Les banques centrales se débarrassent petit à petit de leurs réserves en dollars, pour diversifier leur portefeuille au profit de devises moins traditionnelles, comme les couronnes suédoises, le won sud-coréen, ou le dollar australien ou canadien.
Le roi dollar a longtemps été la monnaie de réserve du monde, que les banques centrales gardent en leur sein pour contrebalancer la valeur de leur propre monnaie nationale. Mais ce pouvoir commence à s’éroder, analyse le Fonds monétaire internationale (FMI) dans une étude publiée sur son blog.
En fait, l’or vert reste bel et bien la monnaie de réserve du monde mais, depuis 20 ans, sa part diminue, relatent les économistes de l’institution, Serkan Arslanalp, Barry Eichengreen, et Chima Simpson-Bell. Au quatrième trimestre 2021, sa part dans les réserves étrangères est même descendue jusqu’en dessous de 59%, le plus bas point en plus de vingt ans. À la fin des années 90, le dollar était encore au-dessus de 70%.
Couronnes, won, et dollars CA et AUS
C’est-à-dire que les différentes banques centrales remplacent petit à petit le dollar par d’autres monnaies, pour diversifier leur portefeuille. Et les monnaies dans leur viseur sont des monnaies moins traditionnelles pour ces réserves, comme les couronnes suédoises, le won coréen, ou le dollar canadien et australien. Les économistes notent que ces monnaies se distinguent par de hauts rendements et une volatilité basse. Avec de nouvelles technologies financières, il est également possible d’échanger les devises de manière plus simple.
Ils ajoutent que « ces monnaies de réserve non traditionnelles sont émises par des pays dont les comptes de capitaux sont ouverts et qui ont fait preuve de politiques saines et stables. Les attributs importants des émetteurs de monnaies de réserve comprennent non seulement le poids économique et la solidité financière, mais aussi des politiques transparentes et prévisibles. En d’autres termes, la stabilité de l’économie et des décisions politiques est importante pour l’acceptation internationale. »
Ces devises moins traditionnelles représentent même 75% des sommes remplacées, ces dernières années. Les monnaies plus traditionnelles comme l’euro, le yen japonais et la livre britannique ne voient pas leur part augmenter dans ce procédé de diversification. Le quart restant est occupé par le yuan, aussi appelé renminbi. À échelle planétaire, la Russie détient un tiers de toutes les réserves en yuans, soit l’équivalent de 105 sur 336 milliards de dollars.
Les économistes donnent l’exemple de la Banque d’Israël, qui a 200 milliards de dollars en monnaies étrangères en réserve. Elle va se débarrasser d’une partie des dollars américains, au profit des dollars canadiens, australiens, du yen et du yuan, et cela pour une première fois dans son histoire. La part du dollar passera ainsi de 66,5% à 61%.
Guerre et pétrole
Avec la guerre en Ukraine, certains craignent que le dollar puisse encore davantage perdre en dominance. Notamment si la Russie et la Chine viennent à demander qu’on paie en roubles ou en yuans pour leurs produits exportés. La plupart de ces échanges internationaux se font en dollars, donc les pays doivent échanger leurs devises contre des dollars pour acheter différents produits. La Russie a par exemple déjà demandé à ce que son gaz soit payé en roubles, et non en euros, mais pas toutes les compagnies ne s’y plient. Reste à voir si la Russie demandera des roubles pour d’autres exportations.
Dans le contexte de la guerre toujours, et même au-delà, les cryptomonnaies pourraient également miner la dominance du dollar sur la scène internationale.
Un autre élément qui pourrait sérieusement écorner la dominance du dollar est si le yuan est accepté comme moyen de paiement pour le pétrole (où le dollar est pour l’instant la monnaie unique) – une idée que l’Arabie Saoudite a déjà laissée planer.
Par Charly Pohu