Les superpuissances qui régentent le monde et l’Afrique en particulier semblent avoir décidé de renverser le régime démocratique du Burundi actuel pour le remplacer par un régime « à la rwandaise », à savoir où une élite minoritaire tutsi règne sur le reste de la population sous la terreur d’une armée mono-ethnique et qui pour ce faire, bénéficie d’une impunité totale de la part de la Communauté internationale. Pour faire aboutir ce projet, les pays comme la Belgique, ancienne puissance coloniale de ce pays, ou le Rwanda où le projet pilote a été essayé avec succès sont aux avant-postes. Tandis que les organisations internationales sous la botte de ces superpuissances sont sommées d’appuyer diplomatiquement et financièrement l’opération.
C’est le cas de l’Organisation des Nations Unies, de l’Union Européenne et même de l’Union Africaine. Cette dernière est redevable de l’Union Européenne qui finance une grande partie de son budget de fonctionnement et en retour lui dicte des attitudes politiques à prendre ou à ne pas prendre. Mais réalistes et pragmatiques, ces puissances doivent se poser une question précise et prendre en compte sa réponse pour la suite du projet.
Question : « Un régime tutsi à l’instar de celui qui règne au Rwanda depuis 1994 peut-il être réinstallé au Burundi sans recourir à un « génocide » ? Réponse : Non !
Conséquence : il faudra tout faire pour provoquer des événements qui seront alors qualifiés de « génocide » commis contre les tutsi du Burundi afin d’y installer un régime tutsi « à la rwandaise ».
Le précédent rwandais
Au Rwanda alors sous la tutelle belge, comme le Burundi d’ailleurs, s’est déroulée en 1959 une révolution populaire qui s’est terminée avec l’abolition du régime féodo-monarchique tutsi et la proclamation de la République en 1961. C’est sous ce statut de « république démocratique » que le pays accéda à la souveraineté internationale le 01 juillet 1962, date de son indépendance. Entretemps, les féodo-monarchistes déchus du pouvoir s’étaient exilés en masse dans des pays voisins notamment en Ouganda et au Burundi. C’est de ces pays qu’ils menèrent des incursions armées pour tenter de reconquérir le pouvoir au Rwanda. Leurs milices armées s’étaient données comme noms de guerre « INYENZI ». Les attaques des INYENZI furent chaque fois repoussées par la Garde Nationale, appellation de l’armée de la jeune et fragile République Rwandaise, avant de s’estomper complètement en 1968. Depuis lors, on crut alors que les féodo-monarchistes tutsi et leur milice « Inyenzi » avaient été défaits et qu’ils avaient remisé leur ambition de reconquérir le pouvoir au Rwanda. C’était mal les connaitre ! En réalité ils vont se réorganiser, nouer de nouvelles alliances, aider à la prise du pouvoir dans certains pays… Ils parviendront surtout à convaincre les superpuissances de miser sur eux (les tutsi) dans leur nouvelle politique de domination de l’Afrique.
Le contrat était simple : en aidant le tutsi de reconquérir le Rwanda et surtout en lui donnant les moyens de consolider son pouvoir (le surarmer, lui assurer l’impunité, faire la chasse à ses opposants, faire sa promotion dans la presse qui compte…) ces puissances pourront alors utiliser le nouveau régime rwandais comme son bras séculier dans la région. Elles pourront donc l’utiliser soit pour déstabiliser un pays de la région, soit pour piller un tel autre, soit pour surveiller un autre sous couvert des troupes de maintient de la paix, en fait des soldats tutsi rwandais recevant leur mission de Washington ou Londres.
C’est ainsi qu’il fut décidé enfin de lancer une invasion du Rwanda le 01 octobre 1990 et qui s’achèvera avec succès par sa conquête totale en juillet 1994 moins de quatre ans plus tard.
