Présenté par la France avec l’appui de quelques occidentaux pour enfoncer le Gouvernement du Burundi, ce dernier s’en sort finalement très confortable grâce à l’appui de taille de la Chine et de la Russie qui disposent du droit de veto au sein du Conseil de Sécurité.

Alors que l’opposition et les pays qui la soutiennent informellement, mais connus, s’attendaient à des mesures très hostiles au Gouvernement du Burundi, voilà que ce dernier réalise des gains Diplomatiques majeurs inattendus par ses détracteurs.

Un Expert en droit diplomatique et spécialiste de l’ONU joint par téléphone peu après l’adoption de la résolution décortique le texte pour vous:

Oui j’ai suivi toutes les tractations qui ont entouré ce texte initié par la France sous impulsion des Etats Unis et du Royaume de Grande Bretagne, tous membres permanents du Conseil de Sécurité. Il faut dire que le Royaume uni qui préside le Conseil pour le mois de novembre avait taillé sur mesure le format de la réunion du 9 novembre en invitant des experts dont certains sont connus comme étant très critiques pour le Burundi dans le but d’influencer la décision du Conseil de Sécurité et convaincre les chinois et les russes.

Certains d’entre eux dont Zeid, commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme est allé plus loin en jouant sur les risques d’atrocités de masse au Burundi pour influencer les plus réticents du conseil à se joindre aux positions Occidentales sur la question burundaise. Mais, connaissant d’avance le but recherché par ce genre de messages fabriqués sur mesure, la Chine et la Russie ont préféré maintenir leurs positions initiales vis à vis du pouvoir de Bujumbura. Les deux géants ont tout fait pour ramener le projet de résolution à l’avantage du Gouvernement au niveau de plusieurs paragraphes.

Sans être exhaustif, j’ai identifié rapidement quelques gains diplomatiques notables du Gouvernement burundais par rapport au draft No1 de la résolution qui était, il faut le dire, très negatif. Voici quelques uns de ces gains:

1/ Le Conseil de sécurité reconnait la responsabilité du Gouvernement d’assurer la Sécurité des citoyens burundais et de protéger l’intégrité du territoire dans le respect des droits de l’homme, de l’Etat de droit et du droit international

2/ Par ce texte, le Conseil précise qu’il reste très attaché au respect de la souveraineté, de l’independance politique, de l’intégrité du territoire et de l’unité du Burundi. Ce paragraphe, accepté difficilement par la France, les Etats Unis et le Royaume de Grande Bretagne, vise à réduire les interférences politiques de certains pays dans les affaires intérieures du Burundi. Il constitue aussi la mise en garde du Conseil aux pays de la région qui voudraient destabiliser le Burundi directement ou par groupes rebelles interoposés.

3/ Le Conseil condamne les déclarations publiques à caractère violent venant aussi bien de l’intérieur et de l’extérieur. Ici, je dois dire que l’ajout du mot  » extérieur » sur insistance de la Russie et de la Chine est venu équilibrer le Paragraphe qui au départ visait uniquement les acteurs Gouvernementaux suite aux récentes déclarations qui ont été interprétées différemment selon les intérêts politiques des uns et des autres. Les politiciens burundais de l’extérieur sont aussi visés par ce paragraphe et c’est là où le Gouvernement a marqué des points.

4/ le Conseil rappelle que le Burundi est un Etat partie de la CPI et insiste que le rôle de celle-ci soit complémentaire aux juridictions pénales nationales. Le dernier morceau de ce Paragraphe qui n’était pas prévu dans le draft initial, donne l’importance aux juridictions nationales pénales d’abord avant la CPI.

5/ le Conseil reconnait que le dialogue doit se faire avec la coordination du Gouvernement et que seulement les acteurs paisibles y prendront part. Le même Paragraphe reconnait la création de la CNDI par les autorités nationales.
Ici le Gouvernement du Burundi gagne triplement. Tout d’abord le dialogue doit se faire sous la coordination du Gouvernement qui doit s’approprier du processus. Ensuite, l’ajout du mot  » paisible » par la Russie et la Chine exclut d’office du prochain dialogue tous les putschistes du 13 mai 2015 et tous les burundais qui utilisent la violence pour réaliser des gains politiques. Enfin, le Conseil reconnait explicitement la nouvelle commission nationale de dialogue interburundais créée par les autorités nationales.

