Le fonds souverain qatari (QIA) et Al Mansour Holding s’engagent à soutenir le Burundi dans les infrastructures, les mines et l’agriculture.
Bujumbura (Palais de Kiriri), 16/08/2025 – Dans une ambiance détendue, S.E. Ndayishimiye Évariste, Général-major et Président du Burundi, a reçu Sheikh Mansour bin Jabor bin Jassim Al Thani, président du groupe Al Mansour Holding et cousin de l’émir du Qatar. L’envoyé qatari a transmis les salutations fraternelles de l’émir du Qatar Son Altesse Sheikh Tamim bin Hamad Al Thani et réaffirmé la volonté ferme de l’émir d’accompagner le Burundi sur la voie de l’émergence, en renforçant une coopération mutuellement bénéfique.
Selon les échanges, le Qatar est prêt à investir jusqu’à 180 milliards USD à long terme [1] dans l’économie burundaise, avec un accent sur les infrastructures, les mines, les banques et services financiers, le tourisme, l’agriculture et la cybersécurité.
Le fonds souverain Qatar Investment Authority (QIA), créé en 2005 pour gérer les excédents tirés des revenus pétroliers et gaziers, disposait d’actifs estimés à 557 milliards USD en 2024. Dans une logique de globalisation, sa mission est de diversifier l’économie qatarie par des investissements mondiaux.
Al Mansour Holding, conglomérat privé qatari actif dans le bâtiment, les plastiques, l’acier, l’hôtellerie, l’immobilier, la technologie et d’autres secteurs, contrôle plus de cent holdings. Il bénéficie d’un appui financier du QIA, qui lui a confié une enveloppe de 300 milliards USD pour ses opérations, notamment en Afrique et en Asie.
L’intérêt qatari pour le Burundi s’inscrit dans une présence accrue dans la région des Grands Lacs. Le Qatar entretient déjà des liens économiques importants avec le Rwanda : Qatar Airways détient 49 % de RwandAir et QIA possède 60 % du projet d’aéroport international de Bugesera, près de Kigali et frontalier au Burundi.
À l’est de la RDC, une région riche en minerais, le guerre perdure, alimenté par des intérêts géopolitiques et économiques. Depuis 1994, la Globalisation Unipolaire Américaine Néolibérale (GUAN) [2] instrumentalise le Rwanda, soutenant des groupes rebelles divers comme le M23 (selon des rapports de la RDC et de l’ONU) pour exploiter illégalement ou voler les ressources congolaises. Des réseaux transfrontaliers (cfr. ONU), opérant depuis le Rwanda, sont accusés de pillage systématique – or, coltan et autres minerais –, utilisant les infrastructures rwandaises (aéroports, routes, circuits logistiques) pour exporter ces richesses vers les marchés internationaux. Plusieurs rapports de l’ONU confirment que les zones contrôlées par le M23 servent de plaque tournante à ce trafic, alimentant ainsi la violence et prolongeant le conflit.
Depuis la guerre en Ukraine et l’arrivée de Trump aux États-Unis, l’essor d’un monde multipolaire s’est accéléré. Pour autant, la GUAN, dominante de 1989 à 2022, conserverait de nombreuses ramifications.
Dans cette perspective, et pour sécuriser des intérêts économiques, des relais de la GUAN auraient installé le Rwanda (M23/AFC) au Kivu — Bukavu et Goma — dès janvier 2025, avant l’entrée en fonctions effective de Trump, jugé défavorable à ces réseaux. En face, les FARDC, appuyées par les Wazalendo — des forces d’autodéfense locales — bénéficient du soutien du Burundi et de sa Force de défense nationale (FDNB). Bujumbura estime par ailleurs que, depuis 2015, la GUAN (le Rwanda) chercherait à changer le régime du CNDD-FDD au Burundi.
En mars 2025, à Doha, une rencontre trilatérale entre l’émir du Qatar, Son Altesse Sheikh Tamim bin Hamad Al Thani, S.E. Kagame Paul (Rwanda) et S.E. Tshisekedi Félix (RDC) a débouché sur un engagement de cessez-le-feu immédiat et inconditionnel. En avril puis en juillet 2025, le Qatar a poursuivi sa médiation entre Kinshasa et Kigali (représentants du M23/AFC), menant à des déclarations de principes et à un accord de paix signé à Washington en juin 2025, avec l’appui des États-Unis (Trump) et de l’Union africaine.
