Discours de S.E.M. l’Ambassadeur Albert SHINGIRO, Représentant Permanent du Burundi auprès des Nations Unies à l’occasion de la réunion de la configuration-Burundi de la Commission de Consolidation de la paix, New York
Monsieur le Président, je souhaite avant toute chose vous exprimer au nom de ma délégation mes sincères remerciements pour avoir bien voulu organiser cette réunion, qui est la première de l’année 2018, qui témoigne l’engagement permanent de la configuration à travers vous, dans l’accompagnement du Burundi dans son processus de consolidation de la paix, de réconciliation et du relèvement socio-économique.
Je salue la présence parmi nous par vidéoconférence de M. Garry Conille, coordinateur Résidant des Agences des Nations Unies au Burundi. Nous apprécions à juste titre le travail qu’il a déjà abattu en si peu de temps dans l’accompagnement du Burundi dans ses efforts de développement durable axé sur l’agenda 2030. Il peut toujours compter sur le soutien et l’entière coopération des autorités nationales.
Mes remerciements vont en outre à Monsieur Oscar Fernandez, sous-secrétaire général et Chef du Bureau d’appui à la consolidation de la paix, à Mme Ursula Muller, Représentant ici l’Office des Nations Unies de Coordination des Affaires Humanitaires (UNOCHA) et Mme Ninette Kelley qui représente le HRC pour leurs présentations très riches d’informations et surtout pour l’excellent travail de ces trois institutions spécialisées de l’ONU auprès des groupes vulnérables au Burundi.
Monsieur le Président, l’objet de mon intervention est de partager avec les distingués membres de cette configuration les nouveaux développements intervenus au Burundi dans quelques secteurs clés après notre dernière réunion du 8 de novembre 2017.
En ce concerne la situation sécuritaire : le constat sur le terrain depuis notre dernière réunion au mois de novembre 2017 est très positif. L’année 2017 a été globalement caractérisée par un bon état sécuritaire sur tout le territoire national. Les citoyens continuent de vaquer à leurs activités quotidiennes en toute quiétude et jouir pleinement de leurs droits politiques et civiques sans aucune entrave.
Il faut dire aussi que le fait de confier au Gouvernement du Burundi l’organisation et l’accueil du 20èmeSommet du Marché commun pour l’Afrique australe et orientale (COMESA) au mois d’avril cette année à Bujumbura constitue aussi un signe éloquent que la sous-région a confiance au Burundi sur le plan sécuritaire et organisationnel.
Sur le plan politique, après la clôture du processus de dialogue intérieur dans 18 provinces et 119 communes auquel plus de 26.000 burundais ont contribué, le dialogue inter burundais piloté par la communauté de l’Afrique de l’Est s’est poursuivi à Arusha en Tanzanie. A l’issue de la dernière session à se dérouler à l’étranger qui s’est tenue du 27 novembre au 8 décembre 2017 qui a regroupé les partis politiques agréés au Burundi, les principaux acteurs politiques, les groupes religieux, la société civile, les femmes et les médias, une convergence s’est dégagée sur presque la totalité des points de discussions, à l’exception de deux points relatifs à ce que certains ont appelé « dialogue avec les groupes armés disposés à renoncer la violence » ainsi que la libération des prisonniers politiques. A l’heure actuelle, ces deux points de divergences qui représentent moins de 10% des points qui étaient au menu ne peuvent pas justifier la tenue d’autres séances de dialogue à l’étranger. Même si la crise de 2015 n’existe plus, le dialogue au Burundi reste un exercice quasi-permanent qui fait partie du mode de gestion des affaires publiques et des malentendus politiques au sein de la classe politique. Le dialogue se poursuivra au Burundi afin de se conformer au principe de l’appropriation nationale et territoriale qui doit guider tout dialogue. L’objectif ultime de ce dernier étant l’adoption d’une feuille de route devant mener sur la tenue d’élections démocratiques, justes, libres et apaisées en 2020.
Aujourd’hui, le Burundi se prépare aux échéances électorales de 2020 et au référendum constitutionnel qui interviendra au mois de mai 2018 à une date qui sera fixée par la CENI. La priorité du Gouvernement est de cheminer à bon port ces deux grands rendez-vous électoraux en créant en amont un environnement propice à l’organisation des élections démocratiques, libres, transparentes et apaisées et surtout en mobilisant des ressources domestiques pour financer entièrement ces deux scrutins.
Pour ce qui est de la révision de la constitution, ma délégation souhaite rappeler que cet exercice vise la stabilité à long terme du Burundi par la sortie de la période transitoire de notre loi fondamentale du 18 mars 2005. Bien qu’il soit du ressort des Burundais, je voudrais partager avec vous en tant que partenaires privilégiés de notre pays, les détails du déroulement de ce processus à titre informatif.
