Internet mobile, réseaux sociaux, messagerie texto : face à la contestation populaire, les autorités de la République démocratique du Congo ont tout coupé plutôt que de risquer les mêmes conséquences qu’un printemps arabe ou une révolte burkinabè.

Le 20 janvier, selon plusieurs opérateurs, le pouvoir du président Joseph Kabila leur a ordonné de couper l’Internet mobile et fixe et d’interrompre les services de minimessages, les fameux SMS, moyen le plus économique de communiquer pour les Congolais, dont la quasi-totalité vit dans la misère.

Cette mesure radicale a été imposée au lendemain d’une manifestation où la police avait ouvert le feu sur des étudiants dénonçant un projet de loi électorale qui ouvrait la possibilité pour M. Kabila, au pouvoir depuis 2001, de se maintenir à son poste au-delà du terme de son mandat, fin 2016, alors que la Constitution lui interdit de briguer un nouveau quinquennat.

Le mouvement de contestation politique a vite échappé à ses organisateurs et Kinshasa à été le théâtre d’émeutes et de pillages. La police, débordée, a été renforcée par de nombreux militaires. Le bilan est lourd: 12 à 42 morts, selon les sources, et d’importants dégâts matériels. D’autres affrontements ont eu lieu dans plusieurs villes de province, notamment à Goma (est), où une personne au moins a été tuée jeudi.

« Les réseaux sociaux », où s’échangeaient entre autres des informations sur les lieux de rassemblement, « ont été fermés car si tout le monde se mobilisait, la situation allait dégénérer davantage », commente Josaphat Musamba, chercheur au Centre de recherches et d’études stratégiques en Afrique centrale, basé à Bukavu (est).

Dimanche, le parlement a voté la révision de la loi électorale sans l’alinéa ayant provoqué les manifestations. Un soulagement de courte durée pour certains opposants, qui estiment que d’autres articles posent presque autant de problèmes, ce qui fait redouter à certains diplomates des troubles à plus ou moins brève échéance.

Pour l’heure, le calme est revenu mais seul l’Internet fixe a été rétabli, après environ 48 heures de coupure. L’absence totale de réseau commençait à pénaliser les banques, où les virements ne passaient plus, ainsi que les agences de transferts d’argent, dont dépendent beaucoup de Congolais pour recevoir des fonds de la diaspora.

« Depuis ce week-end, l’ensemble des opérateurs mobiles n’arrête pas de demander l’autorisation » à l’Etat de fournir l’Internet mobile et les SMS, confie Jean-Michel Garrouteigt, directeur général d’Orange en RDC.

La « situation [est] extrêmement dommageable mais on n’a pas de réponse pour une réouverture. On espère que ce sera aujourd’hui », ajoute-il.

Selon une source proche du secteur des télécoms cependant, « personne cependant ne peut dire quand les autorités se décideront ».

 ‘La liberté, pas la révolution’ –

Ravagée par deux guerres entre 1996 et 2003, la RDC figure parmi les pays les moins développés au monde. Ici, point de lignes de téléphone fixe. La téléphonie mobile et ses services annexes (sms, 3G) restent le meilleur moyen pour communiquer dans un pays grand comme près de cinq fois la France.

En décembre 2011 déjà, le pouvoir avait coupé les services de minimessages pendant trois semaines, après les troubles provoqués par l’annonce de la victoire de M. Kabila à l’issue d’une présidentielle marquée par de nombreuses irrégularités.

Mais couper Internet « a été vraiment une première » et « je pense que le pouvoir en place a appris la leçon des révolutions arabes, où les réseaux sociaux ont beaucoup servi », commente Fidel Bafilemba, chercheur pour l’ONG américaine Enough Project.

Tryphon Kin-kiey, ministre des Relations avec le Parlement, reconnaît que cela a joué. « On veut bien la liberté, mais on ne veut pas la révolution », comme au « Burkina Faso » ou en « Egypte », dont les présidents se sont accroché au pouvoir avant d’être chassés par des révoltes populaires, respectivement en 2014 et 2011.

Claude, étudiant, a participé aux manifestations à l’Université de Kinshasa. Pour lui la suspension de l’Internet mobile n’est pas trop dommageable car c’est un service que peu de gens encore peuvent s’offrir, à la différence des SMS.

« Les SMS coûtent moins cher, c’est comme ça que les gens entrent en contact avec leurs proches. Et on peut envoyer 100 messages en un clin d’oeil! »

Pendant les troubles, les autorités ont également coupé le signal de plusieurs radios ou chaînes de télévision.