Le président de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise de France (CIASE) vient de remettre un rapport accablant ce mardi 5 octobre 2021. Mais ces horreurs ne se limitent pas seulement à la France. Il faudrait aller plus loin. S’interroger aussi au Burundi
Cet éminent haut fonctionnaire à la retraite (plusieurs fois secrétaire général de l’Elysée) s’appelle Jean-Marc Sauvé, le bien nommé. C’est peut-être un signe des temps que l’Eglise catholique va être sauvée par Sauvé. Le document a fait l’effet d’une bombe. Une déflagration. Un désastre. Le pape François fait part de sa peine et honte. Le monde entier est sidéré. Et pourtant c’est le nième Catalogue d’horreurs. De catalogue d’horreurs en catalogue d’horreurs, les mêmes s’indignent, battent leur coulpe et jurent le plus jamais ça.
Citons dans l’ordre la série d’abominations : Irlande, Etats-Unis, Chili, Australie, Pays-Bas, Allemagne et enfin France. En Irlande, le pape Benoît XVI somma les évêques, dans une lettre d’une sévérité inédite, de dire la vérité, rien que la vérité. « La vérité vous rendra libres », tonna-t-il, lui qui est d’habitude d’une douceur peu germanique. Son successeur François lui contraindra à démissionner tout l’épiscopat chilien qui lui avait menti. Il ne pouvait pas s’imaginer qu’un évêque peut mentir. En désespoir de cause, le pape François adressera en novembre 2018 une émouvante « lettre au peuple de Dieu » car il ne pouvait plus compter sur le clergé. Il convoquera dans la foulée un synode extraordinaire en février 2019 dont j’ai fait une recension dans Iwacu du 18 mars 2019.
Les atrocités de l’Eglise catholique en Afrique ce n’est pas important ?
Seule l’Afrique manque au tableau. Et pourtant c’est le continent noir qui a ouvert, dans les années 1980, la voie de la descente aux enfers catholiques. Le rapport de la sœur médecin Maura O’Donohue documenta des crimes et atrocités, y compris au Burundi, qui dépassent l’entendement. Le pape Jean-Paul II classera le document sans suite comme pour tous les autres abus durant son pontificat. Tous les évêques africains auraient dû démissionner comme l’ont fait leurs confrères chiliens sous le pape François. L’ancien président Mitterrand est tristement célèbre pour sa macabre affirmation en plein génocide contre les Tutsi rwandais : « Dans ces pays-là, un génocide n’est pas trop important ». Il semble de même que les crimes et atrocités de l’Eglise catholique en Afrique ne sont pas importants. Ils sont complètement ignorés par l’Eglise universelle : abandons d’enfants de clercs, viols de femmes et de nonnes, avortements comme la jeune fille qui a témoigné devant le pape en février 2019 : « je suis tombée enceinte trois fois, le prêtre m’a fait avorter trois fois ». Les membres de la CIASE ont été tellement affectés par les témoignages des victimes françaises qu’ils ont dû recevoir une assistance psychologique.
Sr Dr Maura O’Donohue qui fut révulsée par ce qu’il a trouvé en Afrique aurait besoin d’un psychiatre pour surmonter les malheurs de cette élève kenyane Veronicah Musali Mutua. Séduite par un prêtre kenyan, elle tombe enceinte et met au monde un enfant. Le prêtre décida de l’éliminer avec son bébé pour ne pas laisser de trace et continuer sa belle carrière sacerdotale à pardonner les péchés du monde. Le prêtre montera une embuscade dans la brousse avec gourdin et laissera la jeune fille pour morte. Elle n’est retrouvée que le lendemain par les passants. Il survécut, mais son bébé qui a reçu aussi un coup de gourdin sur la tête est désormais sourd-muet et aveugle. La pauvre est seule monde et l’Eglise catholique kenyane, africaine et universelle poursuivent leurs œuvres de salut pendant qu’une jeune fille soufre un calvaire que même le Christ n’a pas connu. Lui, il a été torturé et mis à mort en quelques heures, cette pauvre fille est détruite et torturée chaque jour que fait le Seigneur. Dans mes moments perdus, je me dis que ce crime est une malédiction pour toute l’Eglise kenyane, africaine et universelle. Dieu serait en droit d’envoyer le feu pour détruire ces Sodome et Gomorrhe catholiques modernes. Une institution qui pousse des hommes engagés dans le sacerdoce à tuer plutôt que de vivre en toute liberté leur sexualité d’homme qui est « incontrôlable, irrépressible, irrésistible, insatiable et… animale » pour citer le télévangéliste américain Pat Robinson, est une organisation de malfaiteurs.
L’hypocrisie ecclésiale prime sur toute autre humanité
Ce n’est pas qu’au Kenya. En Inde, une jeune sœur se réveille en pleine nuit pour aller prendre un verre d’eau à la cuisine. Elle surprend le prêtre du couvent en flagrant délit avec une consœur. Le prêtre tue immédiatement la pauvre fille et la jeta dans un puits d’eau. La police conclura à un suicide. Ce n’est que des années plus tard que la vérité fut découverte. En France en 1956, un jeune prêtre Guy Desnoyers, tua sa jeune maîtresse, Régine Fays, 19 ans, enceinte de 8 mois. Il arracha le bébé vivant des entrailles, le baptisa et le tua à coup de canif et le défigura au couteau afin que l’on ne puisse découvrir aucune ressemblance. Avant de tuer la pauvre fille Régine Fays, le prêtre lui demanda de lui donner l’absolution, Régine refusa. Comment la doctrine catholique peut-elle détruire les hommes jusque-là au point d’être déconnectée complètement de toute notion de mesure. Comme le prêtre cité dans le rapport O’Donohue qui célébra la messe des funérailles de la nonne qu’il avait fait avorter. L’hypocrisie ecclésiale prime sur toute autre humanité. Les clercs qui ne supportent mes articles sur les crimes et atrocités (paroles du pape François, pas moi) voudraient vivre dans le déni alors que l’Eglise catholique devient une organisation de malfaiteurs. C’est cela que me fait mal moi qui suis le produit des bienfaits de l’Eglise catholique depuis 4 générations.
