POINT DE PRESSE

Mise sur pied d’une commission ad hoc d’enquête sur la situation que traverse le pays

Mesdames et Messieurs les journalistes,

En cette date du 12 mai 2015, nous vous adressons nos salutations cordiales et vous remercions d’avoir répondu à notre invitation. Soyez les bienvenus à ce point de presse. Nous reconnaissons le rôle que jouent les médias dans la transmission des informations sur tout ce qui se passe dans l’environnement immédiat. C’est pour cette raison que nous faisons encore une fois recours à la presse pour une large diffusion des apports de l’Ombudsman à l’apaisement de la situation qui prévaut dans le pays depuis deux semaines.

Nous rappelons que la Loi N° 1/04 du 24 Janvier 2013 portant organisation et fonctionnement de l’Ombudsman, spécialement en son article 2, stipule que « l’Ombudsman est une institution chargée de la médiation entre les administrations et les citoyens ainsi que du contrôle du bon fonctionnement des entités administratives ».

Depuis que cette crise est là, nous avons essayé d’apporter notre contribution à l’apaisement de la situation.

A titre d’exemple, le 27 avril 2015 nous avons effectué une descente sur terrain dans les communes chaudes de la Mairie pour nous enquérir de la situation et pouvoir recueillir les doléances de la population.

Les 1er , 4 et 7 mai nous avons invité les présidents des ligues des jeunes affiliés aux différents partis politiques pour les informer de l’état d’avancement des préparatifs de la conférence nationale que nous allions organiser le 8 mai 2015 ; mais également pour échanger sur la situation préoccupante qui prévaut actuellement dans le pays.

Parmi les leaders des ligues des jeunes, et à trois reprises, les jeunes de diverses tendances ont lancé un message de pacification et d’apaisement à l’endroit des parties prenantes dans la crise. Et ces messages ont été fort appréciés, d’après les échos venus de toute part. Au même titre que les jeunes affiliés aux partis politiques, nous avons réuni le mardi 5 mai 2015 les présidents des démobilisés et anciens combattants pour la validation des listes des participants qui allaient prendre part à la conférence nationale. C’était également pour leur parler de la situation sécuritaire du pays et d’autres activités

déjà entamées par notre institution dans le but de contribuer à l’apaisement de la crise. Nous avons à cet effet remercié les démobilisés et anciens combattants pour leur attitudes pacifiques.

Nous nous sommes aussi entretenus avec les Hauts Officiers des Corps de Défense et Sécurité sur la consolidation de la paix et la tolérance dans la diversité. Nous avons aussi échangé sur la situation préoccupante que traverse notre pays.

Le 8 mai 2015, nous avons tenu à l’Hôtel Source du Nil la conférence précédemment annoncée et qui a connu une participation tant massive que bénéfique de tous les acteurs à savoir les partis politiques, la Société civile, les Représentants des Corps de défense et sécurité, les Religieux, les Représentants des Institutions publiques et des Organisations internationales, les Représentants du Corps diplomatique et consulaire ainsi que les Représentants des Médias. Au terme de cette conférence, les débats fructueux et des travaux en groupes ont permis la formulation des riches et importantes résolutions.

C’est suite aux résolutions issues de cette conférence que nous avons décidé d’effectuer le 10 mai 2015 une descente sur terrain dans certaines communes de la Mairie de Bujumbura, à savoir : Musaga, Nyakabiga,

Bwiza à Jabe, Ngagara, Cibitoke à Mutakura, Kamenge, Kinama et Buyenzi. Le but visé était de nous rendre compte de la situation qui prévalait dans les comunes précitées.

A Musaga, nous avons remarqué à notre arrivée que la RN7 était dégagée de toutes les barricades qui jonchaient cette route. Un nombre important de policiers et de militaires était aussi présent sur les lieux. En progressant à l’intérieur du quartier, nous avons été accueillis par une foule nombreuse dont les esprits étaient manifestement surchauffés. nous avons échangé avec la population longuement pour écouter leurs doléances.

Dans la commune Nyakabiga, tout comme à Musaga, les axes principaux étaient dégagés. Les populations vaquaient à leurs activités notamment au petit marché où les vendeuses écoulaient leurs marchandises. Ici, nous avons nous-mêmes acheté quelques denrées alimentaires dans le but de vérifier la flambée des prix qui nous avait été précédemment rapportée. Les membres des Corps de Défense et Sécurité étaient nombreux.

