Le Burundi dispose depuis peu d’un nouvel ambassadeur en Belgique, Therence Ntahiraja, qui a pris ses fonctions à la mi-novembre avec la volonté affichée de « redynamiser » les relations entre Bruxelles et Bujumbura, très tendues depuis 2015 en raison du troisième mandat du président Pierre Nkurunziza.
« Notre objectif principal, c’est de renouveler et de redynamiser les relations bilatérales » qui sont « fortes » et « historiques », a affirmé le nouvel ambassadeur cette semaine lors d’un entretien accordé à l’agence Belga.
Ntahiraja, un ancien haut fonctionnaire – il a notamment été secrétaire permanent et porte-parole du ministère de l’Intérieur – a présenté ses lettres de créances au roi Philippe le 14 novembre. Il est également accrédité auprès du Grand-Duché de Luxembourg et de l’Union européenne.
Il succède à l’ancien ambassadeur du Burundi, Jérémie Banigwaninzigo, rappelé à Bujumbura en décembre 2016 à Bujumbura après une bonne année de présence en Belgique.
Le régime du président Nkurunziza reprochait à la Belgique de jouer un « rôle déstabilisateur » dans la crise que traverse le Burundi, petit pays d’Afrique centrale, depuis la réélection du chef de l’Etat pour un troisième mandat contesté. En octobre 2015, le gouvernement du Bujumbura, avait a demandé le remplacement de l’ambassadeur de Belgique à Bujumbura, Marc Gedopt – une requête assez inhabituelle dans les usages diplomatiques – en invoquant « une dégradation de confiance » entre les deux pays.
Selon M. Ntahiraja, « il s’avère aujourd’hui nécessaire de (…) redynamiser » les relations bilatérales, un siècle après que la Belgique eut hérité de l’administration du Burundi, ex-colonie allemande, après la Première Guerre mondiale, qu’elle a exercée jusqu’à l’indépendance, le 1er juillet 1962.
Ces relations ont été mises à mal à la suite de la crise politique meurtrière que traverse le Burundi depuis que le président Nkurunziza a annoncé en avril 2015 sa candidature à un troisième mandat controversé. Il a été réélu en juillet de la même année.
Les violences et la répression qui ont accompagné la crise auraient fait au moins 1.200 morts et déplacé plus de 400.000 personnes entre avril 2015 et mai 2017, selon les estimations de la Cour pénale internationale (CPI). Mais Bujumbura conteste ces chiffres et affirme, à l’instar de M. Ntahiraja, que des dizaines de milliers de réfugiés sont rentrés de Tanzanie, avec ou sans l’aide du Haut-commissariat aux réfugiés de l’ONU (HCR).
L’UE a décrété en octobre 2015 des sanctions ciblées (gel des avoirs et interdiction d’entrée sur le territoire européen) contre quatre responsables burundais impliqués dans les violences. La France a toutefois repris fin 2018 sa coopération directe avec Bujumbura, notamment dans le secteur de la défense, au grand dam de l’UE et sans concertation avec ses partenaires.
La Belgique a pour sa part suspendu en octobre 2015 une partie de son aide publique au développement dans des domaines relevant directement des autorités locales – l’agriculture, l’enseignement et la santé n’ont été que partiellement touchés. De fréquentes manifestations anti-belges ont eu lieu à Bujumbura pour dénoncer une « ingérence » dans les affaires intérieures.
Mais M. Ntahiraja a perçu « des signes indicateurs » d’une amélioration des relations bilatérales, comme le fait que bon accueil qui lui a été réservé – « un signe très positif » – ainsi que le fait que le nouvel ambassadeur de Belgique au Burundi, Alain Van Gucht, ait lui aussi rapidement présenté ses lettres de créances au président Nkurunziza (dès le 18 septembre ndlr). Cela montre que « la période est meilleure », a dit le nouvel ambassadeur.
Il a expliqué que des projets de coopération menés par l’agence belge de développement (Enabel) « continuent à être exécutés », en dépit des décisions prises par Bruxelles en 2015. Tout comme ceux d’ONG.
Il a également assuré que « le processus électoral en vue des scrutins présidentiel et législatifs prévus le 20 mai prochain « se déroule très bien ».
Au pouvoir depuis 2005, M. Nkurunziza a surpris les observateurs en assurant qu’il ne se présenterait pas à sa propre succession, alors qu’une nouvelle Constitution adoptée en 2018 le lui permet.
Selon l’ambassadeur, le parti au pouvoir, le CNDD-FDD (Conseil national pour la Défense de la Démocratie – Forces pour la Défense de la Démocratie) tiendra « très bientôt » un congrès pour désigner le candidat qui remplacera M. Nkurunziza.
Tous les candidats doivent être connus pour le 25 février.
La Libre Belgique, 9 décembre 2019