ONATEL : une faillite à plusieurs facettes
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Le président de la République et le Premier ministre tirent, tour à tour, à boulets rouges sur le personnel de l’Office nationale de Télécommunication (Onatel). Selon eux, ce dernier est à l’origine de la dégringolade de la seule compagnie nationale de télécommunication. Dépités, les représentants du personnel expliquent point par point les raisons de cette régression économique de la société.

« Imaginez combien d’argent le gouvernement a injecté dans l’Onatel, mais aucun bénéfice n’a été dégagé. Et vous voyez les syndicalistes bomber le torse. Qu’est-ce qu’ils ont fait pour nous ? Un jour, nous allons réclamer notre argent. Je vais commencer à arrêter ces syndicalistes. S’ils ne nous montrent pas où ils ont mis notre argent, nous allons les jeter en prison. On ne badine pas avec notre argent ! Le syndicat devait se concentrer sur les études afin de trouver des stratégies pour rentabiliser notre capital. Est-ce que le gouvernement a investi cet argent pour qu’il soit bousillé par eux seuls ? Moins de 5000 personnes veulent manger l’argent de tous les Burundais. NON ! Nous allons sévir. Vouloir le salaire sans travailler, ce n’est plus d’actualité. »

Ce sont les propos outrés du président Evariste Ndayishimiye, tenus le 1er septembre 2021 à Isare lors d’une séance de moralisation sur la bonne gouvernance et le patriotisme à l’intention des natifs, élus et responsables politiques, administratifs et religieux et d’autres représentants de différents services œuvrant dans la province Bujumbura.

Le numéro Un burundais ajoute une couche

Sur un ton toujours menaçant, il n’y va pas par quatre chemins : « Voulez-vous qu’on aille chercher de l’argent dans la caisse pour vous payer ? Vous n’aurez pas un centime. Quand l’enfant meurt, la nounou rentre chez elle. A quoi bon de rester ? Si l’Onatel n’est plus en mesure de les payer, qu’ils rentrent à la maison. Nous leur avions confié la mission de développer l’Onatel. Comme ils en sont incapables, qu’ils rentrent chez eux. Ces gens de l’Onatel se pavanent sur les comptoirs des bars, prétendant que ce sont des hommes. Ce ne sont pas des hommes. Ils croient que nous ne les voyions pas ? Ils se trompent. Nous les voyons. Laissons-les l’accompagner jusqu’à sa faillite. On verra où ils iront. De toutes les façons, elle est morte. Nous la ressusciterons quand ils seront partis. Est-ce qu’ils vont continuer à travailler alors qu’ils ne sont pas payés ? Ils finiront par partir et nous irons la remettre à flot. »

Le 19 août dernier, le Premier ministre Alain-Guillaume Bunyoni avait tenu presque le même discours. « Ils ont fait comme s’ils n’étaient pas responsables de la faillite en organisant un sit-in. Qui devrait les payer ? Pourquoi le gouvernement paierait alors que ce sont eux qui devraient verser des dividendes ? » Pour rappel, le personnel de l’Onatel réclame 5 mois d’arriérés de salaire et le versement de différentes cotisations.

Pointés du doigt, les employés répliquent

Résultat net et de l’affectation des dividendes (État, Personnel, SCEP et administrateurs)

L’Onatel a été créé en 1979 par décret N°100/146 du 8 novembre. C’est un établissement public à caractère industriel et commercial doté de la personnalité juridique et placé actuellement sous la tutelle du ministère de la Communication, des Technologies de l’Information et des Médias.

L’Onatel exploite les réseaux de télécommunications fixes (1979), mobile (2005), l’Internet (2003) et la transmission des données (2004). C’est le seul opérateur public œuvrant dans le secteur des télécommunications. Depuis sa création jusqu’à aujourd’hui, le capital de l’entreprise a enregistré des augmentations allant de 208.393.911 à 2.000.000.000 de BIF.

