Les Burundais ont répondu massivement à l’appel du gouvernement à participer aux élections des conseillers communaux et des députés. La démocratie n’ayant été restaurée qu’en 2005, les Burundais éprouvent une certaine fierté à s’exprimer par la voie des urnes. En le faisant, ils sont très nombreux à avoir une pensée pour Rwagasore ou Melchior Ndadaye. Nos deux héros de l’indépendance et de la démocratie. Ils sont fiers de faire valoir leur droit d’élire les dirigeants. Cela leur donne par conséquent le privilège de rappeler à certains élus défaillants : » Erega ni twebwe twabatoye! Aho mwicaye nitwebwe twahabashize! » (N’oubliez pas que vous nous devez des comptes car sans nos votes, vous n’êtes rien!)

Et quand on s’en prend à un élu charismatique comme ce fut le cas de Rwagasore ou Ndadaye, le peuple se sent attaqué. Et d’ailleurs, Sylvestre Ntibantunganya disait dans l’oraison funèbre de Ndadaye:  » Ceux qui sont venus vous tuer ne visez pas votre vie. Ils s’en prenait plutôt à cette marée humaine qui a voté pour vous aux présidentielles et vous a assuré d’une majorité confortable au parlement. » Un discours toujours mémorable. Ces images vieilles de plus de vingt ans maintenant, elles nous reviennent chaque fois que des aventuriers optent pour la violence afin d’étouffer la démocratie.

Elections Legislative et Conseiller Communaux ( 29 06 2015)

Ce 29 juin, le peuple burundais a rappelé son attachement au verdict des urnes. La communauté internationale peut contester les résultats. Mais elle doit reconnaître cette particularité d’un peuple déterminé, mûr et attaché à cet héritage de Rwagasore et Ndadaye. Ces élections sont une nouvelle donne pour n’importe quel politicien ou partenaire du Burundi. Elles se sont déroulées dans le calme, parfois les électeurs bravant les intimidations de ceux qui étaient farouchement opposés au scrutin. Ce qui rappelle et met à l’honneur l’âme du peuple burundais narguant les colons belges en 1961 et même les consignes de l’Église catholique favorable au PDC! Ce qui rappelle et met à l’honneur la clairvoyance du peuple burundais congédiant poliment le Major Pierre Buyoya en 1993.

Agathon Rwasa

​Dans cette clairvoyance du peuple burundais, nous admirons cette leçon donnée à certains leaders de l’opposition qui ont appelé à boycotter le scrutin. Le ministre Édouard Nduwimana a, à maintes reprises, déclaré que les supporters d’Agathon Rwasa faisaient du porte à porte pour appeler à voter. A la dernière minute, Rwasa déroute ses inconditionnels: il signe sur un document annonçant son retrait du processus mais pas comme Amizero y’Abarundi mais comme chef du FNL indépendant. La tactique a un double objectif: ne pas retirer sa coalition du scrutin et séduire les militants FNL qui étaient sur le point de basculer vers Jacques Bigirimana! Le stratagème a bien fonctionné. Les électeurs attachés à Rwasa ont répondu nombreux au vote. Ils étaient réconfortés de savoir que Rwasa est toujours un FNL pur et dur! Ceux qui le dénigraient en s’attaquant aux personnages que la coalition Amizero y’Abarundi a placés comme tête de liste des législatives à Bujumbura, Gitega, Kirundo ou Bururi, ont perdu. Reste à savoir si Rwasa pourra répudier ces votes, cette confiance renouvelée de ses électeurs! Ce serait un suicide politique. Il pourra plutôt faire de cette victoire un tremplin pour reconquérir son parti. Il gagne le statut de leader de l’opposition. Mais évitons de vendre la peau de l’ours car Rwasa est toujours imprévisible.