6/ le Conseil appelle à la coopération entre le Burundi et la commission de consolidation de la paix. Ce paragraphe répond au souhait du Burundi qui voudrait voir la commission jouer le rôle de pont pour reconstruire la confiance entre le Burundi et ses partenaires occidentaux.

7/ Conseil appelle toutes les parties à rejeter le recours à la violence. Ce Paragraphe constitue une mise en garde à tous les acteurs burundais sans distinction aucune.

8/ Le Conseil appelle au dialogue interburundais au Burundi et à l’extérieur. Ceci est une avancée significative car certains occidentaux insistaient jusqu’à tout récemment sur le dialogue à l’extérieur uniquement. C’est donc un changement de position qui avantage le Gouvernement qui ne cache pas son intention de s’approprier du processus de ce dialogue annoncé.

9/ le conseil accueille bien la nomination d’ un conseiller spécial du Secrétaire Général pour la prevention des conflit qui pourrait aussi suivre le déroulement du dialogue interburundais. Ici On ne parle plus de Conseiller special du SG pour le Burundi uniquement. C’est un gain notable pour le Gouvernement qui ne souhaite pas être singularisé.

10/ Grâce à l’insistance des russes et des chinois, la référence initiale explicite dans le draft faisant référence aux sanctions ciblées a été effacée. Le texte final garde uniquement les mots  » des mesures additionnelles » sans en préciser la nature. C’est aussi un 2eme rejet par l’ONU du Paragraphe du Communiqué de l’Union Africaine du 17 octobre 2015 qui parle des sanctions ciblées.

11/ Aucune mention à une intervention militaire comme avaient souhaité l’opposition radicale et ses alliés.

Pour conclure, bien que le texte épingle le Gouvernement sur le plan des droits de l’homme, il peut se féliciter d’être le principal gagnant de cette résolution qui visait dès le départ de l’affaiblir diplomatiquement et politiquement. J’ajoute que les paragraphes sur la violations des droits de l’homme, l’impunité, les libertés d’expression, …. sont quasi standards pour tous les pays en développement!

Burundibwiza.com 12.11.2015

Texte intégral et le projet de résolution.

Le Conseil de sécurité demande au Gouvernement du Burundi de rejeter la violence et de protéger les droits de l’homme

12 NOVEMBRE 2015 – CS/12117 -7557e séance – après-midi

CONSEIL DE SÉCURITÉ – COUVERTURE DES RÉUNIONS

Il se félicite de la désignation d’un Conseiller spécial pour la prévention des conflits et prie le Secrétaire général de présenter, dans 15 jours, des options sur la future présence de l’ONU au Burundi

Profondément préoccupé par l’impunité et les assassinats quotidiens au Burundi, le Conseil de sécurité a engagé, aujourd’hui, le Gouvernement burundais et toutes les parties à rejeter toute forme de violence et à s’abstenir de « tout acte qui mettrait en péril la paix et la stabilité dans le pays ».

En adoptant à l’unanimité de ses membres la résolution 2248 (2015), le Conseil exhorte également le Gouvernement du Burundi « à garantir le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous », conformément à ses obligations internationales.

L’adoption de cette résolution survient trois jours après la tenue d’une réunion* du Conseil consacrée à la situation dans le pays, au cours de laquelle de hauts responsables des Nations Unies ont mis en garde contre une « catastrophe imminente » et demandé une solution politique d’urgence.

Condamnant fermement les violations des droits de l’homme perpétrées tant par les forces de sécurité que par les milices, les membres du Conseil de sécurité exhortent le Gouvernement du Burundi à adhérer à l’état de droit, « à faire preuve de transparence pour ce qui est d’amener les responsables à répondre des actes de violence » et à coopérer pleinement avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.

Le Gouvernement doit également coopérer avec la médiation, menée par la Communauté d’Afrique de l’Est sous l’égide de l’Union africaine, en vue d’organiser « immédiatement » un dialogue interburundais véritable, associant toutes les parties, aussi bien dans le pays qu’à l’étranger, « afin de trouver une solution consensuelle, propre au Burundi, à la crise ».

Le Conseil déclare, en outre, son intention d’envisager des mesures supplémentaires à l’encontre de tous les acteurs burundais qui, par leurs actes ou leurs propos, concourent à perpétuer la violence et entravent la recherche d’une solution pacifique.

Dans le préambule de la présente résolution, le Conseil note la décision de l’Union africaine d’imposer des sanctions contre de tels acteurs et rappelle que le Burundi, État partie au Statut de Rome de la Cour pénale internationale, s’est engagé à lutter contre l’impunité des crimes relevant de la compétence de la Cour.