Dans un document intitulé « Contributions des organes sociaux regroupant le personnel sur la situation critique actuelle », les représentants du personnel dans ces organes sociaux (Conseil d’Entreprise, Syndicats) font savoir que depuis 1991 jusqu’en 2008, il y a eu une augmentation du chiffre d’affaires annuel jusqu’à atteindre plus de 20 milliards de BIF en 2008. « C’est à partir de 2009 jusqu’aujourd’hui que ce dernier n’a cessé de chuter passant de 18,5 milliards à 5,5 milliards en 2019. Pendant la même période, le résultat net de l’Onatel reste déficitaire de 17,2 milliards en 2019, à l’exception des exercices 2007, 2009 et 2012 où l’on enregistre des résultats positifs, respectivement 2,62 milliards de BIF, 2,88 milliards de BIF et 541 millions de BIF. »

Selon ces représentants du personnel, les dettes à court, moyen et long terme, au 31 décembre 2020, totalisent un montant d’environ 117 milliards de BIF y compris les dettes envers le personnel évaluées à 8 milliards de BIF sans compter les intérêts de retard sur les crédits bancaires octroyés au personnel. « Cette dette au personnel est constituée des retenues conventionnelles et des fonds de pension complémentaires non versés aux différentes banques et institutions de microfinance. »

Quid des effectifs et la masse salariale ?

Evolution des effectifs du personnel et de la masse salariale

Depuis 2001, indiquent les représentants du personnel, l’Onatel a enregistré une augmentation des effectifs du personnel dus aux différents recrutements de nouveaux employés en remplacement des départs à la retraite, des décès, des démissions, licenciements, mise en disponibilité… La masse salariale n’a pas augmenté depuis 2015. Le gel des recrutements institué en janvier 2016 a provoqué la réduction des effectifs passant de 619 à 462 jusqu’à la fin du mois de décembre 2020. « Le ratio Chiffre d’affaires/Masse salariale n’a pas cessé d’augmenter depuis 2010 à cause de la baisse de la productivité consécutive au gel des investissements suite à l’amorce du processus de privatisation consécutive au décret n° 100/12 du 16/01/2009. »

En ce qui concerne la direction de cette entreprise publique, on remarque que, pour une période de 41 ans, l’Onatel a connu 14 directeurs généraux parmi lesquels 4 seulement ont pu achever leur mandat. « Pour le reste des mandataires, la moyenne est de 2 ans et cela ne pouvait en aucun cas contribuer au développement de l’entreprise. »

Comment en est-on arrivé là ?

Dividendes reçues

Dès sa création, l’Onatel jouissait d’un monopole (Blue ocean) et avait une mission publique : assurer l’augmentation du taux de pénétration des TIC dans le pays. « Par Décret-loi N°01/011 du 04 septembre 1997 portant cadre organique sur les télécommunications au Burundi, le gouvernement a libéralisé le secteur des télécommunications avant la restructuration de l’Onatel pour qu’elle puisse être compétitive sur le marché. » Des opérateurs privés affluent en masse pour exploiter les réseaux de télécommunications.

L’Onatel a même participé au capital de TELECEL BURUNDI à sa création  avec une participation d’un montant d’un million de dollars qui n’a jamais généré de dividendes jusqu’en 2003. « Le capital a été finalement cédé à TELECEL Burundi moyennant versement d’un montant de 460 millions de BIF sous une forte pression du personnel pour donner naissance à la téléphonie mobile (ONAMOB). »

Pour faire face à cette concurrence, plusieurs investissements ont été réalisés. « Malheureusement, certains d’entre eux n’ont pas été rentables », déplorent les représentants du personnel. Parmi ces investissements, ils citent l’actionnariat dans les banques BANCOBU et BBCI respectivement 80.000.000 en 2007 et 57.270.000 Fbu en 2004. L’actionnariat dans les sociétés des TIC locales et internationales, à savoir Burundi Backbone System (BBS), West Indian Ocean Cable Company (WIOOC) et une Organisation Régionale Africaine de Communication (RASCOM)
respectivement avec 800.000 dollars américains en 2011, 550.000 dollars américains en 2007 et 350.151 dollars américains en 2007. L’actionnariat dans la société EABS (Est African Back Haule System) « avec un montant de 60 000 dollars pour un acompte d’un projet qui n’a jamais vu le jour. » Déposit d’un montant de 600.000 dollars en 2004 auprès de la société SPI LTD via la Banque populaire. Selon ces représentant du personnel, ce paiement constituait la première partie d’un ‘’déposit ’’ de 10% des 10.000 000 de dollars américains à accorder à l’ONATEL par MAZAKHELE Financial Services Bus au titre de prêt pour le financement de l’acquisition des équipements d’un réseau mobile ONAMOB et des câbles pour la téléphonie fixe. « Le dossier est en contentieux, car le financement de ces projets n’a pas abouti et le montant a été provisionné à 100% pour équivalent de 660.324.900 francs burundais en 2005. »