L’opposition et certaines organisations de la société civile tablaient sur un scrutin rocambolesque en tablant sur un taux de participation des plus bas. Ils récoltent un camouflet. La violence qui a secoué certains quartiers de Bujumbura et quelques communes du Sud du pays a favorisé un sursaut en faveur des élections. Si les puissances occidentales ont continué à dire que les manifestations étaient pacifiques, la population en ville et sur les collines qui subissaient les conséquences dramatiques de ce qu’il convient de qualifier d’insurrection, a compris que tout était fait pour ramener le pays au scénario de 1994, avec les négociations de partage du pouvoir. Les tirs nourris qui ont secoué la capitale deux jours avant le scrutin ont confirmé les craintes.

Elections Legislative et Conseiller Communaux ( 29 06 2015)

Le peuple burundais a décidé de couper les herbes sous les pieds de ceux qui voulaient un régime de transition. Il a répondu à l’appel à voter. Malgré les spéculations de l’Union Européenne, de la présidente de la commission de l’Union Africaine, du Secrétaire général de l’ONU, le peuple a déjoué le piège. C’est un pied de nez sur la figure de cette communauté internationale qui tentait de piétiner la souveraineté arrachée aux colonisateurs préoccupés par leurs intérêts. Les conséquences d’une telle bravoure? Le respect de la plupart des peuples africains qui osent dire non aux impérialistes. En le faisant, le peuple burundais n’est pas, heureusement, allé à l’encontre des recommandations des chefs d’Etat de l’EAC. La dernière délégation ministérielle n’était-elle pas opposée au nouveau report? Quant aux sanctions contre les autorités issues des urnes, elles seraient injustifiables et décriées même en Occident.

Les élections du 29 juin sont sur le point de confirmer la domination du parti CNDD-FDD. Ce n’est pas à cause de l’appel au boycott mais bel et bien parce que le CNDD-FDD ne s’éloigne jamais des pauvres hères du Burundi sur les mille et une collines. Dans la plupart des communes du pays, le parti du président Nkurunziza a gagné haut la main l’essentiel des sièges des conseillers communaux et des députés. Dans la capitale burundaise par contre, le boycott a été une réalité.

En discutant avec un Ougandais de Kampala, il a fait un parallélisme frappant entre le CNDD-FDD et le Mouvement de Résistance du président Museveni. « Au Burundi comme en Ouganda, les deux grands partis sont issus de la rébellion. Ils ont combattu des régimes fascistes et on redonné de l’espoir aux populations des villages surtout. Car la guerre éprouve énormément les villages et moins les capitales. Quand elle gagne la capitale, une solution est sur le point d’être trouvée. Les Burundais qui ont retrouvé la dignité grâce au CNDD-FDD, votent encore en reconnaissance de l’exploit d’avoir contraint les fascistes à faire profil bas. Ce qui est moins pertinent pour les gens de la capitale qui prônent le changement juste pour essayer de nouveaux dirigeants ou sur manipulation des puissances étrangères. Je dirais que malgré les crises internes, le CNDD-FDD est resté un parti populaire et surtout une force politique qui a la sympathie de ses anciens combattants dans l’armée et la police. Après une décennie au pouvoir, c’est tôt pour que le bas peuple lui tourne le dos. »

A Bujumbura, le calme est revenu depuis ce lundi soir. Est ce à dire que ceux qui ont appelé pour les manifestations et le boycott s’avouent vaincus pour autant? Il faut noter les déclarations des USA et de la Belgique qui disent ne pas reconnaître les résultats des élections. C’est un soutien important au camp qui, en toute logique démocratique, a perdu. L’ONU a maintenu ses observateurs et ils sont condamnés à reconnaître que le scrutin s’est bien déroulé, sinon mieux que pas mal de scrutins en Afrique. Le rapport sera porté à la connaissance du Conseil de sécurité de l’ONU. La Chine, la Russie vont saluer les résultats et la légitimité des autorités issues des urnes. La France, la Grande Bretagne et les USA sont pris à leur piège: le boycott n’à pas été suivi et même ceux qui ne voulaient pas de ces élections, le peuple leur a réservé quelques sièges. Le partage qu’il faut accepter, et que le monde doit plutôt saluer. Gervais Rufyikiri qui souhaite une guerre au Burundi et même d’autres mauvais perdants, devraient comprendre que les Burundais ont choisi la paix et le réalisme.

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