Les élections pour les conseils communaux et les législatives sont maintenues au 5 juin. Déjà sur RFI, on annonce que l’opposition va boycotter le scrutin. Quelle opposition quand on voit sur terrain l’UPRONA, FNL, la coalition COPA, RANAC dans certaines provinces et la coalition Rwasa-Nditije mener la campagne? Le MSD, FRODEBU Nyakuri, FRODEBU, MRC ont choisi la rue et tous les moyens illégaux pour créer un vide institutionnel. Mais il faut noter qu’il y a plus de 4 partis politiques et 2 coalitions sur terrain avec des militants qui sont très mobilisés pour les élections. RFI a donc choisi de recourir aux demies vérités par solidarité avec les opposants à Nkurunziza. Il en est de même de la plupart des médias occidentaux.

Depuis plus de deux semaines, l’Occident parlait de plus de cent mille burundais réfugiés dans les pays voisins. Agathon Rwasa sur BBC Gahuzamiryango, en date du 23 mai dernier, a avancé le chiffre de cent cinquante mille! Le HCR vient de ramener ce chiffre à moins de soixante dix mille. Il a refusé de reconnaître que plus de vingt mille burundais qui avaient fui les rumeurs et les intimidations véhiculées par des prédicateurs de quelques sectes sont rentrés au Burundi. Le HCR refuse toujours de dénoncer les agissements des autorités du Rwanda qui empêchent le retour volontaire des Burundais. Il concède d’ailleurs difficilement que peu de Burundais fuient le pays. La population burundaise en général rejette les troubles des manifestations violentes. Mais cette image d’une majeure partie du pays qui est en paix, l’Occident n’en veut pas et nous le voyons dans les reportages des médias internationaux qui se focalisent sur quelques quartiers de Bujumbura! Ces demies vérités permettent de faire de Nkurunziza un monstre à abattre comme le sort de Kadhafi en Libye.

Zedi Feruzi a été liquidé. Paix à son âme! Le journaliste Bireha qui était avec lui affirme qu’il a été tué par des policiers. Il dit avoir vu des gens qui portaient les tenues de la police burundaise. Cette même conclusion hâtive, nous la trouvons chez Gratien Rukindikiza. Celui-ci trouve que c’est Nkurunziza qui l’a fait tuer. Or, d’autres témoins disent que les assassins étaient dans une voiture. D’où venait-elle quand on sait que les rues étaient barricadées? Comment cette voiture a pu repartir et quitter le quartier Ngagara avec toutes les barricades dans les rues et avenues? On note que le malheureux Feruzi marchait à pied car il ne pouvait pas sortir en voiture à cause des barricades! La police a également dénoncé l’attitude de la population de Ngagara qui a retardé plus de trois heures l’intervention de l’ambulance et des enquêteurs. Tout porte à croire que le crime a été monté et exécuté par des tueurs habitant Ngagara. Il se pourrait que même cette voiture a été inventée car il était quasiment impossible de circuler. Sinon, ce sont ceux qui gardent les barricades qui ont tout organisé! Mais il fallait imputer ce crime à Nkurunziza pour que le monde se dise qu’il est réellement en train d’assassiner les opposants.

Dieu merci jusqu’à maintenant la crise des manifestations à Bujumbura n’est pas présentée comme un conflit ethnique. C’est limite limite. Nous savons que certains reportages internationaux disent que les quartiers où se déroulent ces manifestations sont essentiellement dominés par des Tutsis. D’autres médias disent que les Tutsis fuient vers le Rwanda et les Hutus vers la RDC et la Tanzanie. Même certaines communes au Sud du pays qui ont tenté d’organiser les manifestations sont taxées de bastion ethnique des Tutsis. Un Tutsi opposé aux manifestations a confié à un correspondant de votre site qu’il y a une revendication particulière des Tutsis:  » Ces jeunes de Musaga et Nyakabiga ont perdu tout espoir. Ils n’ont rien à perdre. Le chômage, la pauvreté, le désespoir sont allés croissant pendant dix ans. Et Nkurunziza peut gagner et leur imposer le même calvaire pendant cinq ans? Demandez aux opposants qui viennent de passer dix ans sans travail. Ils sont à bout! C’est pourquoi on voit plus les Tutsis et les militants de Rwasa dans les manifestations. Et ce ne sont pas tous les Tutsis car il y a l’UPRONA de Gaston Sindimwo qui ne veut pas d’un chaos. Un dialogue est nécessaire sur l’exclusion et la politique de l’emploi ».