En effet, pour bien conduire ce processus, il est donc impératif que le peuple burundais soit au courant du contenu de l’actuel projet de révision de la Constitution pour lui permettre d’opérer un choix conséquent et réfléchi sur ce qui lui est proposé. C’est pour répondre à cet objectif que les autorités nationales à tous les niveaux ont lancé une campagne d’explication des amendements proposés à travers tout le pays.
Les principales innovations sont en rapport avec la souveraineté et le patriotisme, les droits de l’homme, l’organisation de l’exercice du pouvoir, les finances publiques, l’intégration effective du Burundi au sein de la Communauté de l’Afrique de l’Est et les dispositions transitoires et finales.
Dans le but de raffermir la souveraineté du Burundi, une innovation dans le préambule du projet de constitution est indiquée en rapport avec l’attachement à la légalité constitutionnelle et aux institutions démocratiques en considérant que l’élection démocratique est le seul moyen par lequel le peuple choisit librement ses gouvernants et que le même peuple condamne tout mode non démocratique d’accession au pouvoir.
Au niveau substantiel, la Constitution révisée projette 292 articles alors que celle de 2005 est de constituée de 307 articles. De manière générale, les articles innovés sont ceux en lien direct avec l’organisation de l’exercice du pouvoir tandis que les articles maintenus sont ceux qui, à travers les valeurs démocratiques, garantissent la stabilité et la paix, la protection de l’opposition politique, la protection des droits de l’homme et des minorités, la protection de la souveraineté et l’autonomie des certains institutions.
En matière de l‘organisation et de l‘exercice du pouvoir, le projet de constitution apporte un changement majeur qui vise à corriger les tares et insuffisances du système présidentiel actuel en instituant le régime semi-présidentiel et semi-parlementaire avec l’existence d’un vice-président et d’un premier Ministre. L’autre changement majeur est l’année budgétaire qui débute au premier juillet et se clôture au 30 juin de l’année suivante en conformité avec le Traité constitutif de la Communauté de l’Afrique de l’Est.
Au sujet des quotas ethniques et de la limitation des mandats présidentiels prévus dans l’accord d’Arusha, les deux dispositions ont été maintenues comme telles dans le nouveau projet Constitution en cours de vulgarisation dans le pays.
En matière des droits de l’homme, malgré les défis qui restent à relever dont la plupart sont communs à tous les pays à des degrés divers, le Burundi a enregistré des avancées significatives aussi bien au point de vue normatif qu’institutionnel depuis quelques années.
Ainsi, sur le plan normatif, différents textes de Lois ont été promulgués et nous pouvons sans être exhaustif citer entre autres ceux se rapportant au code de procédure pénale en vigueur; la réglementation des réunions publiques et manifestations publiques ; le code électoral ; la création de la Cour Spéciale des Terres et Autres Biens ; la répression de la traite des personnes et protection des victimes de la traite ; la protection des victimes, des témoins et d’autres personnes en situation de risque ; la prévention, protection des victimes et répression des violences basées sur le genre et enfin la loi régissant la presse et celle portant cadre organique des associations sans but lucratif.
Du point de vue institutionnel, le Burundi reste très engagé à la protection des droits humains à travers plusieurs mécanismes nationaux existants dont la Commission nationale Indépendante des droits de l’homme, la Commission vérité et réconciliation, l’observatoire national pour la prévention et l’éradication du Génocide, crime de guerre et crime contre l’humanité et le Conseil de l’Unité nationale et réconciliation qui viennent d’être créés, l’arsenal juridique national qui a aboli la peine de mort ainsi que les nombreuses conventions internationales ratifiées par l’Etat Burundais dont notamment le Protocole facultatif à la Convention contre la torture mais également la Convention relative aux Droits des personnes vivant avec handicap et son protocole facultatif.
A tout ce paquet s’ajoute l’examen périodique universel accepté par tous et qui vient de recevoir le rapport national résumant les progrès déjà réalisés et défis qui restent à relever en matière des droits de l’homme lors sa 29ème séance où le Burundi était au programme le 18 janvier 2018 à Genève. Lors de cette séance, le Burundi a bien accueilli les recommandations constructives des Etats membres et regretté quelques-unes qui souffrent encore de surdose de politisation, de sélectivité et de double standard.
S’agissant de la liberté d’expression, il me plait de rappeler encore une fois que plus de 20 radios locales publiques et privées, 4 radios communautaires, 7 Radio-télévisions émettent sur le territoire du Burundi, 2 agences de presse locales, 24 journaux périodiques publics et privés, 17 sites internet, 12 associations et organes professionnels de la presse sont opérationnels. A ces radios privées s’ajoutent les radios internationales autorisées à émettre librement au Burundi sans aucune entrave.
Au chapitre des libertés de réunion, d’opinion, d’association et de religion, le Gouvernement a déjà agréé environ 7000 associations sans but lucratifs dont plus de 100 associations ont été agréées en 2016 et 2017. 15 Associations Sans But Lucratif qui étaient sous investigations depuis le coup d‘Etat manqué du 13 mai 2015 ont été autorisées de rouvrir.
