Le dispositif du Rwanda Development Board modifie la donne de l’entreprise : plus de créations, plus d’implantations et moins d’informel. Kigali, guichet d’enregistrement des entreprises au RDB. Ils sont une trentaine de personnes à patienter sur des bancs en bois, quelques feuilles à la main. Beaucoup de jeunes, mais aussi des femmes et plusieurs étrangers venus de la sous-région, d’Europe de l’Est ou encore de Chine. 15h30, Philibert Ngoga, 33 ans, attend sont tour. « Je suis arrivé ici à midi avec les documents demandés, c’est à dire mes papiers d’identité et le nom de mon entreprise. Je n’ai plus qu’à remplir le formulaire en ligne avec l’aide d’un conseiller du RDB », explique cet ancien comptable de Kigali qui ouvre son épicerie dans moins d’une semaine. Comme lui, près d’une centaine de personnes passe chaque jour par le guichet unique. Il faut dire que la procédure a de quoi séduire. Elle est simple, gratuite et rapide.

Déjà 10 000 entreprises créées chaque année

« Avant la création du RDB en mai 2008, le Rwanda comptait seulement 300 à 400 créations d’entreprises par an contre 10 000 aujourd’hui », assure Yves Sangano, responsable adjoint du service général du RDB. La clé d’un tel succès ? La simplification des démarches et surtout la gratuité. « J’ai créé mon entreprise en 2008, juste avant la naissance du RDB. A cette époque pour être inscrit au registre du commerce il fallait aller au tribunal et débourser 50 000 francs rwandais (54€ aujourd’hui) », indique Régis Mbonigaba, 32 ans et gérant de Vision Construction Bureau, une entreprise de BTP.

Exit le parcours du combattant d’avant le RDB

Au début des années 2000 créer une entreprise au Rwanda relevait encore du parcours du combattant. « Il fallait faire la queue devant le tribunal le mercredi matin pour espérer s’enregistrer devant le greffier entre 7h et 8h », se souvient Yves Sangano. La procédure peut désormais être effectuée au RDB à Kigali, dans les guichets des différents districts du pays et même sur internet. Le formulaire d’inscription est simplissime, le créateur d’entreprise n’a même pas besoin de donner son adresse. Son nom et le nom de sa société suffisent. Sur place, il peut également lancer d’autres démarches : trouver un local, prendre un abonnement internet, être mis en contact avec des partenaires….

Créé sur le modèle du Singapore Economic Development Board, le RDB a fait de la création d’entreprise ultra-rapide l’une de ses vitrines. « Nous garantissons qu’en 5 heures maximum une personne peut repartir avec un papier officiel », lance fièrement Yves Sangano. Le guichet unique d’investissement serait même une référence en Afrique. « C’est plus facile de créer une entreprise au Rwanda qu’en Ouganda où, même avec l’aide d’un avocat, les démarches peuvent prendre deux semaines », dit Éric Mukhwana, le gérant ougandais de True Golfer. De plus, les formalités sont les mêmes pour les Rwandais et les étrangers. Le Français Marc Schneider a pu le vérifier. Fondateur de Novafrica Developments, un cabinet de conseil et d’accompagnement des PME francophones en Afrique, il a vu des chefs d’entreprises « venir au Rwanda pour tâter le terrain et rentrer une semaine plus tard en ayant enregistré leur business ».
Une réalité : des entreprises sans activité économique

Si la simplification des démarches a fait grimper vertigineusement le nombre d’entreprises, certaines ne sont pourtant que des coquilles vides. Sur les 50 000 sociétés que comptabilise aujourd’hui le RDB, combien d’entre-elles sont dorment en réalité ? L’organisme gouvernemental n’a pour le moment aucun chiffre sur le sujet. « Nous sommes en train de mettre en place un système de suivi, nous aurons des résultats dans un an », s’avance Yves Sangano. « Nous allons lancer une campagne dans tout le pays pour pousser les entreprises à nous transmettre une fois par an leur bilan », précise-t-il.

Chantal Umuraza, consultante et ancienne directrice de la Chambre d’industrie du Rwanda est une illustration des entrepreneurs dont les entreprises sont en réalité en sommeil. En 2011, cette dynamique Franco-rwandaise a enregistré sa société de fabrication de chaussures en cuir. A ce jour, elle n’a pourtant rien fait car l’activité n’a finalement jamais été lancée, faute de matière première. « Depuis, personne ne m’a contactée pour savoir où j’en étais et si la société existait réellement », remarque t-elle. « Seul 1% des entreprises enregistrées au RDB le sont également à la Chambre d’industrie, c’est très peu », constate-t-elle. Il faut dire que la phase de lancement d’activité est beaucoup plus compliquée. En cause : les taux d’intérêts très élevés (autour de 20%) et les nombreuses garanties demandées par les banques avant d’octroyer un prêt. De quoi bloquer nombre d’initiatives.
Informel réduit, PIB en progression…

La simplification de la création d’entreprise fait partie des nombreuses mesures lancées dans le cadre des grandes réformes des années 2000, visant à améliorer le climat des affaires. Leurs conséquences sont tangibles. Avant la création du RDB, le secteur informel représentait plus de trois quarts des entreprises du pays. Il est presque inexistant aujourd’hui. Entre 2000 et 2010, le PIB a connu une croissance annuelle moyenne de 8%. Les secteurs du commerce et des services se sont substitués à l’agriculture et représentent aujourd’hui les deux tiers du PIB du Rwanda. C’est d’ailleurs dans ces deux domaines d’activité que le RDB compte le plus de créations d’entreprises.
…et marketing international assuré

« Il y a de réelles opportunités dans le secteur des TIC, des services, de la formation et de la construction », confirme Marc Schneider. Les investisseurs étrangers sont de plus en plus nombreux à vouloir profiter de la bonne aubaine rwandaise. D’autant plus que le RDB fait la promotion du pays aux quatre coins du monde. « Nous avons 17 personnes en charge du marketing à Kigali pour accueillir les visites d’entreprises, et des représentants en Chine, en Inde, au Canada… « , explique Concorde Kananura, du service marketing international. Depuis 2012, Marc Schneider a ainsi accompagné au Rwanda deux délégations de PME françaises ayant abouti à plusieurs créations d’entreprises. Mais c’est la Chine qui remporte la plus grosse part du gâteau, profitant des besoins grandissants du pays en infrastructures routières. « Ma compagnie a remporté un appel d’offre pour la construction d’une route et m’a chargé de créer une structure ici. Il y a juste quelques petits problèmes avec la traduction de mes papiers, mais je suis très bien accompagné, le RDB a tout pris en main », précise dans un anglais balbutiant Tchang Quai, un jeune ingénieur chinois devant le guichet unique. Pas de doute, avec de telles appréciations, le Rwanda Development Board a de beaux jours devant lui.