Les représentants du personnel évoquent aussi la signature d’un contrat de marché gré à gré de fournitures d’internet par satellite (VSAT) avec les sociétés MBI et EMC pour des montants exorbitants de 96.000 dollars par mois pendant la période allant de Février 2009 à Mai 2013.

Amortissement du Crédit Huawei

Ils mentionnent aussi la signature d’un contrat de marché gré à gré (Février 2010) de fourniture et d’installation d’un système de gestion et de contrôle du trafic d’interconnexion entre l’ONATEL et les autres opérateurs Télécoms nationaux et internationaux (phase1) et d’un système convergent de Gestion et facturation de tous les abonnés de l’ONATEL (phase2) pour un montant de 2.795.549 d’Euro HT. « Aujourd’hui, les payements déjà effectués sur le projet s’élèvent à 1.074.491 Euros HT. Le projet n’est pas à sa parfaite exécution et les négociations d’un avenant sont en cours pour garder uniquement la partie déjà réalisée. »

Il y a aussi la rétrocession par le gouvernement d’un réseau à fibre optique Métropolitain Area Network (MAN) d’un montant de 9 millions de dollars américains. « Il n’est pas rentable suite à une concurrence déloyale d’un fournisseur unique d’accès de la bande passante (BBS) dont sa mission initiale était le transport de la bande passante jusqu’au point d’atterrissage des opérateurs à partir duquel ces derniers devraient acheminer le trafic jusqu’aux derniers consommateurs. Malheureusement la société BBS s’impose et opère comme grossiste et détaillant. »

Parmi ces investissements, il y a aussi l’aval du gouvernement pour le financement d’un projet d’extension et de modernisation du réseau ONAMOB à hauteur d’un montant de 30 millions de dollars américains en 2017 par la signature d’un contrat de marché gré à gré. « Le remboursement cause problème actuellement suite aux prévisions non réalistes. Des problèmes d’ordre technique, commercial et financier sont observés pendant cette période d’exécution. »

Les représentants du personnel évoquent d’autres difficultés comme les lourdeurs administratives qui handicapent la réactivité de l’entreprise dans la prise de décisions notamment d’investissements. L’amorce du processus de privatisation consécutive au décret n° 100/12 du 16/01/2009 portant autorisation de la vente d’une partie des titres de l’Etat dans l’ONATEL, est accompagnée du gel des investissements. D’après eux, il s’en est suivi le vieillissement des équipements de production, d’une détérioration de la qualité de services et la migration de nos abonnés vers les concurrents. Cela a entraîné la perte de la part de marché dans le segment mobile et le délaissement du téléphone fixe. « C’est dans un tel environnement que les problèmes de l’Onatel se sont accumulés jusqu’à atteindre le niveau critique actuel nécessitant un remède adapté et urgent. »


« La responsabilité incombe à l’Etat ! »

Nombre d’observateurs pointent du doigt l’Etat dans cette dégringolade de l’Onatel. Pour eux, le gouvernement devait faire des enquêtes afin d’établir les responsabilités au lieu de s’en prendre au personnel.

