Les victimes réclament la signature présidentielle pour officialiser la reconnaissance du génocide contre les Hutu en 1972-1973.
Butanyerera, 19/08/2025 (BdiAgnews). – Depuis plus d’un siècle, le Burundi – Ingoma y’Uburundi, l’État millénaire des Barundi [1] – porte le poids d’une guerre silencieuse : celle contre « la Croix et la Bannière » [2], cette alliance occidentale qui, dès le XIXᵉ siècle, s’est liguée contre l’ordre traditionnel burundais. Entre 1959 et 1972-1973, elle imposa au pays, par un coup d’État militaire, une République néocoloniale à la place d’Ingoma y’Uburundi, l’État politique traditionnel des Barundi. Dans ce processus, elle détruisit également l’Ubumu – « la chose de Maman », symbolisée par Mukakaryenda, la femme du tambour Karyenda –, c’est-à-dire le système socio-économique communautaire ancestral. Celui-ci fut remplacé par une économie de marché. Jusqu’à aujourd’hui, cette colonialité pèse encore lourdement : le Burundi reste parmi les pays les plus pauvres du monde.
C’est sur ces cendres que travaille la Commission Vérité et Réconciliation (CVR) du Burundi. Reprenant le mandat de l’ancienne Commission Nationale Terres et autres Biens (CNTB), elle a ouvert ses portes à Ngozi pour recueillir les plaintes concernant les – matongo – les terres sacrés burundaises spoliées, notamment après le génocide perpétré contre les Hutu du Burundi en 1972-1973 [3] ou durant la période des camps de concentration (1996-2002)[4] pendant la Guerre Civile du Burundi (1993-2003) [5].
Le très respecté Ndayicariye Pierre Claver, président de la CVR, a averti que quiconque présenterait de faux témoignages ou chercherait à discréditer la commission s’exposerait à des sanctions exemplaires. Mais cette démarche de restitution dérange fortement les héritiers du système néocolonial burundais – la République issue de la dictature militaire – qui ont largement profité de ces spoliations.
Les victimes barundi de cette colonialité persistante dont la disparition de l’Ubumu demandent aujourd’hui au président du Burundi, S.E. Ndayishimiye Evariste, Général Major, d’apposer sa signature à la reconnaissance officielle du génocide de 1972-1973, ce qui permettrait à la CVR de poursuivre son travail dans la clarté et la légitimité. Cette reconnaissance, le parlement burundais l’a déjà votée le 20 décembre 2021, s’appuyant sur les conclusions préliminaires de la CVR. Cet acte avait été salué comme une avancée majeure sur le chemin ardu de la réconciliation nationale. Pourtant, sans la signature présidentielle, cette reconnaissance reste en suspens, dans l’attente d’une validation ultime qui scellerait ce chapitre sombre de l’histoire du pays [6].
Références :
[1] Nahimana Karolero Pascal, Histoire du Burundi : Les grandes dates de l’histoire des Barundi et de l’État millénaire africain – Ingoma y’Uburundi, Bruxelles, Génération Afrique, 2024.
[2] Baranyanka Charles, Le Burundi face à la Croix et à la Bannière, Bruxelles, 2015. (La « Croix et la Bannière » désigne l’alliance historique entre le Vatican, la France — notamment via les Pères Blancs de Lavigerie —, l’Angleterre, l’Allemagne, la Belgique et les États-Unis, hostile à l’ordre traditionnel burundais depuis le XIXᵉ siècle.)
[3] Kubwayo Félix, La lente reconnaissance du génocide de 1972 contre les Hutu du Burundi : Les faits et l’exécution du génocide par le pouvoir de Micombero, Bruxelles, 2025.
[4] Nahimana Karolero Pascal. Camps de concentration du Burundi (1996–2002) : Les oubliés des collines – Mémoires d’un peuple enchaîné –. Bruxelles : Génération Afrique, 2025.
[5] Nahimana Karolero Pascal, La guerre civile du Burundi (1993-2003). Face à la Globalisation Unipolaire Américaine Néolibérale, le CNDD-FDD, Bruxelles, Génération Afrique, 2024.
[6] Kubwayo Félix, Mémorandum sur les massacres répétitifs des Hutu du Burundi de l’indépendance à 1992.: Appel à la conscience mondiale, Bruxelles, 2025.




Sources : Nahimana P. , http://burundi-agnews.org, Jeudi 21 août 2025 | Photo : CVR Burundi