Jean-Marc Sauvé a résumé le drame de l’Eglise catholique : « l’infiltration du mal dans une œuvre de salut ». Le Burundi comme toute l’Afrique orientale et centrale est une création de l’œuvre de salut de l’Eglise catholique. Lorsque le journal Iwacu demande aux invités le plus grand événement de l’histoire du Burundi moi je réponds que c’est l’arrivée des pères blancs dans notre sous-région. C’est un acte révolutionnaire qui a changé nos sociétés de fond en comble nous apportant la modernité, l’éducation, la santé. Les sœurs blanches arrivent au Burundi en 1916 et commencent l’éducation des filles, la santé maternelle et infantile. Elles apportent même l’hygiène menstruelle moderne au point que je me demande comment les Burundaises faisaient avant les sœurs missionnaires ? En Tanzanie, il lutte en plus contre la traite des esclaves par les Arabes. Le symbole le plus éloquent de l’importance des missionnaires dans notre sous-région est le grand stade Tata Raphaël pour honorer un missionnaire qui a apporté l’éducation professionnelle et sportive. Comment l’Eglise de salut spirituel, social et économique est-elle devenue synonyme de crimes et atrocités dans le monde entier ?
Dans mon dernier article dans Iwacu du 18 mars 2019, je demandais déjà si l’Eglise catholique peut être sauvée et je répondais : oui, mais elle ne pourra être sauvée que par les femmes. Parmi les recommandations de la CIASE à l’Eglise de France, le rapport propose l’inclusion de la femme dans la gouvernance de l’Eglise catholique. Les femmes ne violent pas, ne sont pas des obsédés sexuels et sont beaucoup plus religieux que les hommes depuis le Christ lui-même. Les hommes toujours lâches l’ont abandonné à l’heure fatidique, mais les femmes sont allées jusqu’au pied de la croix, l’ont embaumé et ont ensuite proclamé la résurrection. Hélas, leur rôle a été usurpé par les hommes comme toujours.
En attendant, le salut par les femmes, il faut libérer les prêtres. Ils ne sont pas, eux, victimes de crimes et atrocités, mais d’une oppression affective et sexuelle par l’Eglise catholique. Le Christ est venu pour qu’ils aient « vie et une vie abondante », il n’est pas venu pour qu’ils vivent dans la frustration, la dissimulation et l’hypocrisie éternelles. Jean-Marc Sauvé, le président de la CIASE, dit que la commission a découvert que les prêtres vivent « une grande misère et solitude affectives ». Le Christ est libérateur. Il ne demande aucun sacrifice humain sous forme de répression de la sexualité des clercs. C’est lui qui a aboli les horribles sacrifices d’animaux. Pour lui un pain et du vin suffisent comme pour dire en bon Kirundi : Ubunyegeri buyagira kw’igufa. Les fourmis se réunissent autour d’un os. Prenez, entre frères et sœurs, du pain et du vin et je serai parmi vous. Faites-le en mémoire de moi. Plus jamais de moutons, chèvres, colombes à égorger. Ce Dieu qui ne demande aucun sacrifice d’animaux ne peut pas demander le sacrifice de la sexualité des prêtres dont certains vivent une terrible oppression, car travaillée comme tous les hommes par une libido incontrôlable, irrépressible, irrésistible, insatiable et… animale.
Libérez les prêtres !
Chrysostome (Chris) Harahagazwe
Traducteur Freelance Anglais-Français
Membre fondateur de la Ligue Iteka
Auteur de nombreux articles sur la vie politique et sociale du Burundi
Réaction
Souvenir, le Frère « B. »
Par Antoine Kaburahe
Le « rapport Sauvé » et cet article de Chris Harahagazwe me ramènent à un souvenir. Celui de Frère « B. ». Les habitants de Gitega, spécialement ceux proches de la paroisse Mushasha, ont connu ce religieux de la congrégation dite des « Frères de la Charité ». Le Frère « B. » aimait les jeunes garçons, un peu trop. Avec le recul et tout ce que je lis aujourd’hui, j’ai un terrible doute sur cet amour des gamins qu’il faisait souvent venir dans sa chambre et qui repartaient avec des bonbons. Je ne suis jamais allé dans sa chambre. Il était de notoriété publique à la paroisse de Mushasha et ses environs que Frère « B » « akunda abana » (aime les enfants). Des bruits vite étouffés circulaient qu’ils « touchaient » les enfants. Mais la figure du religieux, blanc de surcroît, était sacrée. Qui aurait osé imaginer qu’il faisait ce qu’on lit actuellement ? Qui aurait osé accuser ce Frère qui construisait des églises et des écoles? L’Eglise catholique était très respectée. Le Frère « B » est mort de sa belle mort. Je n’ai aucune certitude de ce que j’avance , juste un petit doute … Que Dieu me pardonne si je me suis trompé sur son serviteur. Mais Frère « B » aimait les petits garçons. Un peu trop. Est-ce que des langues pourraient se délier au Burundi ?