Enfin, les membres du Conseil se félicitent de la décision du Secrétaire général de designer un Conseiller spécial pour la prévention des conflits, qui coordonnera l’action de l’ONU et œuvrera avec le Gouvernement du Burundi et les parties concernées en vue de promouvoir un dialogue interburundais sans exclusive et un règlement pacifique du conflit.

Le Secrétaire général devrait, dans les 15 prochains jours, présenter au Conseil « des options sur la présence future de l’ONU au Burundi ».

* CS/12112

LA SITUATION AU BURUNDI

Texte du projet de résolution (S/2015/865)

Le Conseil de sécurité,

Rappelant les déclarations de son président sur le Burundi, en particulier celles faites les 18 février 2015 (S/PRST/2015/6), 26 juin 2015 (S/PRST/2015/13) et 28 octobre 2015 (S/PRST/2015/18),

Vivement préoccupé par l’aggravation continue de l’insécurité et la montée constante de la violence au Burundi, ainsi que par l’impasse politique persistante dans le pays, caractérisée par l’absence de dialogue entre les parties prenantes burundaises,

Soulignant que la situation qui règne au Burundi risque de remettre gravement en question les progrès notables qui ont été réalisés grâce à l’Accord de paix et de réconciliation d’Arusha, ce qui aurait des conséquences dévastatrices pour le Burundi et la région tout entière,

Soulignant que c’est au Gouvernement burundais qu’il incombe au premier chef d’assurer la sécurité sur son territoire et de protéger les populations, dans le respect de l’état de droit, des droits de l’homme et du droit international humanitaire,

Réaffirmant son ferme attachement à la souveraineté, à l’indépendance politique, à l’intégrité territoriale et à l’unité du Burundi,

Condamnant fermement les violations des droits de l’homme et les atteintes à ces droits qui se multiplient, y compris les exécutions extrajudiciaires, les actes de torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, les arrestations arbitraires, les détentions illégales, les actes de harcèlement et d’intimidation commis contre des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes, et toutes les violations des droits de l’homme et les atteintes à ces droits qui sont perpétrées au Burundi tant par les forces de sécurité et que par les milices et d’autres groupes armés illégaux,

Se déclarant profondément préoccupé par l’impunité qui règne, les assassinats quotidiens, les restrictions à l’exercice de la liberté d’expression, y compris pour les journalistes, et la dégradation continue de la situation humanitaire, plus de 200 000 Burundais ayant cherché refuge dans les pays voisins,

Condamnant fermement toutes les déclarations publiques, provenant du pays ou de l’étranger, qui visent en apparence à inciter à la violence et à la haine contre certains groupes de la société burundaise,

Exhortant le Gouvernement burundais à traduire en justice et à faire répondre de leurs actes tous les responsables de violations du droit international humanitaire ou de violations des droits de l’homme et d’atteintes à ces droits,

Saluant le rôle joué par le Haut-Commissaire aux droits de l’homme, qui s’efforce d’évaluer la situation des droits de l’homme au Burundi,

Rappelant que le Burundi est un État partie au Statut de Rome de la Cour pénale internationale et qu’il s’est engagé à lutter contre l’impunité des crimes relevant de la compétence de la Cour, et soulignant que la Cour pénale internationale est complémentaire des juridictions pénales nationales,

Soulignant qu’il importe au plus haut point de respecter, dans la lettre et dans l’esprit, l’Accord de paix et de réconciliation d’Arusha du 28 août 2000 qui a permis au Burundi de connaître une décennie de paix,

Se déclarant à nouveau convaincu qu’un dialogue véritable associant toutes les parties, fondé sur le respect de la Constitution et de l’Accord d’Arusha, serait la meilleure façon d’aider les parties prenantes burundaises à trouver une solution de consensus à la crise que connaît leur pays, de préserver la paix et de consolider la démocratie et l’état de droit,

Soulignant la nécessité urgente de tenir un dialogue interburundais en coordination avec le Gouvernement burundais et toutes les parties prenantes pacifiques concernées, qu’elles se trouvent dans le pays ou à l’étranger, afin de trouver une solution de consensus à la crise actuelle, que les Burundais s’approprieront, et prenant note de la création de la Commission nationale de dialogue interburundais,

