Discours de S.E.M. l’Ambassadeur Albert SHINGIRO, Représentant Permanent du Burundi auprès de l’ONU lors de la réunion de la configuration-Burundi de la Commission de Consolidation de la paix sur la visite du Président au Burundi du 26 au 30 mars 2018, New York, 16 avril 2018
Monsieur le Président, chers collègues,
Je souhaite d’emblée vous remercier pour avoir organisé cette réunion consacrée à la présentation du rapport de votre visite au Burundi du 26 au 30 mars 2018, visite qui, comme vous le savez, a été marquée par les audiences de haut niveau ainsi que les rencontres avec les autres parties prenantes au processus de consolidation de la paix au Burundi. Vous vous souviendrez que les autorités nationales vous ont offert, vous et votre délégation toute la coopération voulue et n’ont ménagé aucun effort afin que votre visite se déroule dans de très bonnes conditions.
Permettez-moi également de remercier à travers vous Monsieur le Président, le Bureau d’appui à la consolidation de la paix pour ses appuis multiformes qu’il ne cesse d’apporter à notre pays et à la configuration dans un contexte de moyens limités que tout le monde connait. Ma délégation lui renouvelle son soutien et son entière coopération.
Monsieur le Président, comme par le passé, ma délégation apprécie beaucoup vos différentes visites de terrain au Burundi parce qu’elles offrent une excellente occasion de mieux connaitre notre pays dans toutes ses dimensions: ses forces, ses faiblesses, ses capacités et performances, ses défis, sa résilience ainsi que les aspirations profondes et légitimes de sa population à un avenir meilleurs.
La visite que vous venez d’effectuer au Burundi fait de vous un des témoins oculaires de l’évolution positive de la situation politico-sécuritaire dans le pays ainsi que des défis auxquels les Burundais font face aujourd’hui sur le plan socio-économique. Vous aurez sans doute remarqué que les préoccupations actuelles au Burundi sont et restent la lutte contre la pauvreté, les questions de développement en général, la réconciliation nationale ainsi que le retour volontaire des réfugiés, auxquelles s’ajoute le processus électoral en cours.
En matière de développement, comme je viens de le dire, le plus grand défi demeure la lutte contre la pauvreté, ennemi commun de tous les Burundais de toutes les tendances politiques et sociales. C’est dans ce cadre que le Gouvernement du Burundi est en train de finaliser le nouveau plan de développement national. A cet effet, nous sollicitons l’appui de nos partenaires traditionnels et non traditionnels pour accompagner notre pays dans la mise en application prochaine de ce projet ambitieux visant à réduire la pauvreté au Burundi et la mise en œuvre des agendas de développement 2050 de l’EAC, 2063 de l’UA et 2030 de l’ONU. C’est ici que le rôle de la configuration-Burundi devient crucial. La configuration peut servir de passerelle entre le Burundi et ses partenaires dans la mobilisation des ressources nécessaires pour la mise en œuvre de la nouvelle stratégie de développement du Burundi.
Sur le plan politique, le Burundi se prépare aux échéances électorales de 2020 et au référendum constitutionnel qui aura lieu le 17 mai 2018. La priorité du Gouvernement est de cheminer à bon port ces deux grands rendez-vous électoraux en créant en amont un environnement propice à l’organisation des élections démocratiques, libres, transparentes et apaisées. L’opération d’enrôlement des électeurs pour le référendum du 17 mai 2018 et les élections générales de 2020 s’est déroulée du 8 au 17 février 2018 dans de très bonnes conditions dans tout le pays et au sein de la diaspora. Au total, plus de cinq millions de burundais se sont inscrits pour prendre part à ces deux scrutins. Les fiches électorales ont été affichées dans les délais et la correction du fichier électoral est terminée. Les cartes d’électeurs seront distribuées dans les délais impartis. Lors de la réunion avec les partis politiques la semaine passée, le Ministre de l’intérieur a annoncé que la compagne électorale pour le referendum du 17 mai 2018 débutera le 1er mai pour durer deux semaines. Il a, à la même occasion, souligné que tous les partis politiques auront le même espace sans tenir compte de leurs positions par rapport au projet de constitution. Il a à cet égard interpellé avec insistance les administratifs à la base et autres parties prenantes à respecter les droits des partis politiques de faire campagne librement à travers tout le pays et celui qui passera outre cette interpellation sera puni conformément à la loi.
Ma délégation rappelle au passage que la réforme constitutionnelle en cours est le résultat de larges consultations menées durant plus d’une année auprès de la population burundaise dans toute sa diversité. Il s’agit d’un exercice qui relève exclusivement de la souveraineté nationale du Burundi et qui vise la stabilité à long terme du pays notamment par la sortie de la période transitoire sous l’actuelle Constitution du 18 mars 2005. Au niveau substantiel, l’amendement proposé respecte pleinement l’accord d’Arusha de 2000 auquel le Gouvernement attache une grande importance.
Au sujet du dialogue inter burundais sous la facilitation de la Communauté Est Africaine, nous nous réjouissons du fait que le dernier Sommet des chefs d’Etat de la région tenu le 23 février a renouvelé sa confiance à la médiation et à la facilitation du dialogue inter burundais respectivement piloté par S.E Yoweri Kaguta Museveni, Président de l’Ouganda et S.E Benjamin William Mkapa, ancien Président de la Tanzanie. Lors de ce Sommet, et c’est très important de le signaler, les Chefs d’Etat ont réaffirmé l’importance du maintien du leadership régional dans la conduite du dialogue inter burundais, tout cela afin d’éviter l’émergence des mécanismes parallèles et quelques fois obscures en dehors de la région.