Conditions qui étaient remplies au Rwanda en 1990 :
Il a fallut un pays voisin qui engage ouvertement son armée pour envahir le Rwanda et ensuite fournisse tous les moyens logistiques pour soutenir une longue guerre sans en être condamné par la Communauté Internationale pour « agression » ! C’est l’Ouganda qui a joué ce rôle.
Le contexte international était tel qu’une guerre qui éclate en Afrique et présentée comme « un conflit local » ne puisse pas émouvoir l’opinion d’autant plus que le monde venait de devenir « unipolaire » avec l’implosion de l’ex-URSS avec la chute du mur de Berlin. En plus, l’invasion et la conquête du Rwanda par les éléments tutsi de l’armée ougandaise ont eu lieu au moment de la première guerre du Golfe qui alors monopolisait l’attention des médias.
Les éléments tutsi venus d’Ouganda ont bénéficié politiquement d’un concours décisif de certains opposants hutu qui n’étaient obnubilés que par deux points : a) la haine et l’envie de revanche contre le président Juvénal Habyarimana, b) l’envie et la fascination des postes au sein du gouvernement et de l’administration centrale obtenus sans passer par des élections.
La guerre fut gérée par un gouvernement de coalition dominé par les partis alliés à la rébellion tutsi. C’est ce même gouvernement qui menait ce qui fut appelé « les négociations de paix d’Arusha » qui n’étaient en fait qu’une « légalisation » de l’élimination physique et politique du président Juvénal Habyarimana et de son parti le MRND. Du moins ces partis alliés au FPR et qui étaient au gouvernement croyaient qu’ils prendront la place du parti de Habyarimana dans un nouveau régime dans lequel la rébellion tutsi du FPR serait associée.
Les mêmes conditions rapportées à la situation du Burundi de 2015-20…
Le pays d’où devront être lancées les forces de conquête, qui servira de base arrière et abritera l’état major politique et opérationnel de la conquête est tout trouvé : le Rwanda de Paul Kagame.
Le contexte international semble avoir un peu changé. Au début des années 90, les Etats Unis triomphant imposaient au reste du monde leur opinion pour la marche du monde et les faisaient endosser par l’ONU pour la forme. Il semble que les autres membres permanents du Conseil de Sécurité qui ne sont pas des alliés naturels des Etats Unis osent depuis quelques temps revendiquer leur mot à dire et tentent d’exercer leurs droits qu’ils s’étaient privés après la chute du mur de Berlin. Mais, sur le plan médiatique, comme en 1990-1994 lors de la conquête du Rwanda, les médias internationaux ont aussi l’embarras du choix quand il faut faire diversion et occulter la conquête du Burundi : guerre en Syrie, en Irak, au Yemen… phénomène de l’Etat Islamique (Daesh), Boko Haram Al Shabab etc…
Comme au Rwanda de 1991-1994, la classe politique du Burundi regorge de personnalités surtout hutu qui pourront facilement servir de « idiots utiles » et ensuite se retrouver « des dindons de la farce ». Ces politiciens sans aucune base populaire mais qui ont goûté au pouvoir grâce aux différentes transitions que le pays a connues, sont prêts à tout dès qu’on leur parle d’attaquer le régime démocratiquement élu pour l’obliger à accepter un gouvernement de transition dans lequel ils seraient alors nommés. Obnubilés par ses alléchantes perspectives, ils ne sont pas prêts à tirer les leçons de la malheureuse expérience des opposants hutu rwandais au régime de Juvénal Habyarimana qui ont aveuglément accompagnés les tutsi venus d’Ouganda dans leur conquête mais qui, aujourd’hui sont soit morts assassinés par leurs anciens alliés tutsi ou se retrouvent en exil ou en prison ou bien alors rasant les murs au Rwanda comme « hutu de service » car considérés comme des « génocidaires » de père en fils.
