L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.
L’Union africaine (UA) fait volte-face. Jeudi dernier, elle demandait aux autorités congolaises de suspendre l’annonce des résultats de la présidentielle et de recevoir en urgence une délégation à Kinshasa. Depuis hier, elle « prend note » de la victoire de Félix Tshisekedi et « reporte » l’envoi d’une délégation au Congo. Comment expliquer un tel changement de position en seulement trois jours ? Stéphanie Wolters dirige la division Paix et sécurité à l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, le célèbre « think tank » sud-africain. En ligne de Pretoria, elle répond aux questions de RFI.
RFI : Etes-vous surprise par la décision de l’Union africaine d’annuler la mission qu’elle devait faire à Kinshasa ?
Stéphanie Wolters : Non. Je crois que, depuis l’annonce ce week-end que la Cour constitutionnelle a faite, je crois qu’on pouvait anticiper que l’Union africaine allait peut-être annuler sa visite qui n’a plus beaucoup de sens.
Cette proclamation des résultats définitifs de la présidentielle à Kinshasa, était-ce un camouflet pour l’Union africaine ?
Absolument. Je crois. Evidemment, on attendait une annonce comme ça dans les prochains jours, mais la Cour constitutionnelle aurait pu attendre si le gouvernement lui avait demandé d’attendre. Et donc je crois que le timing de cette annonce, le week-end, juste avant la visite qui était prévue pour lundi, n’est pas un hasard. C’est un message très clair de la part du gouvernement Kabila.
Un message, dans quel sens alors ?
Un message, comme ils l’ont dit d’ailleurs, par lequel ils rejettent une ingérence par rapport à leur processus domestique, par rapport aux résultats. Ils n’étaient pas contents du tout de la décision de l’Union africaine, ils l’ont dit haut et fort. Et cela, c’est l’évidence qu’ils ne veulent même pas entretenir une discussion avec cette délégation.
Apparemment jeudi 17 janvier à Addis-Abeba, les chefs d’Etat de l’Union africaine étaient allés assez loin. Si l’on en croit Jeune Afrique, ils comptaient laisser à Joseph Kabila le choix entre un recomptage des voix et une nouvelle élection à laquelle pouvaient participer Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi…
Oui, justement, ce sont les options que nous croyions que l’Union africaine allait mettre sur la table. Evidemment, ce sont des options qui n’auraient pas plu à Kabila et je doute très fort qu’il aurait accepté l’une ou l’autre.
Aujourd’hui, on peut donc parler d’une volte-face de l’Union africaine ?
Je ne crois pas que c’est une volte-face. S’ils s’y’étaient rendus, de quoi allaient-ils discuter ? Ils allaient discuter avec un gouvernement qui les a embarrassés, et il faut peut-être reprendre les discussions là où ils les ont laissées pour voir quelles sont les options qu’on peut proposer, maintenant que la Cour constitutionnelle a donné son verdict. En plus de ça, on a vu que plusieurs présidents de la région, [Cyril] Ramaphosa de l’Afrique du Sud qui devait aussi faire partie de la délégation, ont déjà félicité Tshisekedi. Donc quelques positions sont déjà changées. La situation aujourd’hui est différente qu’elle ne l’était jeudi passé.
Justement, peut-on dire qu’il y a des tiraillements au sein de l’Union africaine avec d’un côté des pro-Kabila comme le Sud-Africain Cyril Ramaphosa et de l’autre des anti-Kabila comme l’Angolais Joao Lourenço ?
Oui, je crois absolument qu’il n’y a pas eu consensus, même autour du communiqué qui est sorti jeudi. Il y a ceux qui poussaient justement pour plus de transparence, il y en a d’autres qui voulaient laisser les choses comme elles étaient. Pour l’Afrique du Sud, on a vu à des moments différents des différentes positions. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas consensus au sein de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe]. On a vu cela avec les différents communiqués qui sont sortis au cours de ces derniers dix jours.
Est-ce que, depuis l’époque Jacob Zuma, l’Afrique du Sud a des intérêts économiques et financiers avec le régime de Joseph Kabila ?
