. « Heureusement, on m’a aidé. On m’a appris à préparer des petits plats. » Sa spécialité, et sa fierté ? Le gratin dauphinois. « Et j’ai également pris des cours d’informatique à Pont-à-Marcq. Si je n’avais pas été accompagné, je n’aurai pas tenu un mois. On m’a très vite intégré. »

Lui s’est rapidement adapté. A renoué avec cette langue française apprise à l’école, qu’il délaisse quand il croise ses homologues à la Catho dans les couloirs. Veille à être compréhensible durant les offices. « J’espère qu’on me comprend bien. Mais, dans votre pays, j’ai remarqué que c’est toujours celui qui vient d’ailleurs qui a l’accent. Dans le sud, ils disent que ce sont les Nordistes qui ont l’accent », s’en amuse-t-il.

Bien sûr, il s’est étonné de voir les églises bien souvent vides. « On m’avait parlé de la baisse de la pratique religieuse, mais je ne pensais pas que c’était à ce point-là. » Mais la situation, pour lui, n’est pas si catastrophique. « Je m’en rends compte que beaucoup de gens, même s’ils ne pratiquent pas, ont la foi. Ils croient. » Sur sa nouvelle communauté, le père François est intarissable. « Elle est vivante. Les personnes y sont engagées. Je me sens intégré. Heureux ici. Même si je suis un étranger, les gens me reconnaissent digne. » Et l’ont applaudi lorsqu’il a annoncé jouer les prolongations à une de ses offices. « Le père Dumortier m’a dit en rigolant que ça servait de sondage ! »

S’il retourne une fois par mois au pays, il aimerait, à terme, retourner vivre au Burundi. « C’est là où je suis né, j’ai grandi. » Dans sa maison paroissiale du 141, rue principale de Pont-à-Marcq, il a pris l’habitude de suivre l’actualité de l’Afrique. Des pays en conflit. « ça m’écœure de voir ceux qui n’arrivent pas à aimer, prennent prétexte de la religion pour faire du mal. C’est une négation de l’amour, de Dieu, des hommes. Et je prie tous les jours pour que ça change ! »

M.-C.NICODEME