En effet, ils étaient nombreux à avoir œuvré à ce que le FPR gagne du terrain tant politiquent que militairement, à avoir même trahi les institutions du pays au profit d’un ennemi qui l’attaquait de l’extérieur et à avoir démoralisé les forces armées qui pourtant les défendaient, ainsi que les leurs ainsi que leurs biens. Tout cela dans l’espoir d’être associé au régime qui allait remplacer celui de Habyarimana. Ils étaient si confiants et fiers de leur jeu politique qu’ils étaient adoubés par la Communauté internationale à travers la presse des mêmes puissances qui avaient décidé d’offrir le Rwanda aux tutsi les qualifiaient de « hutu modérés » d’opposants « démocrates » et étaient encouragés par divers moyens à accompagner (les yeux fermés) les conquérants tutsi qui eux avaient leur agenda caché.
Effectivement après la conquête en juillet 1994, ces « hutu modérés seront associés à un soi-disant « Gouvernement d’Union Nationale » et occupèrent même des postes apparents au plus haut niveau (Président de la République, Premier Ministre, Vice-Premier Ministre etc…) mais dont vrais patrons étaient des tutsi venus d’Ouganda (Vice-président avec son propre Cabinet doublant celui qui était présenté comme effectif). Ces tutsi les utilisaient pour se donner le temps de s’adapter à leur nouveau pays conquis et surtout pour la consommation externe pour faire prévaloir que ces hutu avaient été récompensés pour leur appui à la conquête. Une année après leur aventure, les « hutu modérés » commencèrent à se rendre à l’évidence qu’ils s’étaient trompés mais il était trop tard pour eux mêmes et malheureusement pour tout le peuple. Ils furent alors éliminés un à un, ceux qui n’étaient pas assassinés étaient jetés en prison ou trouvaient la mort dans des conditions mystérieuses. Les rares plus chanceux parvinrent à s’exiler et depuis plus de 20 ans ils broient du noir.
A l’époque (19991-1994) très courtisés et médiatisés par la presse occidentale à l’instar des actuels opposants hutu burundais regroupés dans le CNARED, ils étaient présentés comme « des vrais patriotes, le salut du Rwanda après Habyarimana, les garants de l’unité et de la sécurité des Rwandais etc… ». Hélas, la même presse ne parlent plus de ces politiciens hutu dits « modérés » des années 1991-1994 et quand elle en parle c’est pour évoquer leur naïveté et pour vanter l’habileté politique des tutsi qui les ont utilisés. En effet, qui entend encore parler des personnalités comme Pasteur Bizimungu, Seth Sendashonga, Faustin Twagiramungu Alexis Kanyarengwe, Dismas Nsengiyaremye, Théoneste Lizinde ou encore Anastase Gasana ?
Espérons que les « hutu modérés » burundais auront plus de chance avec leurs compatriotes tutsis qui se préparent, ou plutôt qui sont préparés à s’emparer du pouvoir par les armes au Burundi. Une chose est sûre : comme ce sera à la faveur d’un « génocide » commis par les hutu contre les tutsi, opposant à Pierre Nkurunziza ou pas, « hutu modéré » ou pas du CNARED ou pas…tout hutu est potentiellement « génocidaire » et le moment venu , ce sera à lui de démonter qu’il ne l’a pas commis ou alors il sera traité comme tel et toute sa descendance.
Contrairement au Rwanda de 1991-1994 quand un gouvernement dit « de coalition » dominé par les partis alliés à la rébellion tutsi du FPR était aux affaires à Kigali, le Burundi possède un atout : celui d’avoir eu aux affaires au gouvernement formé par le parti majoritaire au Parlement quand sa déstabilisation débuta en avril 2015.Si ce genre de gouvernement reste aux affaires, même en cas de guerre ouverte, il aura l’avantage de la mener sans cacophonie en son sein qui serait dû à la présence au gouvernement-même des alliés de l’ennemi qui attaquent le pays comme au Rwanda entre 1991 et 1994. De même, en cas de négociations de paix elles se feraient entre les vrais belligérants contrairement au Rwanda où ce fut un jeu de dupes car une partie du gouvernement négociait avec ses propres alliés tutsis du FPR. Comme on s’en souvient, le résultat fut catastrophique.
