ÉDITORIAL – La taupe du système

Dans les coulisses feutrées de Bujumbura, un homme concentre à lui seul autant de leviers qu’un chef d’orchestre qui refuserait de céder sa baguette. Olivier Suguru, homme d’affaires richissime et figure politique influente, est désormais dans la lumière crue des projecteurs : enquêtes, révélations et analyses dressent de lui le portrait d’un magnat devenu incontournable, mais dont l’ombre plane lourdement sur le système.

La question qui taraude l’opinion est simple : pourquoi s’accrocher encore aux strapontins politiques alors que les coffres de la fortune sont déjà bien garnis ? Pourquoi multiplier les cumuls, comme si le pouvoir était une drogue dure dont on ne se détache jamais ? On dit souvent que « l’argent ne dort pas », mais dans le cas Suguru, c’est l’ambition qui semble insomniaque.

Les dossiers publiés par le Burundi Forum l’ont déjà démasqué : empire politico-financier, réseaux tentaculaires, cumuls d’influence qui étouffent l’innovation. Et pourtant, l’homme s’accroche, comme un joueur qui refuse de quitter la table alors qu’il a déjà raflé la mise. Mais à force de vouloir tout tenir, ne risque-t-il pas de tout perdre ?

L’exemple de Vital Kamerhe est parlant : ayant senti que la confiance s’était évaporée, il a choisi de déposer les armes et de préserver l’essentiel — la tranquillité et une forme de respectabilité. Suguru, lui, persiste à creuser, comme une taupe dans le sol du système financier burundais. Une taupe qui fragilise les fondations en grignotant les racines de la confiance publique.

Or, l’histoire est impitoyable avec les taupes : elles croient agir dans l’ombre, mais finissent toujours par faire surface, déterrées par le temps ou par la justice. Les générations futures ne pardonneront pas ce qui apparaît aujourd’hui comme de la complaisance. Elles pointeront du doigt non seulement celui qui a abusé, mais aussi ceux qui, par silence ou par intérêt, l’auront laissé faire.

Olivier Suguru ferait mieux de choisir la sortie honorable : quitter la scène politique, ranger ses réseaux et profiter tranquillement de l’argent déjà cueilli à pleines mains. Autrement, son nom restera gravé non comme celui d’un bâtisseur, mais comme celui d’une taupe obstinée, qui aura creusé le système burundais jusqu’à l’asphyxie.

 

Par Mushwabure Chadrack