Bien des mois avant que le parti CNDD-FDD ne tienne le congrès qui a élu Pierre Nkurunziza comme son candidat aux prochaines élections présidentielles, certains activistes de la société civile avaient lancé une campagne de rejet d’un nouveau mandat au président sortant. Ils ont évoqué l’esprit de l’accord d’Arusha qui limite les mandats présidentiels à 10 ans. Donc deux termes de cinq ans. En toute logique, ce combat est légitime voire louable. Car l’accord d’Arusha a été un pas important vers la paix et la réconciliation nationale.
Sauf que l’accord de paix n’a pas arrêté la guerre. Il a fallu encore trois ans de combats, beaucoup de morts et trop de dégâts matériels pour que le régime de Bujumbura accepte de se mettre à table avec le mouvement CNDD-FDD. L’accord global de cessez-le-feu fut signé. Les rebelles ont déposé les armes et ils ont quitté le maquis pour rentrer dans les institutions. Une constitution a été élaborée et adoptée par référendum. Elle a permis la tenue des élections générales.
La constitution est donc devenue l’unique référence qui s’inspire des deux accords importants à savoir l’accord d’Arusha et l’accord global de cessez-le-feu. Elle a permis ces équilibres ethniques dans l’armée, dans la police, dans la représentation des ambassades du Burundi à l’étranger, dans la composition du sénat et de l’assemblée nationale etc. La constitution de 2005 a réaffirmé l’obligation pour un président élu de ne pas briguer plus de deux mandats.
Et pourquoi alors une campagne contre un troisième mandat ?
Comme je viens de le dire, la constitution en vigueur limite les mandats présidentiels. Donc, c’est clair et pas besoin de mener une campagne contre les mandats? Ce serait malhônnete d’affirmer cela. Car, le législateur de 2005 a créé la confusion entre différents articles. Il a considéré que le premier mandat après la transition devait être vu comme un mandat exceptionnel. Autrement dit, qui déroge au principe de deux mandats retenu à Arusha. C’est ainsi que le président a été élu non pas par le peuple directement mais par le parlement. Ce président n’avait pas non plus le droit de dissoudre le parlement.
C’est sur base de cet exceptionnel que les activistes ont estimé qu’il fallait sensibiliser contre la possibilité pour le président de briguer un autre mandat. Ils ont donc rejeté le caractère exceptionnel du mandat de 2005 à 2010 pour exiger qu’il soit tout simplement considéré comme un mandat tout court. Et cette action semble avoir produit l’effet contraire car bien des juristes burundais et étrangers se sont prononcés sur ces dispositions de la loi fondamentale burundaise. Les juristes ont reconnu au président sortant le droit de se prévaloir du principe juridique qui reconnaît que les dispositions spéciales ou exceptionnelles dérogent des dispositions générales. Puisque le législateur de 2005 a voulu que le mandat de 2005 soit exceptionnel, par respect de la constitution, il aurait fallu laisser le président Nkurunziza se présenter et mobiliser la population pour un vote sanction.
Mais les politiciens burundais sont très malins! Ils savaient que Nkurunziza demeure populaire et que le peuple allait lui accorder facilement sa bénédiction. C’est ainsi que les activistes et les politiciens de l’opposition ont déplacé la question du côté du droit vers le côté politique. Et ils ont été soutenus par bien des pays de la communauté internationale essentiellement les Occidentaux. Parce que ces derniers jugent le pouvoir du système CNDD-FDD opaque et peu attentif à leurs intérêts!
Devant le soutien apporté aux activistes et aux opposants, le CNDD-FDD a compris que la question n’était pas un mandat de trop mais bel et bien le rejet du système au pouvoir! Alors que l’Europe a passé dix ans à encourager l’Etat de droit au Burundi, il est devenu étrange voir préoccupant de voir cette même Europe et les USA avec, refuser au gouvernement du Burundi le droit de faire respecter la constitution en vigueur!
Et les manifestations violentes comme une guerre déclarée au gouvernement !
Il a suffit que le parti CNDD-FDD, interprétant la constitution, décide librement d’apporter son soutien à Pierre Nkurunziza pour que les émeutes commencent dans quelques quartiers de la capitale. Alors que plus de 125 communes du pays demeurent calmes, les activistes et certains opposants ont lancé des alertes pour dire que le pays était à feu et à sang à cause d’un mandat de trop!
Et pour bien manipuler l’opinion nationale, ils ont fait croire que la candidature de Pierre Nkurunziza était présentée en violation de la constitution et de l’accord d’Arusha! Ce qui est archifaux! Car l’accord d’Arusha a été signé par 17 partis politiques avec tellement de réserves qu’il était presque une coquille vide. Et de surcroît, plusieurs dispositions de l’accord d’Arusha ont été rendues caduques par l’accord global de cessez-le-feu! Il a aurait été juste de refuser la candidature de Nkurunziza en avançant des arguments plus véridiques que ces mensonges. Une approche plus diplomatique aurait sans doute porté des fruits et permis au CNDD-FDD de préparer un autre candidat. Faute de cela, le parti CNDD-FDD a cru à un complot, à un coup d’Etat contre le peuple: contre la démocratie et le retour à des régimes de partage du pouvoir comme au lendemain de l’assassinat du Président Melchior Ndadaye.
Et en parlant des mensonges des actvistes et de certains opposants, il faut noter que les émeutes ont commencé au lendemain de l’annonce du choix fait par le parti au pouvoir de soutenir Pierre Nkurunziza comme son candidat. A ce stade, la mobilisation aurait dû commencer pour mettre en garde la CENI et la cour constitutionnelle de ne pas recevoir cette candidature. Or, les activistes et certains opposants n’ont aucun respect de ces instances. Ils ont fait comprendre que Nkurunziza était déjà candidat à la lumière des lois en vigueur et qu’il fallait l’en empêcher!
Ce faisant, les manifestants ont franchi le Rubicon dans leur aventure à ignorer les lois en vigueur et passer en force avec l’appui et la complicité des pays occidentaux. Du côté du parti au pouvoir et des forces de sécurité et de défense, la provocation des actvistes et leur mauvaise foi dépassaient les limites du tolérable. Car céder au chantage, serait synonyme d’enterrer la constitution! Car les manifestants ne rejettent pas un candidat mais les institutions en place: la CENI, la cour constitutionelle, le système judiciaire. Dans ces conditions, il est très probable que Nkurunziza cède.
Paul Sorongo