L’histoire du CNDD-FDD est vieille d’une décennie. Tout a commencé par une création presque simultanée de la branche politique (CNDD) et la branche armée (FDD) par une coalition des cadres issus essentiellement du FRODEBU et du PALIPEHUTU, mais aussi du FROLINA. Le parti et sa branche armée, les Forces pour la Défense de la Démocratie (FDD) furent confiés à Mr Léonard NYANGOMA, qui fut Ministre de la Fonction Publique, du Travail, du Rapatriement et de la Réinsertion des Réfugiés dans l’éphémère gouvernement de Melchior NDADAYE, assassiné le 21 octobre 1993 avec l’essentiel de ses collaborateurs lors d’une tentative de coup d’État opéré par une partie de l’armée et commandité par des jusqu’au-boutistes de l’ancien parti unique UPRONA.
Quelques mois avant l’ouverture des négociations d’Arusha le 15 juin 1998, NYANGOMA fut démis de ses fonctions par son chef d’État-major, le colonel Jean-Bosco NDAYIKENGURUKIYE, un ancien aspirant-officier de l’ISCAM. NYANGOMA récidiva et s’accrocha à la tête du CNDD original et des FDD-Intagoheka, et ce jusqu’à ce jour. Ainsi naquirent deux branches avec des sigles et dénominations pour le moins confuses, le CNDD de NYANGOMA et le CNDD-FDD.
La nouvelle direction du CNDD-FDD fut confiée au Colonel Jean Bosco NDAYIKENGURUKIYE, pourtant considéré comme l’homme de NYANGOMA, tous deux originaires de Bururi. Certains ont même cru, pendant longtemps, que NYANGOMA et NDAYIKENGURUKIYE avaient aussi des liens de parenté.
Des sources concordantes affirment que l’artisan de ce changement fut Hussein RADJABU, considéré comme le véritable «homme fort», et qui installa NDAYIKENGURUKIYE à la tête du mouvement à titre de Coordinateur Général du mouvement, le poste de Président ayant été supprimé pour des raisons stratégiques. Hussein RADJABU se contentera alors du poste de Secrétaire Général du mouvement, un poste hautement stratégique qui lui permit de consolider le mouvement à partir de la base, surtout avec les combattants FDD. Quant à Pierre NKURUNZIZA, il devint Secrétaire Général adjoint. Du côté militaire, il faut noter le ralliement de Adolphe NSHIMIRIMANA, qui fut promu Chef d’État Major des FDD et plus tard avec le grade de Général Major.
Il faut noter que tout cela se passe en plein guerre au Congo. NDAYIKENGURUKIYE alla s’installer à Lubumbashi (RDC) où il occupait une position privilégiée au sein de la chaîne de commandement des forces alliées au gouvernement congolais (Zimbabwe, Angola et Namibie).
Cette position lui offrit la tentation d’avoir deux chefs d’État major, l’un au Burundi, l’autre au Congo. Des mécontentements liés à des pratiques de détournement des armes destinées à entretenir le front burundais commencèrent à circuler.
On raconte même que plusieurs cargaisons d’armes auraient été ainsi détournés par NDAYIKENGURUKIYE et ses hommes, notamment son Chef d’État major au Congo, un certain Prime NGOWENUBUSA.
Ce dernier, lui-même ancien aspirant-officier de l’armée burundaise, aurait quitté l’ISCAM avec NDAYIKENGURUKIYE dans la nuit fatidique du 21 octobre 1993. Le détournement des fonds et armes destinées à la lutte armée, ainsi que l’assassinat des combattants non originaires de Bururi furent les principaux griefs reprochés à NYANGOMA et qui auraient vraisemblablement motivé sa destitution en 1998.
C’est donc au regard de tout cela que, en septembre 2001, le CNDD-FDD fut a son tour saucissonné en deux branches politico-militaires rivales avec la destitution de NDAYIKENGURUKIYE.
Le colonel resta à la direction de la branche récidiviste tandis que la branche progressiste, celle-là même qui vient de se transformer en parti politique, fut confiée à Pierre NKURUNZIZA à titre de Représentant Légal de l’organisation.
Le CNDD-FDD constitua alors un mouvement politico-militaire fort autour de trois personnalités clefs, dont Pierre NKURUNZIZA lui-même, Hussein RADJABU et Adolphe NSHIMIRIMANA. Une fois de plus, ce dernier préféra rallier l’équipe du changement, et il est alors maintenu au plus haut commandement des FDD comme Chef d’Etat-Major Général des FDD par la nouvelle direction.