Cette décision du Sommet des Chefs d’Etat de la Communauté de l’Afrique de l’Est sur le maintien absolu du leadership sous régional pour le cas du Burundi cadre bien avec le principe sacré de subsidiaritéde l’Union Africaine qui veut que lorsqu’une sous-région est saisie d’une situation d’un pays membre, la région garde la primauté sur les autres acteurs dans la gestion de cette situation. Le rôle d’autres acteurs en dehors de la sous-région doit alors se limier à l’accompagnement sur demande de la sous-région et du pays concerné. Toute tentative de vouloir supplanter ou contourner la région qui a le mandat des Chefs d’Etat est contreproductive et ne présage rien de bon pour le peuple concerné. Par ailleurs, ma délégation tient à rappeler que la culture de dialogue au Burundi a toujours été la pierre angulaire de sa politique. Elle est vivante, quasi-permanente et se poursuivra même au-delà du processus actuel suivant les principes connus de tous de l’appropriation nationale et de la dimension régionale.
En ce qui concerne la situation sécuritaire, le Burundi reste très engagé sur la voie de la paix, de la stabilité et de la réconciliation nationale. Le constat sur le terrain depuis 2017 jusqu’à nos jours est très positif. La situation sécuritaire s’est nettement améliorée sur tout le territoire national et les citoyens burundais dans leur riche diversité jouissent de leurs droits politiques et civiques sans aucune entrave. Comme vous l’avez-vous-même constaté, le pays est calme, la situation générale est maitrisée. Il faut dire aussi que le retour massif des réfugiés au pays et la confiance renouvelée de la sous-région aux autorités nationales notamment dans l’organisation de grands évènements politiques, sportifs et culturels de grande envergure au Burundi constituent une expression éloquente du retour à la normalité.
En matière des droits de l’homme, il convient de signaler que malgré les défis qui restent à relever, le Burundi a enregistré des avancées significatives aussi bien au point de vue normatif qu’institutionnel depuis quelques années. La rhétorique de 2015 à ce sujet qui semble ne pas évoluer ne se justifie pas. Les positions sur le plan sécuritaire et des droits de l’homme devraient évoluer parallèlement à la situation du terrain au lieu de rester figées. Nous réaffirmons par ailleurs notre entière coopération avec la communauté internationale dans la protection et promotion des droits de l’homme suivant les règles de jeu tracées par la Charte des Nations Unies ainsi que les objectifs phares que s’est fixé le Conseil des droits de l’homme lors de sa création le 15 mars 2006.
En ce qui concerne le retour des réfugiés qui ont fui le pays en 2015, ma délégation est heureuse de vous informer que le mouvement de rapatriement volontaire qui a commencé en 2016 continue à un rythme satisfaisant avec l’arrivée de plusieurs milliers de citoyens qui s’étaient réfugiés en Tanzanie notamment. Depuis 2016 à la date d’aujourd’hui plus de 000 Burundais sont déjà de retour au pays sur une base volontaire. Et pour 2018 et selon le calendrier des convois de rapatriement (2 convois par semaine de 1000 chacun) adopté par la tripartite Burundi-Tanzanie-HCR a la fin mars, le Burundi attend 72.000 rapatriés en provenance de Tanzanie principalement pour la période allant du 5 avril au 31 décembre 2018. Pour ce faire, ma délégation voudrait joindre sa voix à celle du président pour lancer un appel aux partenaires du Burundi et au Fonds de consolidation de la paix de continuer à soutenir ce processus de retour volontaire des réfugiés que ce soit lors du départ de leur milieu d’accueil, en chemin de retour et la réintégration dans leurs communautés d’origine.
Dans le domaine de l’humanitaire, le Burundi apprécie toute initiative de la communauté internationale à venir en aide aux personnes dans le besoin surtout celles en situation d’urgence, que ce soit par l’entremise du Bureau des Nations Unies pour la coordination des Affaires humanitaires (OCHA) ou toute autre organisation à caractère humanitaire. Toutefois, nous souhaiterions que tout appui de la part de la communauté internationale soit orienté principalement aux efforts de développement en cours dans le pays. Parlant justement du développement, ma délégation saisit cette occasion pour réitérer l’appel de l’UA à la levée des sanctions unilatérales qui pèsent sur les pays africains dont le Burundi. Ceci rejoint l’appel du Conseil de sécurité à la reprise du dialogue entre le Burundi et ses partenaires en vue de la relance de la coopération. Il est hors de tout doute que les sanctions prises par certains partenaires contre le Burundi constituent un obstacle majeur à l’atteinte des objectifs de développement durable d’ici 2030.
Nous ne cesserons jamais de le rappeler, ces sanctions au mobile purement politique, impactent négativement sur la vie des groupes vulnérables comme les femmes et les enfants et minent les efforts nationaux vers le relèvement communautaire. C’est à ce niveau que le rôle de la Commission de consolidation de la paix devrait se manifester. Non seulement il faudrait accélérer la mobilisation des ressources pour le Burundi, mais aussi faire un plaidoyer afin que les sanctions prises contre notre pays soient levées car elles sont en contradiction avec la mission principale de la commission de consolidation de la paix qui consiste à mobiliser les ressources nécessaires afin d’éviter que les pays post conflit ne retombent dans la violence. Vouloir mobiliser des ressources en faveur d’un pays sous l’agenda dans le cadre bien tracé de la mission de la commission d’un côté et prendre des sanctions économiques contre ce même pays de l’autre côté, équivaut tout simplement à promouvoir une chose et son contraire à la fois. Et je rappelle que le Burundi est le seul pays sur l’agenda à être dans cette situation du double standard.
Je vous remercie de votre aimable attention !