En traversant le quartier de Jabe, en commune urbaine de Bwiza, nous nous sommes rendu compte que les

grands axes notamment l’Avenue de l’Imprimerie était dégagée.

Par après, nous nous sommes rendus à la commune de Cibitoke. Les citoyens étaient calmes. En plus, les voies publiques et presque toutes les avenues donnant l’accès à l’intérieur des quartiers étaient ouvertes.

A Ngagara, la circulation était normale : pas de baricades ni sur les voies principales ni sur les voies intérieures.

Quant à la commune de Kamenge, la situation était normale en ce jour. La population vaquait naturellement à leurs activités.

A Kinama, la vie avait repris son cours normal. Aucune situation particulière ne nous a été rapportée.

Dans la commune de Buyenzi, rien n’était à signaler. Le calme était à son comble. Nous nous sommes même permis de faire une marche à pied.

2. A côté des descentes effectuées dans la Mairie de Bujumbura, nous avons accordé des audiences à certaines personnalités. Il s’agit notamment du Secrétaire Général de la Croix Rouge, Monsieur Anselme Katiyunguruza, qui nous a déclaré que cette organisation humanitaire est à pied d’œuvre. La Croix Rouge apporte des secours aux nécessiteux sans

discrimination aucune. Concernant les effectifs qui rentrent dans ses prestations depuis le début des manifestations : la croix rouge a évacué 10 personnes décédées et 204 blessés, reçus dans trois institutions hospitalières à savoir Hôpital Militaire, Prince Régent Charles et Roi Khaled.

Nous avons également reçu le sous-commissaire municipal de police judiciaire, pour nous enquérir de plus amples informations sur la situation des manifestants détenus, tout particulièrement les mineurs et les femmes. Selon le Sous-Commissaire Mutagatifu Aimable, il n’y a ni femmes ni enfants emprisonnés aux cachots du Commissariat Municipal. Il a fait état de 24 détenus, arrêtés entre les 7 et 11 mai 2015, dont les dossiers sont en cours d’instruction au niveau du Parquet.

Le Sous-Commissaire Mutagatifu Aimable a indiqué que parmi les personnes arrêtées, depuis le début des manifestations jusqu’à la nuit du 10 mai, 26 femmes 114 mineurs et 589 hommes ont été relâchées. Ceux qui sont déjà transférés à la prison de Mpimba sont 292 détenus tous hommes.

Quant au bilan, le Commissaire Général de la Protection civile a relevé, jusqu’à ce jour, 17 décès et 90 blessés.

Après les différentes descentes et plusieurs consultations, nous avons décidé de mettre sur pied une commission ad hoc pour enquêter sur toutes les violences déclarées depuis le début des manifestations c’est-à-dire le 26 avril 2015.

Cette commission est composée de :

1. Colonel Etienne SINDAHEBURA, Criminologue et Ancien Commandant de l’ISCAM,

2. Monsieur Elie BIGIRIMANA Elie, Psychologue et Enseignant d’Université ;

3. Maître Jacqueline RUKUKI, Avocate ;

4. Monsieur Didace SUNZU, Journaliste et Enseignant d’Université ;

5. Monsieur Juma RUKUMBI, Journaliste et Secrétaire de cette Commission.

Cette commission aura pour mission de :

1° Faire des enquêtes pour identifier les auteurs des crimes,

2° Visiter les prisons et différentes maisons de détention pour enquêter sur les cas de violation des droits de l’homme ;

3° Visiter les hôpitaux pour enregistrer les cas de décès, de blessés graves ou légers ;

4° Elaborer un rapport d’enquête à présenter à qui de droit sur le plan national et international.

Cette commission pourra être élargie en cas de besoin.

Pour terminer nous lançons un appel solennel aux compatriotes de ne pas user de violence dans toutes leurs revendications.

Nous demandons en outre à tout un chacun de respecter les droits fondamentaux de l’Homme tout particulièrement le droit à la vie. Nul n’est autorisé à ôter la vie à autrui.

Nous recommandons ensuite à tous les Burundais de se respecter mutuellement, de respecter la Charte de l’Unité Nationale en vue de consolider la paix et l’harmonie sociale.

Je vous remercie pour votre aimable attention.

Fait à Bujumbura, le 12 mai 2015

Honorable Dr Mohamed RUKARA,

Ombudsman de la République du Burundi

et Vice Président de l’AOMF et de l’AOMA.