L’une des quatre personnes placées sous mandat d’arrêt est la vice-présidente grecque du Parlement européen Eva Kaili, a indiqué à l’AFP une source judiciaire. Son domicile avait été perquisitionné vendredi soir.
En Italie, la femme et la fille de l’ancien député européen Pier Antonio Panzeri ont également été interpellées dans le cadre de l’enquête ouverte par la justice belge autour de soupçons de corruption en lien avec le Qatar, annoncent dimanche des médias italiens et le site Politico. Femme et fille auraient joué un rôle actif dans les affaires présumées illégales de Pier Antonio Panzeri, ancien eurodéputé actuellement à la tête de l’ASBL Fight Impunity. Lors d’une perquisition à son domicile, 600.000 euros auraient été retrouvés. Des pots-de-vin auraient permis à la famille de faire construire une ville dans les Alpes italiennes et d’organiser une fête de famille fastueuse dont l’organisation aurait coûté 100.000 euros.
Perquisition
Par ailleurs, une perquisition a eu lieu samedi soir vers 20h00 au domicile d’un second député européen, ajoute le parquet fédéral. Il s’agit du député européen PS Marc Tarabella, selon une information du Soir et de Knack confirmée à l’agence Belga par l’intéressé.
“La justice fait son travail d’information et d’enquête, ce que je trouve tout à fait normal. Je n’ai absolument rien à cacher et je répondrai à toutes les questions, cela va de soi si cela peut les aider à faire toute la lumière sur cette affaire”, a commenté le député.
Pour assister la police fédérale dans cette seconde perquisition, la présidente du Parlement européen Roberta Metsola est revenue de Malte à Bruxelles dans la soirée, a indiqué un de ses porte-parole. La présence de la présidente est requise pour un tel acte d’enquête visant un eurodéputé élu en Belgique “comme le veut la Constitution belge”, a-t-on expliqué.
Grosse somme “dans une valise”
Parmi les six suspects interpellés vendredi, au terme d’au moins 16 perquisitions à Bruxelles, figuraient aussi l’ex-eurodéputé italien Pier-Antonio Panzeri et le secrétaire général de la Confédération syndicale internationale (CSI) Luca Visentini, lui aussi Italien. Le propre père de Mme Kaili aurait lui-même été inquiété dans l’enquête, surpris en train de transporter une grosse somme en liquide “dans une valise”.
Dans cette affaire, “est suspecté le versement d’importantes sommes d’argent ou l’offre de cadeaux significatifs à des tiers ayant une position politique et/ou stratégique permettant, au sein du Parlement européen, d’influencer les décisions” de cette institution, a rappelé dimanche le parquet.
Visite officielle au Qatar
L’affaire éclate en plein Mondial-2022 de football, alors que le pays organisateur doit déployer des efforts pour défendre sa réputation décriée en matière de respect des droits humains, notamment ceux des travailleurs. Elle survient aussi à la veille d’une session plénière du Parlement européen à Strasbourg, où la relation entre l’UE et le Qatar devrait inévitablement resurgir dans les débats.
Eva Kaili s’était rendue début novembre au Qatar où elle avait salué en présence du ministre qatari du Travail les réformes de l’émirat dans ce secteur. L’ambassadeur de l’UE à Doha Cristian Tudor avait alors assuré sur Twitter la publicité de cette rencontre jugée positive.
“Le Qatar est un chef de file en matière de droits du travail”, avait aussi affirmé Mme Kaili le 22 novembre à la tribune du Parlement européen. Ces propos, qui avaient alors suscité des remous dans les rangs de la gauche et des libéraux, sont revenus à l’esprit de nombreux eurodéputés ce week-end après l’annonce de son arrestation. “Je crains maintenant de comprendre…”, a commenté samedi sur Twitter le Français Pierre Karleskind (Renew, libéraux).
Demande de démission
Lundi à Strasbourg, la présidente du Parlement européen, la Maltaise Roberta Metsola, a convoqué une réunion des présidents de groupes pour évoquer l’enquête judiciaire belge, ont indiqué dimanche à l’AFP deux sources au sein du Parlement. Les eurodéputés Verts et socio-démocrates s’opposeront par ailleurs au démarrage de négociations sur une libéralisation des visas pour les Qataris dans l’UE.
Samedi soir, Mme Metsola a décidé d’une première sanction contre Eva Kaili. La vice-présidente grecque s’est vu retirer toutes les tâches déléguées par Mme Metsola dont celle de la représenter dans la région Moyen-Orient. Des eurodéputés de gauche, dont l’écologiste Philippe Lamberts au nom du groupe des Verts au Parlement européen, ont demandé la démission de Mme Kaili, exclue dès vendredi soir du parti socialiste grec (Pasok-Kinal).
Sa collègue Ecolo Sakia Bricmont a rappelé dans un communiqué envoyé à Belga que son groupe demandera “de rejeter l’ouverture de négociations avec le Qatar sur la libéralisation des visas, en session plénière du Parlement européen cette semaine.” “Si des États tiers arrivent à s’ingérer dans les affaires européennes c’est aussi parce que des élus et membres des institutions européennes les y autorisent. Il est temps que cela cesse, que conservateurs et socialistes acceptent enfin nos demandes en matière de transparence, de contrôle et de règles de gouvernance plus strictes”, ajoute la députée belge.