« Freedom and personal security are safeguarded by laws; those laws must be respected », Pierre Trudeau (1970)
La campagne électorale pour les élections présidentielles, législatives et communales du 20 mai 2020 au Burundi bat son plein. Des partis politiques, des coalitions des partis politiques et des indépendants n’ont pas manqué à ce rendez-vous historique qui rentre dans la perspective du non-retour en arrière, de la poursuite et la consolidation de la culture démocratique. Et pour y arriver et dans le cadre d’un processus électoral apaisé, transparent et libre, tous les instruments conséquents tant au niveau politique, financier, sécuritaire et juridique ont été mis en place. Politiquement, en plus d’avoir mis sur pied une commission électorale nationale indépendante(CENI), et dans le souci de sauvegarder l’indépendance et la souveraineté du pays, les Burundais ont décidé de financer eux-mêmes et entièrement tout ce processus électoral du début jusqu’à la fin. L’objectif étant de leur permettre de s’en approprier le suivi et le dénouement.
Contrairement aux élections de 2015, précédées par des incompréhensions et turbulences politiques à caractère insurrectionnel initiées par certains organisations de la société civile et acteurs politiques, celles de 2020 arrivent dans un contexte particulier, celui du compromis, de paix et de sécurité sur tout le territoire national malgré la pandémie du covid-19 qui endeuille le monde entier. Cela étant dû, en plus de l’aspect souverain de ses élections, du fait que le Burundi et ses partenaires ne ménagent aucun effort pour veiller et continuer à assurer non seulement la paix et sécurité mais aussi la santé de la population burundaise pendant et après ces élections. C’est dans cette perspective que Le gouvernement burundais a pris des mesures qui s’imposent afin de faire respecter les lois de la République. Et qui dit lois républicaines sous-entend naturellement toutes les prescriptions établies par l’autorité souveraine de la République applicables à tous, et qui définissent les droits et les devoirs de chacun. Dans le cas d’espèce, on citera a priori la Constitution du 7 juin 2018, les lois organiques en rapport avec ces élections dont la loi organique du 1/11 du 20 mai 2019 portant modification de la loi numéro 1/20 du 3 juin 2014 portant code électoral et la loi numéro 1/28 du 5 décembre 2013 portant réglementation des manifestations sur la voie publique et réunions publiques. Ce qui est plus intéressant dans tout cela, c’est que du côté des acteurs politiques engagés dans ce processus électoral, ceux-ci ont pris un engagement solennel le 23 décembre 2019 et signé un code de conduite. Quid donc du respect de ces lois et de cet engagement?
En Kirundi, on dit : « NTA MWONGA UBURA ISATO IBA IDAHIZWE (Rien/personne n’est parfait) ». D’une façon générale, la campagne se déroule normalement, la paix et la sécurité règnent sur toute l’étendue de la République, selon l’évaluation faite par les autorités en charge de l’organisation de ces élections et de leur suivi, ainsi que celles en charge de faire respecter l’ordre public, l’autorité de l’Etat, les lois et les règlements de la République. C’est notamment la CENI, le Ministère de La Sécurité Publique et de la Gestion des Catastrophes, le Ministère de l’intérieur, de la Formation Patriotique et du Développement Communal, et le Ministère de la Justice et garde des Sceaux. Néanmoins, malgré ce constat positif et de satisfaction observé à travers leurs communiqués respectifs, 9 jours après le lancement de la campagne électorale, des inquiétudes sur la violation flagrante des lois républicaines et du code de conduite signé par les parties prenantes à ce processus ont été soulevées, et des mises en gardes sévères lancées. Si certains communiqués se sont réservés le droit de ne pas être nominatifs, celui du Ministère de l’Intérieur et de la Formation Patriotique, et celui du Ministère de la Sécurité Publique et de la Gestion des Catastrophes ont été explicites et ont pointé du doigt les agissements hors-loi des membres du parti CNL et de leur leader Hon. Agathon Rwasa. A entendre la gravité des faits leur reprochés et si par ailleurs ils ne se ressaisissent pas immédiatement, non seulement les clauses pénales du Code Electoral vont les frapper mais en plus, et surtout le Ministère Public sera appelé à mettre en exécution ses avertissements. Et là ça risque de faire plus mal car nul n’est au-dessus de la loi que ce soit avant, pendant ou après les élections.
A rappeler, dans cette réflexion, que Hon. Rwasa comme les autres candidats que ce soit des partis politiques, des coalitions des partis politiques ou des indépendants ont déposé des actes de prescriptions dans leurs dossiers à la CENI pour faire passer leurs différentes candidatures. Ces actes sont figuratifs et ne donnent qu’un seul droit : celui du respect des lois de la République auxquelles ils ont consciemment affirmé leur engagement. Donc, un homme avertit en vaut deux. Si le CNL et son leader Hon. Rwasa dont il est question ponctuellement persistent dans leurs comportements ostensibles et décriés et n’obtempèrent pas aux règles de jeux, c’est que la participation du CNL aux échéances électorales couvent d’autres agendas. Cette hypothèse tire sa raison d’être dans les scrutins précédents où face à l’incertitude, le leader du CNL a manifesté des comportements qui me rappellent cette célèbre citation de Jacques Mescine où il dit : « Je ne suis pas un type qui a une éducation politique. J’ai une éducation de combattant ».
