Par Fridolin Nzambimana sur yaga-burundi.com
La vidéo des jeunes filles du parti au pouvoir récitant les dates sombres de l’histoire du Burundi est toujours au centre des discussions. En réaction à un texte publié sur Yaga fustigeant une attitude dangereuse, le blogueur Fridolin Nzambimana s’inscrit en faux contre ceux qui veulent politiser l’histoire et plaide pour une libération de la parole, « par tous les moyens ».
Folie sanguinaire. Folie cannibale. Une folie qui voit. Une folie qui se souvient. Une folie non amnésique. Une folie gardienne d’un passé douloureux toujours présent. Le Burundi, berceau de la folie humaine ? A premier coup d’œil, la question est la plus des pertinentes et la moins des délirantes. Tout lecteur avisé de l’histoire sociopolitique du Burundi devrait se la poser. Malheureusement, elle couvre ici une stigmatisation cynique et des conclusions tirées par les cheveux.
Prenons les choses dans l’ordre. Enseigner l’histoire, les méthodes étant discutables, n’est pas la déformer. Et en parler à visage découvert n’est pas synonyme d’intoxication. Qu’on s’entende donc, sauf quelques esprits malveillants tirant à boulets rouges sur ce qui passe sous leurs yeux, la vidéo montre des jeunes qui récitent successivement les périodes sombres de l’histoire du Burundi. Et le Burundi et son histoire ne datent pas de 2015. 1965 et 1972 ne sont pas une invention. 1988 n’est pas une imagination. 1993 non plus. Ces périodes ont emporté des vies de plusieurs centaines de milliers de Burundais. Les apprendre par cœur n’est pas « transférer l’ignorance, l’intolérance et l’esprit de vengeance et de globalisation ». Ndadaye a été assassiné en 1993. Des milliers de paysans ont été massivement massacrés en 1988. Cela est indéniable. Notre passé fait partie de l’héritage que les générations se transmettent les unes après les autres. En parler donc n’est pas criminel.
« Arrêtons donc de politiser l’histoire »
L’attitude de vouloir à tout prix réduire au silence les voix qui essaient de se souvenir et de rappeler, conduit sur un terrain nourri des déchirements affreux de la mémoire. N’oublions pas que le peuple qui oublie son passé est condamné à le revivre. S’il y avait eu le temps de parler de 1965, les criminels auraient été punis et probablement, 1972 n’aurait pas eu lieu. Le Burundi n’aurait pas passé de coup d’Etat en coup d’Etat et probablement, Ndadaye aurait eu le temps de servir son peuple. On évite la répétition de l’histoire en apprenant d’elle. Et on ne peut pas apprendre de l’histoire si en parler est perçu par certains comme un sacrilège. Depuis la circulation de la vidéo sur Internet, on assiste à une forme de procès dans lequel le jury et le juge condamnent lamentablement une personne sans examiner les faits. Parce que celui qui est visé est Imbonerakure. Un misérable. Toujours coupable de quelque chose à leurs yeux, quoi qu’il puisse dire et faire. Parce que la chasse à l’homme qu’il subit depuis 2010 ne vise qu’à l’agenouiller, de faire en sorte qu’il marche tête baissée. Justement parce que les activistes de la communication de débauchage et de lynchage, du marchandage et du parachutage l’ont jugé ainsi. Délit de nom et d’appartenance politique.
Alors, Oui, parler histoire, même aux enfants, n’est pas un crime. Que ça lèse ou pas. Oui, les périodes meurtrières et sanglantes qui se sont abattues tour à tour sur le Burundi sont liées. Que ça lèse ou pas. Il y aura toujours des gens pour le dire. Que ça se lèse ou pas. Oui, les responsables des crimes du passé ne sont allés nulle part car n’ayant pas été jugés. Que ça lèse ou pas. Arrêtons donc de politiser l’histoire. Elle est commune à toutes les couches sociales. En attendant les conclusions de la CVR, cessons de condamner ceux qui essaient de libérer la parole en espérant libérer l’esprit. Parce que la mémoire doit être libre. Que ça lèse ou pas !