Les rebelles qui ont attaqué la province de Cibitoke, en décembre dernier, affirment qu’ils gardaient les vaches le jour et apprenaient le maniement des armes la nuit. Un récit édifiant, mais qui ne renseigne pas encore sur leur identité.
Cinq semaines après l’attaque de Cibitoke, l’identité des rebelles reste encore inconnue. Au lendemain de l’attaque, la police a attrapé de jeunes hommes, soupçonnés d’avoir collaboré avec les rebelles, puis les a incarcérés au commissariat de Cibitoke. Certains ont été libérés. Iwacu les a rencontrés pour tenter de comprendre.
P.M., la quarantaine, affirme s’être entretenu avec certains des jeunes emprisonnés au commissariat de Cibitoke. Il signale qu’ils ne lui ont pas révélé grand-chose sur l’identité de leur organisation : « Ils m’ont raconté que les entraînements militaires se déroulaient à Mutarule, mais qu’il était difficile pour les Congolais de les identifier comme rebelles. » Et pour cause, pendant la journée, ces jeunes exerçaient différentes activités. « Certains gardaient les vaches d’un général Congolais du nom de Masunzu et, le soir, ils apprenaient le maniement des armes. » Cependant, Iwacu n’a pas pu vérifier cette information en RDC.
D’après toujours les informations livrées par ces rebelles à nos sources, leurs responsables ne se rendaient jamais sur le terrain. « Le seul chef vu était Joseph Kaziri, alias Yusufu. C’est lui qui formait les nouvelles recrues », confient nos sources.
Selon ces rebelles, 150 combattants auraient franchi la frontière dans la nuit du 29 au 30 décembre 2014. Leur intention n’était pas de combattre les forces de l’ordre ni d’attaquer une cible. « Ils m’ont raconté qu’ils voulaient seulement gagner la Kibira, s’y installer, mais ne savaient pas la mission qui leur sera assignée après », confie une autre personne qui a été emprisonnée avec les rebelles.
Par ailleurs, notre source indique que, selon ces rebelles, tous ceux qui ont quitté la RDC n’étaient pas des combattants aguerris : « Même les nouvelles recrues faisaient partie de l’équipe parce que l’ordre reçu était de ne pas combattre, mais d’aller s’installer dans la Kibira. » Dans notre édition N°306, Iwacu avait en effet montré l’âge de ces jeunes et le temps passé dans la rébellion. Le plus « vieux » avait 5 mois et une recrue n’avait que 3 semaines dans les rangs rebelles.
Ces mêmes informations font état de quelques rebelles qui sont parvenus à gagner la Kibira et d’autres se trouveraient toujours en RDC.
Sur d’autres questions, nos sources, qui ont rencontré ces rebelles au cachot de Cibitoke, affirment qu’ils ont préféré garder le silence. Néanmoins, les jeunes capturés voudraient rédiger une correspondance qu’ils vont distribuer aux responsables des associations des défenseurs des droits de l’Homme afin d’éclairer l’opinion sur ce qui s’est réellement passé. Mais comme ils estiment que leur sécurité n’est pas garantie au cachot du commissariat de Cibitoke, ils pourraient le faire une fois en sécurité.
Joseph Kaziri, l’éternel combattant
Il a été présenté par Valentin Bagorikunda, procureur Général de la République, comme le chef de la rébellion, venue de la RDC, qui a attaqué à Cibitoke. Iwacu a retracé son parcours.
Joseph Kaziri
Fils de Jussuf Kaziri et Mariam Bingura, Joseph Kaziri est né en 1979 à la 14ème avenue du quartier Bubanza, en commune urbaine de Kinama.
Ses voisins parlent d’un jeune homme calme, musulman pratiquant. Il est en 6ème année primaire lorsque le Président Ndadaye est assassiné en 1993.
Une année après le début des combats à Kamenge et Kinama entre les assaillants ou la résistance populaire – c’est selon – et les FAB, il rejoint le mouvement Cndd dirigé par Léonard Nyangoma. On le surnomme Gafuni pour sa capacité à tuer à l’arme blanche.
Après la scission du Cndd, Joseph Kaziri opte pour le Cndd-Fdd de Jean Bosco Ndayikengurukiye. Là aussi l’entente ne dure pas et le jeune Kaziri se retrouve dans les rangs du Fnl Icanzo dirigé par Alain Mugabarabona.
En 2005, il est intégré à l’armée burundaise, avec les accords de cessez-le- feu. Il est officier avec le grade de sous-lieutenant. De 2005 à 2008, il est chef de peloton à la 120ème Brigade de la 1ère région militaire puis au la 123ème Bataillon. Il est envoyé en commune Isare de la province Bujumbura rural en 2007. Et c’est là que les problèmes commencent, d’après ses anciens amis militaires.
D’après eux, cette année là, il commet 47 fautes et le conseil de discipline conclut à un problème d’intégration, confie le Colonel Gaspard Baratuza, porte-parole de la FDN.
Difficile intégration
Dans la même année, poursuit-il, il est envoyé à Bujumbura pour ramener la paie de ses militaires, mais il passe cinq jours sans retourner à Isare. Lorsqu’il se décide enfin à regagner son poste, 200 cents mille Fbu manquent sur la solde des militaires. Il est accusé de vol et emprisonné à Mpimba pour cinq mois.
D’après toujours ses amis, Joseph Kaziri regagne l’armée au mois d’août, mais déserte le 20 du même mois. « Il y a eu des messages de recherche et 8 jours après, l’armée a appliqué la rétention sur son salaire », se souvient le colonel Baratuza. Au mois de septembre de la même année, le conseil de discipline statue : le contrat qui liait Joseph Kaziri à l’armée est rompu le 19 février 2009.
Après sa désertion, il retourne à Kinama et va vivre chez son grand-père maternel au quartier Muramvya à la 3ème avenue. Là aussi les problèmes le suivent comme son ombre. Une année après, sa maison est encerclée par des agents du service national de renseignements (SNR) qui l’accusent de détention de grenades et de tenues policières. Il parvient à s’échapper et ne revient plus dans les parages.
Mais selon un de ses proches, ces accusations étaient montées de toutes pièces car les grenades et les tenues policières avaient été amenées dans la maison habitée par Kaziri par les agents du SNR. Et d’après toujours ce témoignage, Joseph Kaziri a été victime de son refus de collaborer avec ce service dans la traque des membres du Fnl d’Agathon Rwasa. « Nous ne l’avons plus revu après cet incident. »