La réponse positive de certains politiciens de l’opposition burundaise à l’invitation du facilitateur controversé Benjamin Mkapa a suscité une vive polémique, sans parler des critiques acerbes venues de la part du Conseil national pour le respect de l’accord d’Arusha et la restauration d’un Etat de droit ( Cnared). Ce qui n’a pas laissé indifférent le blogueur Jean Marie Ntahimpera qui y voit certaines incohérences.
Après que Benjamin Mkapa ait qualifié de « fous » ceux qui ne reconnaissent pas la légitimité du président Pierre Nkurunziza, le Directoire du Cnared a décidé de ne plus reconnaitre l’ancien président tanzanien comme facilitateur. Mais ce dernier a invité les politiciens au « debriefing » à Arusha le 16 janvier, et certains membres de cette plateforme s’y sont rendus, et pas des moindres. Les représentants du Frodebu et du Cndd étaient là. Les vice-présidents de l’Uprona de Charles Nditije étaient prêts à y aller, mais n’ont pas été invités. Les représentants des medias et des organisations de la société civile en exil se sont plaints de ne pas avoir été invités. Ce qui signifie que s’ils étaient conviés, ils s’y seraient rendus.
Que veut dire tout ça ?
Que le collectif des partis de l’opposition n’a pas ou n’a plus autorité sur grand-chose. Le Cnared a été créé pour unir l’opposition contre un pouvoir arbitraire. Mais le constat aujourd’hui est qu’il a échoué. Il est fait d’une dizaine de partis politiques, mais ceux qui ont un vrai poids sont nommément le Msd, le Frodebu et l’Uprona. Si les deux derniers n’écoutent plus le directoire du Cnared concernant une question aussi cruciale que la reconnaissance ou pas du facilitateur, c’est que le seul parti important qui reste fidèle ou loyal à la plateforme de l’opposition est le Msd. Mais il me semble qu’Alexis Sinduhije, son président, a pris une certaine retraite politique, ce qui me pousse à me demander ce que ceux qui parlent au nom du Cnared représentent réellement.
Le problème de cette plateforme à avoir une autorité sur ses membres est double. D’abord il a du mal à coordonner les partis membres. Ensuite, certains chefs de partis qui en font partie n’ont plus la main sur leurs partis. Soyons francs, on ne peut pas diriger efficacement l’opposition burundaise à partir de la Belgique. La géographie aussi compte.
Bonne décision, manque de stratégie
Je pense que la décision de ne plus reconnaitre Benjamin Mkapa est bonne. Après tout, le facilitateur ne sert à rien s’il n’a pas de respect pour une des parties en conflit. Mais cette décision aurait été efficace si tous les partis membres du Cnared et les leaders de la société civile en exil avaient tenu tous non seulement un même langage, mais adopté une même stratégie pour la suite des négociations. Si personne dans ces groupes n’avait répondu à l’invitation de Mkapa, celui-ci aurait compris qu’il n’avait plus de légitimité. Il allait se sentir ridicule, peut-être démissionner ou alors approcher le Cnared pour dire : « j’ai compris, c’est vous l’opposition légitime, dites-moi maintenant ce que vous voulez ». Mais maintenant que certains membres des partis les plus influents du Cnared sont prêts à répondre à ses invitations, et que les responsables du mouvement Halte au troisième mandat peuvent jouer leur carte de façon indépendante, Mkapa peut dire au directoire du Cnared d’aller au diable sans risquer de perdre son job. C’est le Cnared qui devient ridicule.
19 janvier 2017, Jean Marie Ntahimpera, http://www.yaga-burundi.com