L’intervention militaire britannique en Libye en 2011 était fondée sur des « postulats erronés », accusent des parlementaires du Royaume-Uni dans un rapport publié mercredi 14 septembre. La commission des affaires étrangères de Westminster a relevé plusieurs erreurs dans le processus décisionnel qui a amené Londres à intervenir militairement dans le pays aux côtés de la France, officiellement pour protéger les civils réprimés par Mouammar Kadhafi.

« [Le gouvernement britannique] n’a pas pu vérifier la menace réelle que le régime de Kadhafi faisait peser sur les civils ; il a pris au pied de la lettre, de manière sélective, certains éléments de la rhétorique de Mouammar Kadhafi ; et il a échoué à identifier les factions islamistes radicales au sein de la rébellion. »

La stratégie du Royaume-Uni dans ce dossier « fut fondée (…) sur une analyse partielle des preuves », insistent ces parlementaires. L’exécutif aurait pu privilégier d’autres options qui auraient mené à de meilleurs résultats, résume le président de la commission, Crispin Blunt.

« Un engagement politique aurait pu permettre de protéger la population, de changer et de réformer le régime à un coût moindre pour le Royaume-Uni et la Libye. Le Royaume-Uni n’aurait rien perdu en suivant ces pistes, au lieu de se focaliser exclusivement sur le changement de régime par des moyens militaires. »

David Cameron critiqué

L’ancien premier ministre conservateur en poste lors de cette affaire, David Cameron, est directement mis en cause dans le rapport. Il aurait aussi dû savoir que les islamistes radicaux allaient chercher à profiter de la rébellion, estiment les parlementaires. Selon eux, il n’existe d’ailleurs pas d’indication que la nature de l’insurrection ait été correctement analysée par Londres.

M. Cameron est donc « le responsable final de l’échec à développer une stratégie cohérente en Libye », jugent les députés. L’ancien locataire du 10 Downing Street n’a pas voulu témoigner devant la commission, évoquant « un emploi du temps chargé ».

D’autres acteurs politiques majeurs sont en revanche venus s’exprimer : l’ancien ministre de la défense Liam Fox et celui des affaires étrangères William Hague, ainsi que l’ancien premier ministre Tony Blair. Ce dernier a déclaré avoir joint par téléphone Mouammar Kadhafi en février 2011 pour tenter de le convaincre d’abandonner le pouvoir. « Nous n’avons pas vu d’éléments prouvant que le premier ministre d’alors, David Cameron, ait tenté d’exploiter les contacts de M. Blair », expliquent les députés dans leur rapport.

Sujet sensible aux Etats-Unis

Une demi-décennie après la chute et la mort de l’ancien maître de la Libye, le chaos continue de régner dans le pays, riche en pétrole, où le gouvernement d’union nationale soutenu par les Nations unies peine à asseoir son autorité sur l’ensemble du territoire depuis son installation en mars à Tripoli.

Mardi, les forces du gouvernement non reconnu, qui siège dans l’Est, se sont emparées du dernier des quatre terminaux du Croissant pétrolier, des installations cruciales pour l’économie du pays situées entre Benghazi et Syrte, une ville d’où les forces du GNA tentent depuis quatre mois de chasser le groupe djihadiste Etat islamique, qui en avait fait son bastion.

Le Monde.fr avec AFP et Reuters