Gabriel Rufyiri : « Les mandataires publics qui ont géré l’Onatel doivent répondre de leurs actes. »

Gabriel Rufyiri, président de l’Olucome, situe la faillite de l’Onatel à plusieurs niveaux. « Cette responsabilité incombe à Etat d’une manière générale dans la mesure où cette entreprise est gérée par des mandataires publics. » D’abord, c’est le Conseil d’entreprise qui est responsable et à sa tête se trouve le directeur général qui est nommé par le président de la République. Selon M. Rufyiri, le DG est entouré par des directeurs des départements qui sont aussi nommés pas le chef de l’Etat. Ce Conseil d’entreprise orienté au quotidien les actions à mener. Certes, poursuit Gabriel Rufyiri, il y a un représentant du personnel, mais souvent les directeurs généraux nomment un représentant du personnel acquis à leur cause. « La plupart des cas, les intérêts de la société sont défendus par les syndicats. »

Le 2ème organe responsable de cette faillite, d’après l’Olucome, est le Conseil d’administration chargé de contrôler les actions du Conseil d’entreprise. « Il est aussi chargé de planifier toutes les activités à mener chaque année et de valider aussi les politiques. Je rappelle que les membres du conseil d’administration sont nommés aussi par le président de la République sur proposition du ministre de tutelle. »

M. Rufyiri indexe également le ministère de tutelle qui est chargé de viser et de réviser les décisions prises par les deux organes. En plus de ces trois organes importants, poursuit M. Rufyiri, il y a aussi le Service chargé des Entreprises Publiques (SCEP). « C’est un organisme public qui est chargé de suivre les entreprises et veiller à leur bonne marche. » Le président de l’Olucome se demande ce qu’a fait l’Inspection Générale de l’Etat chargée de contrôler et alerter en temps utile. En plus de cela, il y a les commissions parlementaires que ce soit au niveau du Sénat et de l’Assemblée nationale. Pour lui, elles devaient enquêter, mais rien n’a été fait.

« Vous comprendrez que les mandataires publics sont les premiers responsables de la faillite de l’Onatel. » Pour l’Olucome, le gouvernement doit prendre ses responsabilités et rendre comptables ses mandataires qui ont favorisé la faillite de l’Onatel. « Le gouvernement ne doit pas engager la responsabilité du personnel parce que ce n’est pas lui qui est chargé de la gestion au premier niveau. Loin de là. Les mandataires publiques qui ont géré l’Onatel doivent répondre de leurs actes. »

Le Directeur général explique la crise par de facteurs structurels

Pour expliquer la crise, le directeur général de l’Onatel, Privat Kabeba, évoque notamment la diminution du nombre d’abonnés (réseaux fixe et mobile), le faible taux ou le gel des investissements par le gouvernement, la vétusté des équipements, la concurrence ainsi que la loi sur les marchés publics qui prévoit une procédure longue.

Avec la libéralisation du secteur des télécommunications, souligne M. Kabeba, le nombre des abonnés de l’Onatel a considérablement baissé. Les clients de la téléphonie fixe sont estimés actuellement à 14 000 et ceux de la téléphonie mobile oscillent autour de 250 000.

Le patron de l’entreprise minimise, par ailleurs, l’impact de la commercialisation de l’internet par la société BBS. C’est un concurrent comme tant d’autres. Le seul avantage de la BBS est qu’elle a la dorsale nationale au moment où l’Onatel n’a que le réseau métropolitain de Bujumbura.

M. Kabera espère que l’Onatel va retrouver sa place de leader dans les années à venir. Il compte augmenter la masse des ventes et surtout investir dans les nouvelles technologies afin d’avoir plusieurs services à valeur ajoutée. L’Onatel envisage aussi de s’aligner sur les nouveaux projets en vogue comme l’exploitation du mobile money.

Sur le plan légal, analyse un juriste qui a requis l’anonymat, la lecture combinée des articles 517 et 520 de la loi N°1/09 du 30 mai 2011 portant code des sociétés privées et à participation publique revient sur la responsabilité exclusive du Conseil d’administration en matière de gestion des entreprises publiques. « Il convient de souligner qu’en vertu du décret du 8 novembre 1979 qui a créé l’Onatel, le conseil d’administration est présidé par le représentant du ministre de tutelle tandis que les membres de ce conseil sont respectivement les représentants du ministre des Finances, des Transports, du Commerce ainsi que le représentant du personnel. »