Il sera promu Général-Major quelques temps après, suite aux recommandations du congrès de Makamba de janvier 2002. Des nouveaux statuts du mouvement furent adoptés le 2 Octobre 2002, soit neuf mois après ce premier congrès tenu de façon semi-clandestine au sud du pays.
Fort de l’appui tacite de la Tanzanie, considérée comme le pays-père des mouvements de libération en Afrique australe, l’Afrique du Sud, l’Ouganda et dans une certaine manière le Gabon épousèrent très facilement la cause du CNDD-FDD par ses ressemblances avec la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud, et la lutte armée contre les dictatures fascistes en Ouganda et ailleurs sur le continent noir.
Quant au FPR (Front Patriotique Rwandais) de Paul KAGAME, lui-même un ancien chef rebelle devenu Président de la République de son pays à l’issue de trente ans d’assauts sporadiques armés, et infructueux jusqu’en 1990-94 avec l’appui militaire de Yoweri MUSEVENI de l’Ouganda (lui même un ancien maquisard), ses relations avec le CNDD-FDD sont restées mitigées, avec une crainte et un respect plus ou moins mutuels, le FPR étant conscient que si ses troupes n’ont pas réussi à atteindre leur objectif militaire qu’était Kinshasa, c’est en grande partie grâce à la combativité des maquisards FDD qui ont encadré et motivé les troupes gouvernementales congolaises qui étaient jusque-là peu expérimentées aux techniques de la guérilla.
C’est ainsi donc que les hommes de Pierre NKURUNZIZA réussirent, en quelques mois seulement, à mener des négociations avec Bujumbura qui leur permirent d’arracher, le 16 novembre 2003, un accord historique de cessez-le feu qui reconnaissait aux seuls combattants FDD le droit de garder tout leur arsenal de guerre, -en fait toutes leurs armes et minutions-, pendant tout le processus de la formation de la nouvelle armée nationale, dénommée dans l’accord, les Forces de défense nationale (FDN).
Toutefois, bon nombre d’observateurs se sont posés la question de savoir pourquoi cette volonté subite de la part d’un mouvement rebelle, pourtant appuyé par la population, et apparemment bien armé, de vouloir renoncer à une victoire militaire qui pourtant leur semblait acquise tout au moins à long terme. Il faut dire que, sur le plan militaire, le temps jouait effectivement en sa faveur.
Mais sur le plan structurel, les risques d’un autre saucissonnage semblable aux deux précédents n’était pas à écarter. Fort de leurs assises au sein de la population, les responsables du CNDD-FDD ont donc changé de stratégie et décidé de prendre le pays par une stratégie légaliste, par les élections.
Rappelons que le tandem FRODEBU-UPRONA menaçait de déclencher les élections sans le CNDD-FDD, ce qui aurait par la suite jeté un discrédit à toute continuation de la guerre par qui que ce soit, et ce faisant, jeté les bases objectives au saucissonnage du mouvement.
Ainsi donc le 6 décembre 2003, NKURUNZIZA et RADJABU entamèrent un périple très médiatisé aux allures pré-électorales qui les mena de leur quartier général de Makamba au sud, avec un escale stratégique à Gitega. Ils décidèrent de descendre à Bujumbura par hélicoptère, appuyés par une escorte terrestre forte de quelques unités de combattants FDD lourdement armés.
Le chef d’État-major des FDD, le Général de Brigade Adolphe NSHIMIRIMANA, quitta Gitega par voie terrestre en compagnie de quelques compagnons d’arme. Lourdement armés, sous applaudissements d’un public médusé et des militaires gouvernementaux heureux, appuyés contre les canons refroidis et abaissés de leurs chars de combats en signe de paix, le général et ses hommes firent un escale de victoire symbolique dans le quartier populaire de KAMENGE, devenu le quartier historique de la résistance populaire. Là-même où tout avait commencé.
Le même jour, dans la soirée, Pierre NKURUNZIZA anima une conférence de presse pour rassurer la population de Bujumbura et couper court à toutes spéculations sur l’entrée des ex-rebelles à Bujumbura. Le 15 décembre 2003, sur invitation de l’Appel de Genève (Geneva Call), le CNDD- FDD, représenté par Monsieur Hussein RADJABU, signe l’Acte d’engagement à adhérer à une interdiction totale des mines antipersonnel. Cet acte fut un succès diplomatique pour ce mouvement qui venait à peine de sortir du maquis.
Quelques heures après cette offensive diplomatique des ex-rebelles, Adolphe NHIMIRIMANA est nommé, par décret présidentiel, Chef d’État-major Général Adjoint de l’armée avec grade de Général de Brigade. L’ancien animateur de la résistance armée de Kamenge devenait ainsi le premier Hutu à occuper ce poste depuis le génocide des Hutu en 1972.
