Les USA scellent le sort de Kagame
(Le Potentiel Online 18/06/14)
Tous les vieux amis de Paul Kagame lui ont tourné le dos. C’est désormais un homme seul à qui l’histoire tente de régler les comptes. Le président rwandais vit vraisemblablement la période la plus sombre de son règne. Son péché, c’est d’avoir voulu faire front à la communauté internationale, particulièrement aux Etats-Unis, lesquels ont toujours écrasé tous les chefs d’Etat qui ne reconnaissent pas leur suprématie.
Comme bien d’autres avant lui, qui ont connu une longue période de gloire avant de sombrer, Kagame jouerait déjà sa derrière carte, prêt à embraser la région des Grands Lacs pour ne pas couler seul. Autrement dit, la sous-région négocie un tournant important de son histoire. Marquée depuis des années par le génocide rwandais de 1994, qui a finalement précipité sur la scène politique le Front patriotique rwandais et son leader, Paul Kagame, la région est depuis un temps dans le viseur de la communauté internationale. A court terme, l’objectif visé est de ramener au plus vite la stabilité dans la région des Grands Lacs.
Le nombre impressionnant d’envoyés spéciaux dans la région est la preuve patente de l’importance retrouvée de la région à l’échelle internationale. Les Nations unies ont été les premières à se mobiliser dans la région, en déployant en République démocratique du Congo la plus importante mission de maintien de paix dans le monde, à savoir la Monusco (Mission des Nations unies pour la stabilisation du Congo).
Les Etats-Unis (USA), l’Union européenne (UE) et l’Union africaine (UA) leur ont emboité le pas. C’est dans cet ordre d’idées qu’il faut inscrire la mission de Mary Robinson qui fait office d’envoyée spéciale du secrétaire général des Nations unies dans la région des Grands Lacs.
Cette forte mobilisation tient certainement à une logique. C’est le reflet de grandes mutations qui affectent actuellement les Grands Lacs. La carte de la sous-région est en train d’être redessinée. Finie l’époque où le génocide rwandais passait pour le point focal de la politique étrangère de l’Occident.
Interpellé par le nombre impressionnant de morts de l’Est de la RDC, soit plus de six millions de vies fauchées, selon les comptabilités les plus récentes, l’Occident a modifié son approche. Ce n’est donc pas une surprise de voir aujourd’hui le régime de Kigali être acculé par ses vieux amis, en l’occurrence, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne qui comptaient parmi les plus fidèles de ses alliés.
La roue de l’histoire est en train de tourner dans l’autre sens la région des Grands Lacs. La sous-traitance dont s’est prévalue pendant de longues années Paul Kagame, charriant la mort dans l’Est de la RDC, est en train de s’estomper. Ce n’est donc pas pour rien que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont publiquement lever le ton pour condamner les égarements du pouvoir en place à Kigali. Voilà un signe qui ne trompe pas. A moins d’être amnésique.
Tirer les leçons du passé
Ce que l’homme fort de Kigali a oublié c’est que bien d’autres chefs d’Etat avant lui ont affiché la même arrogance à l’endroit des Etats-Unis. L’on sait comment le bras de fer s’est terminé. Ils ont vu la terre se dérober sous leurs pieds, emportés par le courant de l’histoire. Cela après avoir fait de la résistance. « Un fruit ne tombe que quand il est mûr, mais devant la tempête et l’ouragan de l’histoire, mûr ou pas mûr, il tombe quand même», avait rappelé il y a plus de 40 ans feu le président Mobutu du haut de la tribune des Nations unies. Il avait vu juste. Mais il n’avait pas su en tirer lui-même la leçon.
Tous ceux qui, dans le passé, ont osé faire front aux Etats-Unis en ont fait les frais. Ils en ont eu pour leur compte. Les exemples sont légion et Kagame risque de se retrouver sur la liste de ces chefs d’Etat et de gouvernement qui avaient cru capables de faire marcher la communauté internationale. Il devrait plutôt s’intéresser au sort que d’autres potentats avant lui avaient connu. Ceux-ci s’étaient refusé de lire les signes de temps.
De l’Europe à l’Asie en passant par l’Afrique et l’Amérique Latine, la liste n’est pas exhaustive. Dans le lot de ces effrontés figurent les Shah d’Iran, Kadhafi, Saddam Hussein, Mamadou Tanja, Moubarak, Mobutu Sese seko, Bokassa, Bozizé, Gbagbo. Leur résistance les a entraînés dans un aveuglement qui les a balancés dans le précipice ouvert par les Etats-Unis. Paul Kagame vient de commettre la faute fatale. Il n’échappera à la machine mise en marche par la superpuissance. Au contraire, sa chute risque d’ouvrir un cycle qui va aboutir au remodelage de la carte politique de la région des Grands Lacs.