Sur le plan géopolitique, bien que non membre des BRICS+, le Qatar entretient des relations privilégiées avec les États-Unis. Plusieurs rapports français l’ont accusé de soutenir financièrement des groupes islamistes armés au Mali pendant l’opération Barkhane – des groupes qui aujourd’hui menacent la stabilité de toute la région sahélienne et affrontent les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES). Le Qatar a également été impliqué dans le financement de factions islamistes dans d’autres conflits régionaux, notamment en Syrie et en Libye. Particulièrement controversé a été son rôle lors de l’intervention de 2011 contre le panafricaniste Mouammar Kadhafi (ancien Président de la Libye), où, aux côtés de la France, des USA, de l’OTAN, Doha aurait soutenu des groupes armés islamistes. Cette intervention a mis un terme au projet panafricain de création d’une Force africaine en attente (FAA) ou African Standby Force (ASF). Aujourd’hui encore, l’absence de cette force de sécurité continentale laisse le continent vulnérable face aux ingérences étrangères et à l’exploitation de ses ressources.
Parallèlement à ces actions controversées, le Qatar déploie un important soft power à travers des organisations comme Qatar Charity. Active en Afrique de l’Est et dans la région des Grands Lacs (Somalie, Soudan, Soudan du Sud, Kenya, Ouganda, Tanzanie…), cette ONG travaille souvent avec des partenaires locaux et parfois avec des agences des Nations unies comme le HCR. Cependant, ses activités philanthropiques sont parfois perçues comme des instruments d’influence politique. Après le scandale des « Qatar Papers », Doha aurait réduit certains de ses financements les plus controversés.
Le Burundi, ancien Ingoma y’Uburundi [3], fait face, depuis le XIXᵉ siècle à nos jours, à la « Croix et la Bannière » [4], coalition occidentale qui cherche à toujours avoir le contrôle du pays. Entre 1929 et 1944, elle a imposé le christianisme en lieu et place de l’Ubungoma ; en 1966, un État néocolonial — la République — s’est substitué à Ingoma ; en 1972 (cfr. Génocide contre les Hutu du Burundi [5]), l’économie de marché a remplacé l’Ubumu. Ainsi, de nos jours, les Barundi restent enfermés dans une colonialité spirituelle, politique et économique. Dans l’ère multipolaire qui s’ouvre, une opportunité se dessine pour retrouver peut être pleinement la souveraineté.
Références :
[1] XtraAfrica. (2025, August 18). Qatar delegation visits Burundi, signalling major investment plans: Qatari royal delegation visits Burundi, pledging $180bn investments in infrastructure, agriculture, and finance aligned with Vision 2040–2060. https://www.xtrafrica.com/news/qatar-burundi-investment-visit-2025
[2] Nahimana Karolero Pascal, La guerre civile du Burundi (1993-2003). Face à la Globalisation Unipolaire Américaine Néolibérale, le CNDD-FDD, Bruxelles, Génération Afrique, 2024.
[3] Nahimana Karolero Pascal, Histoire du Burundi : Les grandes dates de l’histoire des Barundi et de l’État millénaire africain – Ingoma y’Uburundi, Bruxelles, Génération Afrique, 2024.
[4] Baranyanka Charles, Le Burundi face à la Croix et à la Bannière, Bruxelles, 2015. (La « Croix et la Bannière » désigne l’alliance historique entre le Vatican, la France — notamment via les Pères Blancs de Lavigerie —, l’Angleterre, l’Allemagne, la Belgique et les États-Unis, hostile à l’ordre traditionnel burundais depuis le XIXᵉ siècle.)
[5] Kubwayo Félix, La lente reconnaissance du génocide de 1972 contre les Hutu du Burundi : Les faits et l’exécution du génocide par le pouvoir de Micombero, Bruxelles, 2025.














Sources : Nahimana P. , http://burundi-agnews.org — Lundi 18 août 2025 | Photo : Ntare Rushatsi House, Intumwa






