Dossier spécial – Olivier SUGURU : entre affaires et politique, l’équilibre fragile d’un homme puissant

Bujumbura. Dans un pays où la jeunesse rêve d’industrialisation et accueille à bras ouverts la vision d’un « Burundi émergent en 2040, développé en 2060 » portée par Son Excellence le Président Évariste NDAYISHIMIYE, certains visages semblent incarner à eux seuls la concentration des leviers économiques et politiques. Olivier SUGURU en est l’exemple le plus éclatant : né à Gihanga, grandi à Ngagara, originaire de Mugamba, il tisse une toile serrée de mandats politiques et de responsabilités aussi économiques que stratégiques pour le pays. Mais derrière l’amas des titres rutilants, se dessinerait un bilan bien pâle, à l’image d’un arbre chargé de branches mais presque sans fruits.

  1. Olivier SUGURU : un homme aux multiples casquettes
  • Député : élu en 2020 pour la législature 2020-2025, il a été réélu en 2025 pour siéger jusqu’en 2030.
  • Président de la CFCIB : en 2025, il dirige la présidence de la Chambre de commerce et d’industrie du Burundi pour 3 ans encore (2025-2028).
  • Président du Conseil d’administration de l’ADB : institution qui définit les politiques d’investissement au Burundi.
  • Secrétaire général de SAVONOR : grande société spécialisée dans la transformation de l’huile de palme et des cosmétiques.

Chronologie synthétique

Année

Fonction

2020 -2025

Député, législature 2020-2025

2025- 2030

Réélu député pour 2025-2030

2025 -2028

Élu président de la CFCIB (2025-2028)

2022 à présent

Président du CA de l’ADB

2012 à présent

SG de SAVONOR

2013 à 2022

Président du Conseil d’administration de l’OBR

 

  1. Le paradoxe de l’emploi

Alors que le Burundi afficherait un taux de chômage officiel de 0,9 % en 2024 (TradingEconomics.com), la réalité pourrait être plus nuancée.

Encadré Statistique

  • Taux de chômage officiel (2024) : 0,9 %
  • Taux d’activité : 76,4 %
  • Sous-emploi : pourrait toucher une grande partie des actifs travaillant dans le secteur informel

Un économiste local (anonymat requis) explique : 

« Le taux de chômage pourrait masquer une réalité complexe : beaucoup de jeunes travailleraient dans l’informel, tandis que quelques personnalités pourraient cumuler plusieurs postes stratégiques. » 

  1. Le marché congolais : opportunité ou fuite des devises ? 

Ces dernières années, SAVONOR dont Olivier SUGURU est Secrétaire Général et stratège en chef aurait étendu ses activités vers l’Est de la RDC. Les ventes en devises pourraient représenter une source importante de revenus pour le Burundi, mais certaines sources suggèrent que ces devises ne reviendraient pas intégralement dans le pays, et qu’une grande partie des actifs pourrait se loger à Dubaï ou aux Maldives (dont M. Silvère BANKIMBAGA alias Busiku, ancien vice ADG de la BANCOBU, est Consul honoraire avec résidence à Bujumbura) via des réseaux mafieux rwandais œuvrant activement à l’Est de la RDC. 

Un analyste régional souligne : 

« Les exportations vers la RDC pourraient être une opportunité, mais la transparence financière serait essentielle. Si les devises restent à l’étranger, le pays pourrait perdre une ressource précieuse pour sa Vision 2040/2060. Le pays devrait mener des enquêtes indépendantes et approfondies pour rapatrier ces ressources qui logent à l’étranger. » 

  1. Un cas d’étude comparatif : le Nigeria des années 1990 

Le parcours de SUGURU pourrait rappeler celui de certains hommes d’affaires nigérians des années 1990, qui cumulaient fonctions politiques et responsabilités économiques. Dans ces situations, le manque de séparation entre intérêts privés et rôle public aurait pu ralentir la transparence financière. Le Nigeria aurait dû instaurer des audits indépendants et une distinction stricte entre fonctions politiques et activités économiques pour assainir la situation. 

Cette comparaison pourrait inviter à réfléchir : le Burundi pourrait-il envisager des règles plus strictes pour éviter une concentration excessive de pouvoirs et garantir la transparence ? 

  1. Olivier SUGURU : une figure controversée mais incontournable 

Pour certains observateurs, Olivier SUGURU pourrait être perçu comme un capitaine d’industrie, contribuant à l’industrialisation du pays en diversifiant ses activités. Pour d’autres, il représenterait un risque potentiel si le cumul de postes stratégiques servait davantage ses intérêts privés que l’intérêt général.

D’autres encore iraient plus loin, le présentant comme un maître de la corruption à grande échelle, sachant distribuer des dons conséquents à certains décideurs qui deviendraient ensuite ses protecteurs malgré ses pratiques contestées. Il userait même de la « corruption morale », jouant sur les allégeances personnelles ou idéologiques. Sa récente réélection à la tête de la CFCIB aurait d’ailleurs été marquée, selon certaines sources, par une instrumentalisation de la carte ethnique, révélant un mode de gouvernance plus stratégique que consensuel. 

Un citoyen interrogé à Bujumbura s’interroge : 

« Comment un seul homme parvient-il à occuper tant de sièges, alors que tant de jeunes n’ont pas d’opportunité réelle dans l’économie burundaise ? » 

  1. Conclusion : un test pour la Vision 2040/2060 

La Vision Burundi 2040/2060 exige discipline, transparence et priorité absolue au bien commun. Le cas d’Olivier SUGURU illustrerait parfaitement les tensions possibles entre ambition nationale et intérêts privés. Il semblerait qu’il chercherait en permanence à s’assurer des fonctions politiques stratégiques afin de dissimuler des activités commerciales jugées douteuses, tout en conservant immunité parlementaire et honorabilité.

Il ne s’agit pas ici de porter un jugement, mais d’observer : une telle concentration de pouvoirs pourrait fragiliser la transparence et l’efficacité des institutions. Une réflexion nationale sur le cumul des mandats politiques et sur l’imbrication du pouvoir économique et politique pourrait être nécessaire pour garantir que les ressources servent effectivement au développement collectif.

Reste une interrogation centrale : un tel personnage, aussi redoutable qu’influent, serait-il en mesure d’apporter de véritables innovations dans l’industrie et le commerce burundais ? Beaucoup en doutent. L’avenir, seul, livrera son verdict.

Par Jean Solès RURIKUNZIRA