Je sors de la messe à la paroisse Regina Pacis de Kinindo. Il a été question de la lettre pastorale des évêques catholiques pour une alternance à la tête de l’Etat. Le prêtre, avec des pincettes, a lu l’intégralité de la lettre. Je dis qu’il a pris des pincettes car il a dit à l’avance: « La bouche c’est moi, mais le message vient des évêques catholiques! « Pour dire que le ministre du culte mesurait le poids du message sur le pays et la personnalité ciblée.
Et les évêques de dire d’abord que l’Église Catholique du Burundi ne pactise avec aucun pouvoir. Ils rappellent que le peuple de Dieu ou mieux leurs brebis doivent être mis en garde contre les dérives des dirigeants actuels qui sont sources de peur et de tensions dans les esprits.
Les évêques catholiques se prononcent clairement contre une nouvelle candidature du président Nkurunziza. « La constitution qui nous vient des accords d’Arusha dispose qu’on ne peut pas dépasser deux mandats de cinq ans chacun à la tête du pays. Nous allons prier pendant neuf jours pour une alternance pacifique à la tête de l’Etat. « Autrement dit, exit Président Nkurunziza. Et ce message à été lu dans toutes les paroisses catholiques du Burundi. Peut-on rêver de meilleure audience?
Connaissant les réalités du Burundi et l’influence de cette Église, c’est une machine puissante qui vient de se mettre en marche contre l’éventuelle candidature du président Nkurunziza. De quoi est-il coupable? D’avoir déclaré que le choix du candidat appartient à son parti? D’avoir entretenu le flou et la confusion quant aux spéculations ou préoccupations de la société civile et de certains partenaires du Burundi?
Ce qui est sûr, ces prélats ne vont pas lâcher. Même si on n’est pas dans le même contexte qui a fait tomber le président Bagaza, aucun homme politique avisé et consciencieux n’oserait ignorer les conséquences d’une telle prise de position sur les élections en vue. « Le sort en est jeté »!
Le CNDD-FDD comme système doit démontrer son jeu et pourquoi pas faire mentir les augures des prélats en ce qui concerne cette peur et ces tensions créées par ses détracteurs et opposants de l’intérieur du pays et de la communauté internationale. Dix ans au pouvoir, c’est une expérience et un capital qu’on ne saurait point brader impunément.
Et j’ai beaucoup aimé le commentaire court du prêtre aujourd’hui: » N’oublions jamais d’où nous venons. Le Burundi vient de loin et les accords d’Arusha nous ont permis de retrouver l’espoir de vivre ensemble et en paix. Dieu a donné à son peuple des commandements pour qu’il lui reste fidèle. Quand il s’éloignait de cette alliance, c’était toujours la catastrophe. Il en est de même pour nous Burundais, ne nous éloignons pas de l’esprit d’Arusha car c’est le socle de cette paix et de notre apprentissage de la démocratie. »
Dans le contexte actuel, les évêques catholiques sont-ils allés trop loin? Auraient-ils dû plutôt faire remarquer que les Burundais qui ont rédigé la constitution ont piégé toute une nation qu’il était préférable d’interpréter la constitution en toute objectivité et faire remarquer que cinq ans sont rien par rapport à l’éternité de l’Etat et de la nation? Dans leur lettre, il n’y pas hélas d’équivoque: marchons sereinement vers l’alternance. C’est le choix qu’ils viennent de faire pour tous les catholiques du Burundi.
Et c’est en ainsi fini de la liberté de conscience et du vote libre! En vérité, pour une masse importante des Burundais les évêques ont déjà voté! J’aimerais me tromper. Disons que dés le 13 mars, bien des Burundais vont prier comme les évêques l’ont recommandé. Au mois de juin, ils devraient s’exécuter dans l’isoloir en disant Amen. Si les évêques. comme tout homme, proposaient et que seul Dieu disposait? La balle est dans le camp du CNDD-FDD. Et le temps joue contre lui car les manoeuvres dilatoires et les tergiversations n’ont pris de raison d’être.
Fort heureusement l’alternance pour laquelle les évêques viennent d’opter n’est pas synonyme de la fin de règne du CNDD-FDD. A condition de ne pas se tromper de terrain et d’enjeux.