Voyons du côté de Gratien Rukindikiza. Il affirme que les femmes qui vendent des fruits et légumes sur le trottoir non loin du marché central de Bujumbura ont été tuées par Nkurunziza. Il écrit que les grenades ont été lancées pour les punir de s’être réjouies lors de l’annonce du putsch. Ces femmes auraient payé de s’opposer au troisième mandat. Nul n’ignore qu’à Bujumbura et même dans plusieurs provinces du pays, il y a eu des cris de joie à l’annonce du coup d’Etat. Car la RPA jetait des fleurs aux putschistes et accordait l’antenne aux auditeurs qui étaient en fortes émotions en ville. Pourquoi s’en prendre à ces pauvres femmes qui se débrouillent? La piste de la police mène plutôt vers des ressortissants rwandais à Bujumbura. Le mode opératoire utilisé est le même que les attentats qui surviennent de temps en temps à Kigali. L’attentat visait à empêcher la reprise normale des activités au centre ville alors que les médias internationaux et ceux qui ont appelé à manifester font croire que la capitale est paralysée. L’attentat visait à semer la terreur et poussait les bus et ces vendeuses à ne plus revenir. Il y a plus de 8 morts, dont des policiers. Rukindikiza fait la diversion par cynisme.

Il était prévu l’arrivée à Bujumbura d’une délégation des chefs d’Etat de la région pour examiner la réponse au problème du mandat. Nous apprenons que la Tanzanie a été approchée par les Américains et les Français pour organiser plutôt un sommet de l’EAC à Dar es salaam ce dimanche. L’invitation est déjà parvenue à Nkurunziza pour lui demander d’y prendre part. Pourquoi ce changement? Peut-il encore sortir du pays à la veille d’une élection cruciale? S’il ne s’y rend pas, l’opposition radicale va l’accuser de ne pas chercher la paix. S’il s’y rend, rien ne nous dit que son avion ne peut pas être abattu par quelque missile. Les cas de John Garang, Samora Machel ou Juvenal Habyarimana sont encore présents dans les mémoires. Ce sommet est un piège grossier.

Au conseil de sécurité de l’ONU ce mercredi 27 mai, les débats étaient houleux. La France et les USA accusaient Nkurunziza de plonger le pays dans une crise sans précédent. Ils voulaient une condamnation ferme et des sanctions. La Russie a balayé tous les griefs et a soutenu que le respect des institutions en place au Burundi exigeait une autre attitude. Pour le dossier du mandat, la Russie a recommandé plutôt de respecter la décision de la cour constitutionnelle. Pour ce qui est des manifestations, la Russie a fait remarquer que les manifestants sont très violents, prennent des quartiers en otage, empêchent les citoyens de se rendre au travail et les élèves d’aller à l’école. La Russie a appuyé l’intervention de l’ambassadeur du Burundi à New York qui expliquait que les armes à feu, des grenades et des cocktails Molotov sont utilisées contre la police. Cela explique pourquoi depuis le début des manifestations il y a plus de blessés et de morts parmi les policiers que dans le camp des manifestants. La France et les USA ont piqué la colère de fauve.

Et ces échanges au niveau du conseil de sécurité de l’ONU révèlent que le conflit au Burundi n’est pas une affaire de mandat mais des enjeux plus importants. Mais les Occidentaux exploitent les demies vérités et espèrent que leur propagande va permettre d’isoler Nkurunziza et de l’éliminer dans l’indifférence ou la complicité de l’Union Africaine, de l’EAC, de la CIRGL etc. Comme Roland Rugero l’a suggéré dans un article récent, il faut laisser Nkurunziza briguer ce mandat et l’opposition devrait plutôt se dire que malgré le soutien des Occidentaux, elle est moins représentative de la majorité des Burundais qui vont se rendre aux bureaux de vote. Le score du CNDD-FDD dépend de cette politique de la tout ou rien qui s’exprime dans le boycott.

Editeurs B-24