Demandant que l’action de médiation conduite par le Président de l’Ouganda, Yoweri Museveni, au nom de la Communauté d’Afrique de l’Est avec le soutien de l’Union africaine, soit renforcée, se félicitant que le représentant du Médiateur se soit rendu récemment à Bujumbura pour consulter le Gouvernement burundais et les autres parties concernées, avec notamment une consultation préalable au dialogue, etsoulignant qu’il faut accélérer les préparatifs du dialogue, en y associant tous les facilitateurs internationaux, sous la direction du Médiateur, afin de garantir la bonne organisation et le succès du dialogue,

Engageant instamment le Gouvernement burundais et les autres parties concernées à collaborer pleinement avec le Médiateur,

Saluant la mobilisation constante de toutes les parties concernées, y compris la formation Burundi de la Commission de consolidation de la paix, et encourageant la poursuite de la coopération établie entre le Gouvernement burundais et la Commission,

Saluant la déclaration du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine en date du 17 octobre 2015 et les mesures proposées adoptées à cette occasion, et attendant avec intérêt qu’elles soient pleinement mises en œuvre,

Se félicitant du déploiement d’observateurs des droits de l’homme et d’experts militaires de l’Union africaine et exhortant le Gouvernement burundais et les autres parties prenantes à collaborer pleinement avec eux pour les aider à s’acquitter de leur mandat,

Prenant note de la décision de l’Union africaine d’imposer des sanctions ciblées, y compris l’interdiction de voyager et le gel des avoirs, à l’encontre des parties prenantes burundaises qui, par leurs actes ou leurs propos, concourent à perpétuer la violence et entravent la recherche d’une solution,

1. Engage le Gouvernement burundais et toutes les parties à rejeter toute forme de violence et exige de toutes les parties au Burundi qu’elles s’abstiennent de tout acte qui mettrait en péril la paix et la stabilité dans le pays;

2. Exhorte le Gouvernement burundais à protéger et garantir le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, conformément aux obligations internationales qui sont les siennes, à adhérer à l’état de droit et à faire preuve de transparence pour ce qui est d’amener les responsables à répondre des actes de violence, et à coopérer pleinement avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme dans l’exécution de son mandat;

3.Exhorte le Gouvernement burundais à coopérer avec la médiation menée par la Communauté d’Afrique de l’Est sous l’égide de l’Union africaine, afin de l’aider à organiser immédiatement un dialogue interburundais véritable, associant toutes les parties concernées par la paix, se trouvant aussi bien dans le pays qu’à l’étranger, afin de trouver une solution consensuelle, propre au Burundi, à la crise en cours;

4. Exprime son plein appui à l’action de médiation menée par le Président de l’Ouganda, Yoweri Museveni, au nom de la Communauté d’Afrique de l’Est, telle qu’elle a été approuvée par l’Union africaine, et souligne qu’il importe d’établir une étroite coordination entre la région et les facilitateurs internationaux pertinents;

5. Se félicite de la décision prise par le Secrétaire général de designer un Conseiller spécial pour la prévention des conflits, y compris au Burundi, pour mener et coordonner l’action de l’Organisation des Nations Unies face à la situation au Burundi et de travailler avec le Gouvernement burundais et toutes les autres parties concernées ainsi qu’avec les autres partenaires sous-régionaux, régionaux et internationaux, pour soutenir un dialogue interburundais sans exclusive, un règlement pacifique du conflit et l’instauration d’une paix durable;

6. Déclare son intention d’envisager des mesures supplémentaires à l’encontre de tous les acteurs burundais qui, par leurs actes ou leurs propos, concourent à perpétuer la violence et entravent la recherche d’une solution pacifique;

7. Souligne qu’il importe que le Secrétaire général suive de près la situation au Burundi et l’invite à déployer une équipe au Burundi pour travailler avec le Gouvernement, l’Union africaine et les autres partenaires pour évaluer la situation et envisager des options afin de régler les problèmes politiques et de sécurité;

8. Prie le Secrétaire général de le tenir informé dans les 15 jours, notamment en présentant des options sur la présence future de l’Organisation des Nations Unies au Burundi, et tous les 30 jours par la suite sur la situation au Burundi, en particulier sur l’état de la sécurité et les violations des droits de l’homme et les atteintes à ces droits, et les incitations à la violence et la haine contre les différents groupes dans la société burundaise;

9. Affirme l’importance pour l’Organisation des Nations Unies et l’Union africaine de se tenir prêts à toute éventualité afin d’aider la communauté internationale à réagir face à toute nouvelle dégradation de la situation;

10. Décide de rester activement saisi de la question.

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