Le vrai enjeu économique entre l’Afrique du Sud et la RDC, c’est le barrage d’Inga. Les intérêts économiques qu’on croyait exister entre Kabila et Zuma, ce sont à mon avis des intérêts plus petits. Ça ne concerne pas des grandes mines, ce n’est pas du tout comme ça. Mais l’Afrique du Sud, sous Zuma, avait signé un contrat avec Kinshasa pour le développement d’Inga, et de ça évidemment dépend un investissement énorme. Donc une instabilité politique menace les progrès avec ce projet.
Et de ce point de vue, l’Afrique du Sud a plus intérêt à ce que le nouveau président soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu ?
Cela est difficile à dire. Je ne crois pas qu’on peut dire que l’Afrique du Sud a une préférence quelconque. Je ne crois pas qu’on peut dire à ce stade qu’elle aurait eu une préférence pour Fayulu ou Tshisekedi. Mais elle avait intérêt à voir que ces élections ne se déroulent pas dans ce chaos qu’on est en train de voir maintenant.
Et entre l’Angola et l’Afrique du Sud, où situez-vous la position du Rwandais Paul Kagame ?
Lui, il connaît très bien Kabila. Il connaît très bien le système Kabila. Le Rwanda a beaucoup d’intérêts qui étaient bien assurés par le statu quo en RDC. Mais en même temps, il est aussi quelqu’un qui évidemment se soucie énormément de son image internationale. Actuellement, il préside l’UA jusqu’au mois prochain [jusqu’au 11 février]. Et donc, avec cette position-là, pour son image, c’était mieux de se montrer fort par rapport aux principes démocratiques. Evidemment à Kinshasa, c’est très mal vu de voir Kagame venir donner des leçons à Kabila pour les raisons historiques évidentes entre les deux pays, mais aussi parce que Kagame lui-même a changé sa Constitution et a gagné les élections avec des chiffres assez incroyables. Donc il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la démarche de Kagame.
Ce week-end, Paul Kagame a reçu à Kigali la visite de trois émissaires de Joseph Kabila, à savoir le directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya Wilonja, le patron des renseignements congolais, Kalev Mutond, et son conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi. Cela explique-t-il l’annulation in extremis de la mission de l’Union africaine à Kinshasa ?
Evidemment, ce sont des gens qui sont très proches de Kabila. Et s’ils ont été envoyés à Kigali, c’est sûr qu’ils avaient un message très fort à donner à Kagame.
Martin Fayulu, celui qui a gagné selon les évêques de la Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco), dénonce un coup d’Etat constitutionnel et demande à la communauté internationale de ne pas reconnaître Félix Tshisekedi comme président. Est-ce qu’il peut être entendu par l’Union africaine ?
A vrai dire, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’il y a un consensus au sein de cette organisation-là pour reconnaître Martin Fayulu, pour empêcher tôt ou tard l’Union africaine de reconnaître aussi Tshisekedi. Même la réunion qui a eu lieu la semaine passée, c’était une réunion avec quelques présidents. Ce n’était pas les Etats membres du CPS [Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine], ce n’était pas un sommet extraordinaire et ce n’était pas un sommet normal. Même cela, ça engage qui ? Il y avait déjà beaucoup de questions même au sein de l’Union africaine. Je suis sûre que les discussions vont continuer, probablement aussi au niveau du sommet qui aura lieu le mois prochain [les 10 et 11 février à Addis-Abeba]. Mais je ne vois pas l’Union africaine soutenir [Martin] Fayulu ouvertement, pas du tout.
Quatre jours après le mini-sommet d’Abbis-Abeba, peut-on parler d’une reculade de l’Union africaine face au régime de Kinshasa ?
Oui. Je crois que oui, parce qu’on connaît Kabila très isolé, pas du tout ouvert à une discussion avec qui que ce soit qui est critique par rapport à ces élections. Il ne l’était pas avant l’élection, il ne l’est certainement pas maintenant. Donc je crois que maintenant, c’est peut-être fini pour les grands gestes politiques de l’Union africaine pour l’instant.