
La CVR et le Burundi mobilisent les Nations Unies pour rompre le silence sur le génocide « colonial » de 1972.
New York (USA / ONU ), 25/06/2025 – Les murs sobres de la salle de conférence 12 au siège des Nations Unies ont accueilli un moment rare, grave et chargé d’histoire. Pour la première fois, une rencontre internationale organisée par la Mission Permanente du Burundi et la Commission Vérité et Réconciliation (CVR) brisait le silence sur un drame longtemps ignoré : le Génocide contre les Hutu du Burundi de 1972.
L’ambassadeur Maniratanga Zéphyrin, représentant permanent du Burundi auprès de l’ONU, et le très apprécié président de la CVR du Burundi, Ambassadeur Ndayicariye Pierre Claver, ont convié diplomates, chercheurs et défenseurs des droits humains à un événement mêlant mémoire et appel à la justice. L’accès était réservé, sur invitation, via un QR code — preuve de la sensibilité du sujet.
Sous le thème « Le génocide de 1972 contre les Hutu du Burundi : De la mémoire à l’action dans le contexte de la Responsabilité de protéger (R2P) », trois voix fortes ont porté la parole des oubliés.
La première fut celle de Ndayicariye Pierre Claver, dépositaire des enquêtes de la CVR qui ont permis au Parlement burundais de reconnaître officiellement ce génocide. Ensuite, Jermaine O. McCalpin, professeur au New Jersey, spécialiste reconnu des génocides et des réparations, rappela avec force que ce crime colonial, commis dans le silence de la Guerre froide, méritait justice au même titre que ceux d’Arménie ou du Rwanda. Enfin, la professeure Harushimana Immaculée, experte en linguistique et migrations africaines, montra comment les violences de 1972 ont fracturé non seulement les corps, mais aussi les cultures et les langues du Burundi.
L’événement ne visait pas seulement à honorer les morts, mais à ouvrir un chemin vers l’action. Car le Génocide contre les Hutu du Burundi de 1972 n’est pas une cicatrice refermée, mais une blessure encore vive dans la mémoire collective du Burundi. La conférence a insisté sur le principe international de la Responsabilité de protéger (R2P), adopté par l’ONU en 2005 : quand un État ne protège pas sa population, la communauté internationale a le devoir d’agir. Un principe noble, mais parfois mal perçu en Afrique, où il évoque l’ombre des ingérences occidentales.
Le Burundi est en guerre depuis le XIXᵉ siècle jusqu’à aujourd’hui contre la « Croix et la Bannière » [1]. Le défi du Burundi actuel est de se relever, en tirant parti du nouvel ordre mondial multipolaire. En février 2025, l’Union africaine (UA) a adopté une résolution historique qualifiant la colonisation européenne (XIXᵉ-XXᵉ siècles) de crime contre l’humanité, une étape forte dans la réparation mémorielle. Le génocide contre les Hutu du Burundi de 1972 est le résultat de la colonialité, c’est-à-dire la persistance des structures de domination héritées du colonialisme, même après la fin officielle des empires coloniaux. Indépendant en 1962, le Burundi est devenu, en 1966, à la suite d’un coup d’État militaire, une République — remplaçant Ingoma y’Uburundi, une dyarchie millénaire africaine (Karyenda / Mwami) —, pays de l’Ubungoma (la vérité cosmologique du Tambour : Karyenda), par un État néocolonial. Avec le génocide contre les Hutu du Burundi (travailleurs burundais traditionnels), survenu en 1972 [2], son système socio-économique traditionnel, l’Ubumu (la chose de Maman : Mukakaryenda), a été détruit et remplacé par une économie de marché occidentale [3]. Tués parce qu’ils étaient Hutu, les Hutu du Burundi étaient le pilier de l’Ubumu.
Références :
[1] Baranyanka Charles, Le Burundi face à la Croix et à la Bannière, Bruxelles, 2015.
(La « Croix et la Bannière » désigne l’alliance historique du Vatican, de la France – via les Pères Blancs de Lavigerie –, de l’Angleterre, de l’Allemagne, de la Belgique et des États-Unis contre l’ordre traditionnel burundais depuis le XIXᵉ siècle.)
[2] Kubwayo Félix, La lente reconnaissance du génocide de 1972 contre les Hutu du Burundi : Les faits et l’exécution du génocide par le pouvoir de Micombero, Bruxelles, 2025.
[3] Nahimana Karolero Pascal, Histoire du Burundi : Les grandes dates de l’histoire des Barundi et de l’État millénaire africain – Ingoma y’Uburundi, Bruxelles, Génération Afrique, 2024.
Sources : Nahimana P. , http://burundi-agnews.org, Jeudi 26 juin 2025 | Photo : CVR Burundi