Hon. Rwasa est un ancien rebelle et leader du mouvement armé PALIPEHUTU- FNL de feu Remy GAHUTU et dont il n’a cessé et continue de revendiquer l’héritage. Quand il a été contraint de signer les accords de cesser le feu en 2006 et transformé son mouvement en parti politique, le FNL, Hon. Rwasa a toujours endossé son costume de rebelle. En 2010, quand il est battu aux élections présidentielles par le CNDD-FDD, il a crié aux fraudes électorales et est retourné dans la clandestinité pendant plus de 3 ans après avoir formé avec quelques autres perdants malheureux le fameux ADC –Ikibiri. La suite est connue de tout le monde. Pendant sa cavale, La direction du FNL est confiée à un de ses fidèles lieutenants, Jacques BIGIRIMANA. Mais Hon. Rwasa a refusé de reconnaître son autorité et a continué à se considérer comme Président à vie du FNL. Quand il a réapparu mystérieusement, la justice a donné raison à Mr. BIGIRIMANA.
Aux élections de 2015, Hon. Rwasa s’est présenté sous les couleurs de la Coalition AMIZERO Y’ABARUNDI. Coup de théâtre, en plein milieu du scrutin présidentiel et face au redoutable Pierre NKURUNZIZA, candidat du parti CNDD-FDD, Hon. RWASA a vite abandonné la course. Il a été obligé malgré lui de se concentrer aux restes des scrutins. Ce qui lui a permis entre-autres d’avoir quelques sièges à l’Assemblée et devenir Vice-Président de cette prestigieuse institution de la République. En 2018, une campagne référendaire pour l’adoption d’une nouvelle constitution est lancée. Hon. Rwasa a pris alors le devant pour diriger la campagne du camp du NON. Malheureusement c’est le camp du OUI qui a finalement remporté. L’aventure politique de l’Hon. Rwasa ne va pas pour autant s’arrêter là.
Un an avant les élections générales de mai 2020, il voit son nouveau parti politique le CNL agréé et se lance dorénavant dans la course au nouveau palais présidentiel flambant neuf baptisé Palais NTARE RUSHATSI. Une chose est sûre, c’est que l’architecture de la nouvelle constitution ne lui permet plus d’espérer d’accéder à ses anciens privilèges en cas de défaite d’où un combat acharné pour sa survie politique. La question qui se pose est de savoir si face à un candidat du CNDD-FDD, le Général Major Evariste NDAYISHIMIYE aussi charismatique que Pierre NKURUNZIZA, Hon. Rwasa va tenir le coup et continuer tout le processus électoral. Comme il n’y a pas de fumée sans feu, ses déclarations injurieuses, diffamatoires voire de va-t’en guerre en ses débuts de campagne n’excluent pas cette possibilité déjà pressentie.
Devant cette réalité légale, son crédo de campagne est que je cite : « cette fois-ci, je ne me laisserai pas faire comme en 2010 et 2015 au cas où les élections seront truquées et que je les perds ». Pour un observateur avisé, le message est sans équivoque et laisse à penser que, en plus de sa casquette de combattant, Hon. Rwasa est, selon les termes empruntés de la citation de Mr. Francis Mariani, « un passionné de la politique quand il y a du sang et du danger ». Toutefois, il n’est jamais tard pour mieux faire. Si ce n’est pas une immaturité politique ou/et purement et simplement une hypocrisie politique, le fait de présager le pire alors que l’on est loin des décomptes des élections qui n’ont même pas encore commencé est malheureusement interprété par beaucoup comme un manque de confiance en soi et en ses engagements politiques en général. S’il croit réellement en ces élections qu’il emboîte le pas des autres candidats en laissant au moins le bénéfice du doute aux organisations et institutions légales de contrôle, de suivi et d’observations qui en jugeront la crédibilité.
En gros, le candidat du CNL à la magistrature suprême du pays, doit faire en sorte que, avant qu’il ne soit trop tard, certains extraits de ses discours de campagne ne soient plus perçus par l’opinion comme une incitation à la rébellion ou à la désobéissance civile. Enfin, considérant que l’issue pacifique de ces élections demeure l’ultime aspiration de l’ensemble de la communauté internationale en général et du peuple burundais en particulier, conscients de l’impact des violences électorales et post-électorales, il serait impérativement opportun que Hon. Rwasa se dissocie de certains membres de son parti qui, pendant cette campagne électorale chantent déjà la bravoure des insurgés et des putschistes de 2015, au risque d’avouer implicitement son rôle dans les événements de 2015.
Dr. Innocent BANO