Pour la troisième journée consécutive, les violences ont repris mercredi à Kinshasa, où la police est intervenue pour disperser de nouveaux rassemblements de jeunes hostiles au président congolais Joseph Kabila.
“Ce matin encore, nous sommes en pleine opération parce qu’il y a un mouvement (d’étudiants) près de l’Unikin”, l’université de Kinshasa, a déclaré le porte-parole de la police Israël Mutumbo.
“Nous sommes en train de sillonner la ville car il y a des petits groupes qui se forment”.
Une journaliste de l’AFP a entendu deux coups de feu dans le campus où un petit groupe de policiers faisaient face à quelques dizaines d’étudiants qui scandaient “Kabila dégage”. Tout la matinée, des affrontements sporadiques se sont poursuivis dans les environs de l’université, où les étudiants jouaient au chat et à la souris avec la police.
Dans le quartier de Ndjili, proche de l’aéroport international, un poste mobile de police a été détruit par un groupe de jeunes scandant des slogans hostiles au chef de la police de Kinshasa, le général Celestin Kanyama.
Là aussi, les policiers tentaient de disperser les groupes de manifestants à coups de grenades lacyromgène, a constaté une journaliste de l’AFP.
Ces nouveaux troubles surviennent après deux journées de violences meurtrières dans la capitale qui ont fait cinq morts selon les autorités, un bilan qui atteint 28 morts, selon une organisation congolaise de défense des droits de l’homme.
Les écoles fermées –
Internet était toujours coupé mercredi, les services 3G et les SMS indisponibles. Les émissions de Radio France Internationale (RFI), une radio très écoutée en Afrique francophone où les populations se méfient souvent des médias locaux, ont été temporairement interrompues, sans que l’on connaisse l’origine exacte de cette coupure, a-t-on constaté.
La plupart des écoles de Kinshasa étaient fermées, selon des journalistes de l’AFP et des habitants.
Les émeutes ont débuté lundi pour protester contre l’examen d’une nouvelle loi électorale controversée, qui pourrait entraîner un report de l’élection présidentielle et permettre au président Kabila de se maintenir au pouvoir au-delà du terme de son mandat en 2016.
Des émeutiers ont incendié mardi une mairie à Kinshasa, et de nombreux pillages ont eu lieu.
L’opposant historique Etienne Tshisekedi, 82 ans, a lancé mardi depuis Bruxelles un “appel solennel” au peuple congolais pour qu’il demeure “mobilisé de manière permanente pour contraindre ce régime finissant à quitter le pouvoir”.
Ces évènements interviennent deux mois après le renversement du président Blaise Compaoré fin octobre au Burkina Faso. Après 27 ans de règne, M. Compaoré avait été balayé du pouvoir en quelques jours par d’immenses manifestations de rue, après avoir voulu modifier la Constitution pour pouvoir se représenter au scrutin présidentiel.
La RDC est un des pays les plus pauvres du monde, et a été ravagé par deux guerres entre 1996 et 2003 après trois décennies de dictature de Mobutu Sese Seko et de pilages généralisés des richesses nationales.
Joseph Kabila est arrivé à la tête de l’État à la mort de son père, Laurent-Désiré Kabila, chef rebelle qui a chassé le maréchal Mobutu par les armes en 1996 et a été assassiné en janvier 2001. Il a été élu président en 2006 lors des premières élections libres du pays depuis son indépendance de la Belgique en 1960.
Il a été réélu en novembre 2011 pour un nouveau mandat de cinq ans à l’issue d’élections contestées par l’opposition et marquées par des irrégularités massives. La Constitution ne lui permet pas de se représenter pour un troisième mandat.
Tentative d’apaisement ? –
Après la France, l’Union européenne a appelé mercredi au “retour au calme” et au “respect des échéances électorales”. Elle a également mis en garde contre un risque de “déstabilisation” du pays. Le respect des échéances électorales telles que fixées par la Constitution est au centre du débat” et l’UE a dit attendre “la publication d’un calendrier (électoral) complet (…)”.
Après un long mutisme sur ses intentions, c’est le président Kabila qui a involontairement relancé l’agitation et les accusations sur sa volonté de se maintenir au pouvoir, en annonçant dans ses voeux du Nouvel An le projet de recensement contesté. Voté par les députés en début de semaine, le projet de loi est maintenant examiné par le Sénat.
Le gouvernement a dans un premier temps reconnu que ce recensement risquait d’entraîner un report de la présidentielle censée avoir lieu fin 2016. Mais dans ce qui pourrait être un signe d’apaisement après l’éclatement des troubles, le ministre de l’Intérieur Evariste Boshab a affirmé mardi au Sénat qu’il ne s’agissait que d'”une ébauche”.
“Il n’y a pas du tout de +conditionalité+” entre la tenue des élections présidentielle et législatives et la réalisation du recensement, a-t-il assuré.