Ce qu’il faut savoir sur l’expression « Kubura Shinge na Rugero »
A part que « Kubura Shinge na Rugero » signifie littéralement « perdre les monts Shinge et Rugero », l’expression signifie par dérivation « n’avoir personne sur qui compter, n’avoir ni feu ni lieu ».  Comment Ces monts « Shinge et Rugero » ont-elle donné naissance à l’expression « Kubura Shinge na Rugero » ?

A l’origine, Shinge et Rugero sont deux monts distincts, mais frontaliers. Ils sont situés dans la région culturelle de Bugesera, précisément dans la province de Kirundo. Kirundo étant l’une des 18 provinces du Burundi. Cette province, située au Nord du Pays, est frontalière avec le pays des mille collines.   Shinge et Rugero sont des terrains où ont eu lieu des scènes de guerres récurrentes qui ont opposé les combattants burundais contre les combattants rwandais. « Lors de la guerre, si les combattants burundais s’établissaient en premier lieu au mont Shinge et ceux du Rwanda à Rugero, aucun d’entre eux ne remportait la victoire. Il fallait que la troupe burundaise prenne les deux monts Shinge et Rugero pour espérer remporter la victoire et vice-versa pour les rwandais. » Dixit Dr Denis BUKURU, professeur à l’Université du Burundi.

Le chercheur historien Aloys BATUNGWANAYO, apporte plus d’éclaircissements sur l’expression « Kubura Shinge na Rugero » lors du récent festival IGIHUGU. D’après lui, avant la bataille de SHINGE et RUGERO, une guerre aurait opposé les guerriers appelés « Inzobe » du roi du Burundi, MUTAGA SENYAMWIZA, aux combattants du roi rwandais, YUHI GAHINDIRO en 1763. Une guerre que les rwandais perdirent. Cette guerre se serait déroulée à Muharuro (Kirundo actuelle). Kirundo s’appelait autrefois Muharuro et est devenu Kirundo en la mémoire de tas de cadavres des combattants rwandais péris durant cette bataille.

La défaite de Muharuro….

« Le roi YUHI GAHINDIRO du Rwanda n’aurait pas digéré la défaite de Muharuro. Il aurait donc relancé la guerre contre le Burundi en 1775»,raconte Aloys. Les rwandais auraient assailli le Burundi. Les troupes du roi Mutaga Senyamwiza auraient laissé la troupe rwandaise entrer. Cette troupe aurait campé sur le mont Shinge. En plus de Shinge, cette troupe aurait voulu conquérir le mont Rugero et aurait encore attaqué. Mais, cette troupe rwandaise sera confrontée à des troupes burundaises qui se sont divisés en différentes unités. La première division de l’armée burundaise fut battue par les troupes rwandaises. Dans la foulée, une autre division d’élite des troupes burundaises aurait contourné le mont Shinge pour attaquer de derrière les troupes rwandaises tandis qu’une troisième division d’élite burundaise serait restée cachée derrière le mont Rugero.

Les troupes rwandaises furent prises entre deux feux avant d’atteindre le mont Rugero. La légende veut que les troupes burundaises remportent la victoire sur celles du Rwanda grâce à une tactique sophistiquée des troupes burundaises. Les Banyarwanda, vaincus, perdirent le mont Shinge, qui étaient au départ de la bataille le leur et Rugero qu’ils voulaient prendre pour eux. C’est par cette bataille qui aurait opposé les burundais contre les rwandais que l’expression : « Kubura Shinge na Rugero » serait née. Au départ, on voulait dire que les rwandais qui avaient perdu Shinge, perdirent également Rugero. Mais, cette expression s’est étendue à d’autres sens dont n’avoir personne sur qui compter, n’avoir ni feu ni lieu, comme on peut le lire dans le dictionnaire Rundi- Français de RODEGEM.

 

Sources

MWOROHA, Emile Histoire du Burundi (1987):  Des origines à la fin du 19ème siècle : Sous la direction.

KAGAME, Alexis (1972). Un Abrégé de l’ethno-histoire du Rwanda. Tome I. Butare : Éditions Universitaires du Rwanda.

MUZUNGU, Bernardin (2003). Histoire du Rwanda précolonial. Paris : L’Harmattan.

RODEGEM, F.M. (1970).  Dictionnaire rundi-français:

Arthur BIZIMANA