Plutôt qu’un discours lapidaire qui se contente de nommer des boucs émissaires, poursuit-il, l’Inspection général de l’Etat devrait plutôt rendre publics des rapports annuels qui sont obligatoirement élaborés pour anticiper à temps de telles situations. « Il se dégage que la faillite éventuelle de l’Onatel que le président de la République impute à son personnel doit être plutôt endossée par le gouvernement surtout que le personnel a souvent dénoncé la mauvaise gouvernance endémique sans que des réformes adéquates ne soient entreprises. »

Pour lui, il semble évident qu’il y a une absence d’une réelle volonté politique de sauver cette entreprise. « Il est cependant important de souligner que les conventions internationales que le Burundi a ratifiées tout comme le droit social burundais prohibent de telles pratiques qui consistent à provoquer ou assister délibérément à la faillite dans le but de récupérer et de redémarrer la même entreprise après avoir chassé le personnel qui a contribué à son développement. »


Interview / Prosper Niyoboke : « Le problème de l’Onatel est historique et institutionnel »

Selon l’économiste Prosper Niyoboke, l’Onatel a toujours connu des situations d’ingérence de la part de l’exécutif. Il trouve que tous les régimes successifs n’ont jamais voulu rendre cette entreprise plus autonome. Pour lui, le problème de l’Onatel est historique et institutionnel couplé à un problème de management. D’après lui, c’est loin d’être un problème technique ou de personnel.

Depuis des années l’Onatel affiche des mauvais résultats. Comment vous l’expliquez ?

L’Onatel est une entreprise qui œuvre dans un environnement marqué par plusieurs incertitudes. Une crise économique longue qui aurait provoqué une recrudescence des faillites de la plupart des entreprises, dont l’Onatel. La crise internationale de la pandémie de la Covid-19 a également impacté l’entreprise.

Toutefois, la crise que traverse cette entreprise publique ne date pas d’aujourd’hui. Sous tous les régimes, il s’observe des dysfonctionnements récurrents. Des ingérences de la part de l’exécutif. L’Onatel est devenu une vache laitière publique, ce qui perturbe sa gestion.

Comment ?

Des pouvoirs adjudicateur peuvent s’immiscer négativement en obstruant le bon avancement de la société. L’Onatel est à ce niveau. Les intérêts des uns et des autres au niveau de la prise de décisions font que l’argent récolté ne bénéficie pas à cette dernière. C’est une entreprise qui a connu plusieurs difficultés de gouvernance.

Une société d’Etat est une organisation hybride participant à la mise en œuvre des politiques et ayant une vocation commerciale. Ressemblant à une entreprise privée par sa vocation commerciale et ses activités au jour le jour, elle est attachée au secteur public par ses activités liées à la mise en œuvre de politiques de développement (économique, régional, etc.) et par ses processus de reddition de comptes. Elle est « contrôlée » à travers une série de mécanismes : plan stratégique, rapport annuel, vérification financière, avis du ministre de tutelle, etc. dont on doute historiquement de l’efficacité.

Pourquoi douter ?

Depuis que l’Onatel existe, les rapports ont été produits. Quel sort leur a été réservé ? Il ne faut pas se tromper de problèmes. Est-ce que le personnel a refusé de mettre en œuvre les avis et les recommandations ? Je ne pense pas.

Revenons au personnel. Chacun a son cahier de charges. Comment les responsables ont-ils évalué le personnel à leur charge ? Si le personnel n’a pas été coté, il n’est pas fautif. Il faut alors faire un chemin ascendant pour dégager les responsabilités. Quid des rapports et le sort réservé par les instances supérieures ? Est-ce que le ministère de tutelle a soumis la question à l’Assemblée nationale afin que cette dernière statue sur la privatisation de l’entreprise ou le réinvestissement ? Si cela n’a pas été fait, il ne faut pas jeter le tort sur ces simples employés. Il y a ceux qui doivent endosser cette responsabilité.

Qui ?

Quand on parle d’une entreprise, c’est le cerveau d’abord. Comment tous les experts qui ont dirigé l’Onatel n’ont pas su faire bouger l’entreprise ? C’est un problème. Au niveau de leurs rapports, il n’y aurait pas des lignes qui font état de quelques ingérences qui ont empêché l’Onatel de décoller ? Pourquoi minimiser la situation ?