Synthèse : Deux conditions qui ne sont pas remplies pour le Burundi.
Comme on vient de le voir, deux des quatre conditions qui furent remplies pour la conquête du Rwanda par les tutsi en 1994 ne sont pas totalement remplies en ce qui concerne le Burundi. La géopolitique mondiale a évoluée par rapport au début des années 90. Les puissances comme la Chine et la Russie s’intéressent maintenant à ce qui se concocte pour l’Afrique par l’Occident et font entendre leurs voix à ce sujet au Conseil de Sécurité de l’ONU dont elles sont membres permanents. Le Burundi est dirigé par un gouvernement uni et idéologiquement homogène de sorte que les trahisons en son sein du genre de celles qu’a connues le Rwanda entre 1991-1994 sont à exclure. En plus, tous ses représentants et émissaires défendront ses positions d’une même voix même si les tentatives pour débaucher certains ne manqueront pas.
Objectif intermédiaire des superpuissances au Burundi
Face à ce constat, que les stratèges des superpuissances ont été les premiers à relever, on s’en doute, ceux qui sont à l’œuvre dans la conquête du Burundi se devaient de se fixer des objectifs intermédiaires tenant compte de ces deux aspects de la situation du Burundi qui diffèrent de celle du Rwanda lors de sa conquête en 1994. Dans la conquête du Burundi en cours, la bataille se situe d’ores et déjà sur deux théâtres d’opérations:
Pour les superpuissances qui veulent installer au Burundi un régime tutsi « à la rwandaise », il faut persuader les puissances comme la Russie et la Chine de laisser faire et au besoin leur proposer des contreparties diplomatiques : promesse de laisser tranquille la Russie en Crimée, ou à la Chine de la laisser faire sa loi dans la mer de Chine.
Pour les patriotes et vrais démocrates burundais, il s’agira de faire comprendre à ces puissances qu’il y va de leur crédibilité au Conseil de Sécurité de l’ONU en s’opposant à ce que le peuple burundais soit livré à une clique choisie par les puissances occidentales.
Les puissances occidentales et leurs relais pour la région (Belgique, Rwanda…) vont tout faire pour installer à Bujumbura un gouvernement comprenant des personnalités choisies par elles et c’est un tel gouvernement qui sera censé négocier la paix, en fait qui permettra à la rébellion tutsi de mieux mener l’assaut final.
Le parti ayant gagné les dernières élections et les partis alliés devront se battre mordicus pour faire valoir que seul un gouvernement issu de ses rangs est légitime et donc le seul mandaté à engager le peuple burundais dans d’éventuelles négociations de paix.
On le voit, la conquête par les armes (ou plutôt) la reconquête) du pouvoir au Burundi par les tutsi, décidée comme une simple réédition de l’exploit des tutsi rwandais de 1991-1994 risque de connaître des ratés dus à quelques impondérables. Mais hélas et malheureusement, pour le peuple burundais, les puissances à la manœuvre n’aiment pas perdre la face. Elles n’hésiteront devant aucune énormité pour étendre « le modèle rwandais » au Burundi et s’il le faut, en cas de forte résistance des forces burundaises, en y provoquant des massacres vite qualifiés de « génocide », le « sésame » pour une invasion militaire ouverte et « autorisée » par la Communauté Internationale ( les mêmes puissances) !
Toutes ces machinations très destructrices pour le Burundi ne visent que les intérêts de quelques puissances. Elles mettent en péril la prise de conscience, actuellement, par la majorité des Burundais ( Hutu & Tutsi ) qu’il faut construire des ponts de vivre ensemble plutôt que de continuer à ériger des murs de haine entre les groupes ethniques. Elles menacent sérieusement le travail de mémoire et de justice que mène la CVR (Commission Vérité et Réconciliation) pour faire la lumière sur le passé douloureux que connaît le pays en vue de réconcilier le peuple avec son histoire.
Emmanuel NERETSE