Le 06 janvier 2004, les FDD entrent officiellement dans l’Etat-Major Intégré (EMI) des Forces de Défense Nationale (FDN), le nom que portera la future armée nationale. Trois mois plus tard, soit le 16 mars 2004, fut créée une toute première unité mixte de protection des institutions qui comprend 60% des FAB et 40% des FDD selon l’esprit et la lettre de l’accord global de cessez-le feu du 16 novembre 2003 et du protocole de Pretoria du 8 octobre 2003, signés entre le gouvernement de transition et l’ex-mouvement rebelle CNDD-FDD. Le même mois, soit le 23 mars, le président Domitien NDAYIZEYE nomme les membres de l’État-major Général intégré de la Police Nationale. Les ex-rebelles des FDD y sont représentés à hauteur de 35% conformément au protocole d’accord de Pretoria et à l’Accord de cessez-le feu de Dar es Salaam.
Le 3 mai 2004, l’ex-principal mouvement rebelle du Burundi suspend sa participation au conseil des ministres et au parlement pour protester contre les retards observés, selon lui, dans l’application de l’accord global de cessez-le feu signé le 16 novembre 2003 en Tanzanie.
Suite à cette politique de la chaise vide, plusieurs cadres du CNDD-FDD furent nommés dare-dare pour occuper des postes de responsabilités au sein de l’administration territoriale et dans la diplomatie. Le 01 juillet 2004, l’armée et les FDD organise un méga défilé fort de plus 5000 hommes à l’occasion du 42ème anniversaire de l’indépendance.
Ce fut ainsi une première dans l’histoire de l’armée burundaise de voir les FAB les ex-rebelles défiler ensemble le jour de l’indépendance. Ce méga rassemblement fut également une façon de prouver aux Burundais et aux amis du Burundi que les forces armées burundaises et les FDD sont capables de partager le toit et de vivre dans l’harmonie.
Le 7 et 8 août 2004, le troisième congrès du CNDD-FDD décide de transformer ce mouvement en parti politique et annonce officiellement sa participation dans la prochaine compétition électorale prévue à la fin de cette transition de trois ans occupée respectivement et par tranches égales par le Tutsi Pierre BUYOYA (UPRONA) et le Hutu Domitien NDAYIZEYE (FRODEBU).
La transformation du CNDD-FDD en parti politique est venue tourner la page d’une autre guerre, sur le plan politique: la bataille des noms entre trois formations politico-militaires qui se discutaient depuis quelques années la paternité du CNDD et sa branche armée FDD. Ainsi donc, NYANGOMA garde son CNDD, l’aile de NDAYIKENGURUKIYE s’est entre temps transformée en Kaze-FDD, tandis que NKURUNZIZA et RADJABU gardent les deux sigles CNDD-FDD. Rappelons que, jusqu’à présent, les deux mouvements de NYANGOMA et NDAYIKENGURUKIYE ne sont pas encore reconnues comme des partis politiques.
Sur le plan militaire, NYANGOMA et NDAYIKENGURUKIYE totaliseraient ensemble environ 2000 hommes, tandis que le CNDD-FDD compterait pas moins de 27.000 combattants ayant chacun une arme, sans compter quelques milliers de réservistes formés mais sans armes, disséminés au sein de la population.
Depuis la signature de l’Accord global de cessez-le feu, suivie de l’arrivée des FDD dans la capitale, la paix est revenue dans plus de 97% du territoire national. Seules quelques communes de Bujumbura rural subissent encore des incursions sporadiques de l’autre mouvement rebelle, les Forces Nationales de Libération (FNL) d’Agathon Rwasa, que les Chefs d’État de la sous-région viennent de déclarer «organisation terroriste» à l’issu d’un Sommet tenu à Dar es Salaam du 18 au 19 août 2004.
Le FNL a revendiqué son implication dans le massacre d’environ 150 réfugiés Congolais d’un camp de Gatumba au Burundi, essentiellement des Tutsi Banyamulenge, pour la plupart des femmes et des enfants.
Description:
Document collected by the University of Texas Libraries from the web-site of the Reseau Documentaire International sur la Region des Grands Lacs Africains (International Documentation Network on the Great African Lakes Region). The Reseau distributes « gray literature », non-published or limited distribution government or NGO documents regarding the Great Lakes area of central Africa including Rwanda, Burundi, and the Democratic Republic of Congo.
Source:
https://repositories.lib.utexas.edu/handle/2152/4188