Les autorités pointent du doigt le personnel

Il faudrait plutôt une équipe technique d’experts pour déterminer les responsabilités des uns et des autres. Il faut passer par les différents niveaux de responsabilités. De loin, je vous dirai que ce ne sont pas ces petits manœuvres qui sont responsables de cette régression. Si la voiture tombe en panne à cause d’un manque de fuel, on ne s’attaque pas au fuel. Le responsable est le conducteur qui avait devant lui le tableau de bord et qui est censé détecter les signes.

Et la concurrence dans tout ça ?

Pour que l’Onatel puisse être compétitif, il faudrait analyser la réalité. Il y a la numérisation, la digitalisation et d’autres nouveautés et innovations technologiques. Il faut des réformes profondes qui demandent des investissements. Il y a moyen de rebooster l’entreprise pour avoir plus de résultats. Evidemment, il y a une concurrence que je dirai déloyale. Avec l’avènement des autres compagnies de téléphonie mobile surtout Lumitel qui a joui et qui jouit jusqu’à maintenant de certains avantages non justifiés. Cela a impacté en partie sur le fonctionnement de l’Onatel.

Et l’attitude des gestionnaires de l’Onatel face à cela ?

Au lieu de chercher des stratégies pour être plus compétitifs, ils se lamentent sur leur sort. Le temps d’être en compétition avec les autres compagnies, ils le gaspillent en cherchant et en voulant justifier les manquements qui ont caractérisé cette entreprise. Entretemps, les autres avancent. Et pourtant, les infrastructures de l’Onatel sont de loin les meilleures. En plus, il a des atouts de par son expérience.

Que recommandez – vous?

Depuis longtemps, le patron de l’Onatel est nommé sur base des critères politiques. C’est peu stratégique. La tendance est que le directeur général et le directeur financier soient des hommes de confiance qui surveillent la caisse sans pour autant chercher quelqu’un qui va faire émerger la société. C’est ça le grand problème.
Si l’Etat n’envisage pas de privatiser l’Onatel, il faut qu’il soit stratège. Il faut qu’il recrute des entrepreneurs publics outillés en termes de compétence, de capacité et d’expérience. Ils doivent être recrutés de manière transparente et sur des critères bien établis. Souvent, le gestionnaire qui hérite de la direction est directement connecté aux antécédents négatifs qu’il essaie de couvrir. Personne n’ose dénoncer cela.

De plus, il faut procéder à une réévaluation du personnel ainsi que la mise en place des instruments de gestion à savoir des instruments de planification, de programmation financière, d’audit … En plus de ces contrats de performance, chaque employé doit être évalué avec des grilles de cotation et renforcer les capacités par rapport aux besoins qu’on aura identifiés. Il faut aussi motiver ce personnel avec plusieurs avantages : recyclage, renforcement des capacités, indemnités de risques, etc. Il faut également connecter l’Onatel à des plateformes régionales de téléphonie mobile. Comme c’est une entreprise commerciale, il doit se doter d’un plan de communication sûr avec comme noyau un service marketing robuste.

Faut-il privatiser l’Onatel ?

Lorsque l’intervention dans l’économie n’a plus de raison autre que commerciale, les entreprises publiques peuvent être vendues. L’essentiel est comment on gère l’appareil en fonction des objectifs poursuivis et non pas l’évaluation de la performance qui est faite. La question devient alors comment construire un appareil étatique vivant, un Etat stratège où des entrepreneurs publics développent des organisations porteuses de l’intérêt général ? La question de la pertinence des sociétés d’Etat se pose. Si, à une autre époque, les sociétés d’Etat semblaient être pérennes, leur sort est aujourd’hui beaucoup plus incertain. Elles doivent prouver qu’elles peuvent être utiles. Toutefois, il est nécessaire et souhaitable que l’Etat s’interroge périodiquement sur ses interventions dans l’économie. Dans cette perspective, les privatisations vont continuer à être à l’ordre du jour.

Propos recueillis par Fabrice Manirakiza