Burundi / Diaspora : Quand la CVR cherche la vérité au-delà des frontières
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L’ombre du passé : la CVR du Burundi annonce venir chercher des témoignages auprès des Barundi de la diaspora en Belgique

Gitega, 22/08/2023 – La Commission Vérité Réconciliation (CVR) du Burundi a exprimé son désir de rencontrer les Burundais de la diaspora lors de sa visite en Belgique à la fin du mois de juin 2022. L’objectif de cette rencontre est de recueillir des témoignages sur le douloureux passé du pays. La Belgique, ancienne puissance coloniale du Burundi, abrite un grand nombre de citoyens burundais issus de la diaspora [1].

La CVR du Burundi mène une enquête sur les souffrances qui ont frappé le pays depuis le XIXe siècle, lorsque l’agression contre le Burundi a commencé, jusqu’en 2006. Cependant, la commission a été critiquée pour sa concentration exclusive sur le conflit ethnique Hutu/Tutsi, créé de toutes pièces par la géostratégie occidentale pour le Burundi et le Rwanda. Cette approche omet les principaux responsables du malheur des Burundais, certains États et familles occidentaux. Au lieu de citer ces derniers, la CVR du Burundi met toute la responsabilité sur les Burundais eux-mêmes et leur société.

Plongeons maintenant dans le passé du Burundi, autrefois connu sous le nom d’Ingoma y’Uburundi. Les premières blessures furent infligées dès 1879, lorsque les Anglais et les missionnaires pères blancs, représentant le Vatican et la France, firent leur apparition. Rejoints par les Allemands après la Conférence de Berlin, ils contribuèrent à l’agression perpétrée contre le pays. À l’issue de la Première Guerre mondiale, la Belgique remplaça l’Allemagne au nom de la Société des Nations (SDN), suite à laquelle l’Angleterre profita pour s’approprier une portion du territoire d’Ingoma y’Uburundi, lui privant ainsi son accès au lac Nyanza ou ukerewe  [2], renommé depuis le lac Victoria en l’honneur d’une reine anglaise.

Une période sombre s’ensuivit, s’étendant de 1919 à 1943, où la Belgique et le Vatican furent les instigateurs , sans précédent, d’un génocide contre les Bagumyamabanga Barundi. Cette tragédie brisa à jamais l’Ubuntu (ou l’Ubungoma), qui constituait l’essence même des Burundais, pour être remplacée par l’influence du christianisme. S’alliant avec certains Bahima Barundi, tels que Ntiruhwama et le réseau français de Foccart (Sota – Shibura), en alliances avec Simbananiye, Micombero, Bagaza, Buyoya, et bien d’autres, les États-Unis, le Vatican, la France et la Belgique fomentèrent un génocide régicide impitoyable entre 1959 et 2005, faisant plus de 4,5 millions de victimes Burundaises sur une population totale dépassant actuellement les 9 millions d’habitants.

Les années entre 1959 et 1966 furent témoins de la destitution du Mwami Mwambutsa Bangiricenge et des assassinats des Baganwa et des chefs des principales miryango Barundi dont bon nombres de leurs enfants liées à Ingoma y’Uburundi. Puis, sur une initiative française orchestrée par Foccart, visant à éradiquer le système socio-économique des Burundais pour instaurer une économie de marché, le Mwami des Burundais, Ntare Ndizeye Charles, fut assassiné dans un acte de régicide. Entre 1972 et 1973, environ 500 000 Bahutu Burundais subirent le génocide contre les Bahutu du Burundi. Ces derniers, qui formaient le tissu même d’Ingoma y’Uburundi, étaient ceux qui produisaient les ressources indispensables pour répondre aux besoins socio-économiques des Burundais. Ce fut le tristement célèbre génocide régicide du Burundi.

Les décennies qui suivirent, depuis la fin des années 1980 marquées par l’avènement du néolibéralisme Reagan – Thatcher inspiré de Friedman – Hayek , jusqu’en 2022, période marquée par la guerre en Ukraine, furent dominées par la GUAN [3]. Sur le plan géopolitique, cela eut des conséquences dramatiques pour les Burundais, engendrant la guerre civile burundaise de 1993 à 2003, avec l’assassinat des présidents Ndadaye et Ntaryamira, l’existence de camps de concentration entre 1996 et 2001, où un quart de la population burundaise fut internée, la révolution de couleur de 2015, la guerre humanitaire contre le Burundi de 2015 à 2021, et enfin, la mort suspecte du président Nkurunziza.

Le fardeau de l’histoire se fait incontestablement ressentir, pesant lourdement sur les épaules des Barundi. Les révélations macabres s’annoncent alors que la CVR s’efforce de rechercher la vérité au-delà des frontières, espérant que les témoignages de la diaspora puissent éclairer les zones d’ombre persistantes. Dans ce périple, l’ombre du passé resurgit de manière troublante, amenant la CVR à remettre en question la responsabilité occidentale dans les souffrances endurées par les Barundi. Le silence des puissances occidentales, non encore dénoncé fortement par la CVR, ne fait qu’intensifier la quête de justice et de réconciliation dans ce pays meurtri.

NOTES :

[1] Burundi : La diaspora, son histoire et sa composante sociologique – https://burundi-agnews.org/diaspora/burundi-la-diaspora-son-histoire-et-sa-composante-sociologique/
[2] Un lac symboliquement important pour la spiritualité des Barundi. Burundi : La dynastie des Mukakaryenda – De Inakibindigiri jusqu’à Ruburisoni – https://burundi-agnews.org/abahanuzi/burundi-la-dynastie-des-mukakaryenda/
[3] Le Burundi face à la GUAN – Globalisation Unipolaire Américaine Néolibérale – https://www.burundi-forum.org/92533/le-burundi-face-a-la-guan-globalisation-unipolaire-americaine-neoliberale/

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Sources : Nahimana P. , http://burundi-agnews.org, Jeudi 22 juin 2023 | Photo : CVR – Jeudi 15 juin 2023 – l’équipe CVR en mission à Nairobi au Kenya