Kefa Nibizi : « Nous ne trouvons pas l’intérêt d’amener nos militants à adhérer au Frodebu. »
Après la déclaration de Léonce Ngendakumana, vice-président du Frodebu, sur l’accueil des militants désirant regagner le bercail, les leaders du Radebu et du Codebu ne l’entendent pas de cette oreille, invoquant l’avenir hypothétique du Frodebu. Ils sont plutôt pour un rassemblement de tous les partis qui se réclament héritiers des idéaux du président Ndadaye.
« On ne peut pas rester dans un parti politique. Il y a toujours un mouvement des militants. Les militants du Frodebu étaient venus de l’Uprona. Après, certains militants ont viré vers le Cndd-Fdd et d’autres vers d’autres formations politiques ou ont créé leurs propres partis», a indiqué Kefa Nibizi, président du Conseil pour la démocratie et le développement durable du Burundi (Codebu).
Après l’assassinat du héros de la démocratie Melchior Ndadaye, explique cet ancien militant du Frodebu, ce dernier a connu un problème de leadership. Selon lui, les leaders du parti n’ont pas été capables de maintenir les acquis qu’ils avaient reçus à travers les élections de 1993. D’où, déplore-t-il, on a observé plusieurs défections au sein du parti.
Kefa Nibizi fait savoir que la crise de leadership n’est pas encore terminée au sein du parti Frodebu. Et de renchérir : « Il s’agit d’un parti politique qui, suite aux circonstances, est en continuelle perte de vitesse. Il n’a pas pu s’adapter au contexte du moment pour qu’il attire la sympathie de la population. »
L’ancien président du parti Frodebu-Nyakuri devenu le Codebu s’interroge s’il est encore nécessaire de retourner au parti Frodebu car, fait-il observer, on ne voit pas ce que le Frodebu propose de mieux par rapport à ce qui se passe maintenant.
Ce politicien n’envisage pas le retour au Frodebu. Et de conclure : « Nous ne trouvons pas l’intérêt d’amener nos militants à adhérer au Frodebu. Toute organisation naît, grandit et meurt. Le parti Frodebu est dans une phase de decrescendo.»
Mêmes griefs du côté du Radebu
« Je suis un ancien militant du Frodebu. J’y ai adhéré depuis 1989 quand j’étais encore étudiant à la faculté d’Agronomie de l’Université du Burundi », a déclaré Jean de Dieu Mutabazi, président du Rassemblement pour la démocratie et le développement au Burundi (Radebu).
Le Frodebu d’avant la crise de 1993, fait-il savoir, était un front au sein duquel il y avait plusieurs tendances. Deux tendances qui, précise-t-il, ont éclaté en manifestant des visions diamétralement opposées.
Après l’assassinat du président Melchior Ndadaye en 1993, explique Mutabazi, d’un côté, il y a eu une tendance qui a pris conscience de l’importance des forces de défense nationale républicaines, régaliennes et légalistes dans la consolidation de la démocratie. De l’autre, une tendance pacifiste.
« Au sein du Frodebu qui était un front, la tendance pacifiste s’est beaucoup effritée et a cédé la place aux partisans de la lutte militaire pour réhabiliter la démocratie après le 21 octobre 1993 », a-t-il fait savoir.
Un avenir hypothétique du Frodebu
Jean de Dieu Mutabazi : « En tout pragmatisme, le Radebu a intérêt à s’allier au plus fort. »
« Je suis très pessimiste quant à l’avenir du Frodebu », s’est indigné le président du Radebu. Il a fait savoir que la crise de 1993 a sonné le schisme au sein du Frodebu : la séparation entre le courant pacifiste et le courant des partisans de la lutte militaire.
Et de regretter que ce schisme a affaibli le Frodebu, hypothéquant ainsi son avenir. Pour ce politicien, les scores enregistrés par le Frodebu dans les scrutins qui ont suivi témoignent de cette faiblesse.
Jean de Dieu Mutabazi reste catégorique quant au retour au sein du parti du héros de la démocratie. Pour lui, la préférence du Cndd-Fdd, parti qui, selon lui, a contribué dans l’édification des forces de défense actuelles, ne signifie pas la trahison du Frodebu. Et de donner sa position : « En tout pragmatisme, le Radebu a intérêt à s’allier au plus fort.»
Pour un rassemblement des héritiers des idéaux de Ndadaye
Le président du Codebu estime qu’il y a une possibilité d’être ensemble avec tous les partisans de Ndadaye pour former un groupement politique viable : « Nous ne trouvons pas l’opportunité de penser au retour au parti Frodebu. Mais le Codebu est toujours disposé au dialogue avec le parti Frodebu pour former des groupements viables qui peuvent contribuer au bien-être de la population burundaise.»
Et de rassurer que le Codebu ne sera pas contre cette vision, tout en concluant : « Le reste, il s’agit d’un dialogue qui peut s’établir entre les formations politiques pour définir les termes dans lesquels on peut le faire.»
Même position du côté du président du Radebu qui prône un rassemblement des partis politiques se réclamant de Ndadaye. Il précise qu’il faut se réunir autour d’une tendance.
« Le Cndd-Fdd, le Frodebu, le Radebu et d’autres formations politiques ayant comme dénominateur commun les idéaux de Ndadaye et l’engagement pour la consolidation de la démocratie, peuvent s’allier, se coaliser, fusionner autour des ces idéologies qu’ils ont en commun. Et de marteler : « Il ne faut donc pas raisonner en termes de retour au bercail, mais plutôt il faut raisonner en termes de coalition, de fusion ou d’alliance politique.»
Interrogés sur le fait que certains partis, selon Léonce Ngendakumana, se comportent comme des demandeurs d’emplois, Kefa Nibizi et Jean de Dieu Mutabazi rétorquent qu’ils n’en connaissent aucun.
Ils disent plutôt que les partis politiques, réunis au sein du Forum des partis politiques pour le dialogue national, sont là pour contribuer et participer davantage dans la gestion des affaires du pays. « Cela ne veut pas dire que ce sont des chercheurs d’emploi», concluent-ils.
Par Felix Haburiyakira (Iwacu)