Sur le plan de la réconciliation nationale, dans le souci de consolider la paix et la stabilité chèrement retrouvées et affermir la réconciliation nationale, le Président de la République S.E Pierre NKURUNZIZA, a annoncé, lors de son message à la Nation le 31 décembre 2017, la grâce présidentielle qui permettra autour de 2000 prisonniers regagner leurs familles. Cette mesure louable devrait être saluée par la Configuration.
En ce qui concerne le retour des réfugiés qui ont fui le pays en 2015, le Gouvernement du Burundi ne cesse de demander aux réfugiés de rentrer pour contribuer à l’édification d’un Burundi paisible, stable et prospère. Je rappelle que le 7ème Sommet des Chefs d’Etat de la Conférence internationale sur la Région des Grands Lacs qui s’est tenu au mois d’octobre l’an dernier à Brazzaville en République du Congo, a lancé un appel vibrant aux pays de la région qui ont accueilli les réfugiés burundais de faciliter leur retour volontaire au pays natal. Pour ceux qui, pour l’une ou l’autre raison, ne souhaiteraient pas retourner au pays, le Sommet a exhorté les pays d’accueil de les réinstaller loin des frontières communes conformément à la Convention de 1951 sur le statut des réfugiés. Il serait aussi extrêmement important que les pays hôtes qui ont accueilli généreusement les réfugiés burundais respectent le caractère civil des camps des réfugiés conformément aux prescrits de la même convention. Le paragraphe opérationnel 18 de la résolution 2389 (2017) du 8 décembre 2017 du Conseil de Sécurité abonde dans le même sens en rappelant aux Etats de la région les obligations qu’ils ont contractées au titre de la Convention de 1951 relative au Statut des réfugiés. Au paragraphe 6 de cette résolution, le Conseil de Sécurité demande à tous les Etats signataires de l’accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la région de redoubler d’efforts pour honorer pleinement et rapidement leurs engagements, en toute bonne foi, notamment ceux consistant à s’abstenir de toute ingérence dans les affaires intérieures des pays voisins, à ne pas tolérer de groupes armés ni à leur fournir une assistance ou un appui de quelque nature que ce soit et à ne pas héberger de criminels de guerre qui ont fui leur pays d’origine.
Aujourd’hui, grâce au retour de la paix et la sécurité, le mouvement de rapatriement volontaire continue à un rythme satisfaisant avec l’arrivée de plusieurs milliers de citoyens qui s’étaient réfugiés en Tanzanie. Plus de 000 Burundais se sont rapatriés eux-mêmes en 2016, plus de 68.000 jusqu’au 15 août 2017. Et plus 7.549 rapatriés officiellement après la réunion tripartite du 29 au 31 août 2017. Selon le planning de cette tripartite, au moins 13.000 burundais ont été rapatriés officiellement en provenance des pays limitrophes du Burundi au 31 décembre 2017 dépassant ainsi les 12.000 qui étaient attendus à cette date. De 2016 à la date d’aujourd’hui, plus de 215.000 Burundais sont déjà de retour au pays sur une base volontaire, certains avec l’assistance du HCR et d’autres qui regagnent directement leurs familles. Et pour 2018, le Burundi attend plus de 60.000 rapatriés en provenance de Tanzanie principalement. D’où la pertinence de tenir une réunion tripartite Burundi-HCR-Tanzanie au cours de ce premier trimestre pour une bonne préparation et coordination.
Pour ce qui est de la situation économique, malgré le contexte économique particulièrement difficile, le Gouvernement du Burundi essaye autant que faire se peut de promouvoir une croissance économique inclusive qui crée des opportunités pour toutes les catégories de la population et qui distribue les dividendes d’une prospérité, à la fois en termes monétaires et non monétaires de façon équitable dans l’ensemble des couches de la société burundaise. Ces efforts du Gouvernement viennent d’être reconnus à juste titre par une étude du Forum économique Mondial, « World Economic Forum » qui vient classer le Burundi en quatrième position des économies les plus inclusives en Afrique sub-saharienne après la Tanzanie, le Ghana et le Comeroun, selon l’Indice de développement inclusif 2018.
Sur le plan de la production agricole, il me plait de vous informer que la saison agricole 2018 A a été caractérisée par une excellente production agricole des cultures vivrières ; ce qui a fait que ces dernières soient disponibles et accessibles en abondance à des prix bas sur les marchés locaux. Cette bonne production agricole qui a été rendue possible grâce à la distribution massive d’intrants agricoles et d’engrais aux agriculteurs, éloigne le Burundi, du moins dans l’immédiat, des risques de famines et disettes généralisées dans le pays.
Au niveau de la création d’emplois, au Guichet unique de création des sociétés en 2017, l’Agence de promotion des investissements (API) a enregistré en 2017, 2.289 entreprises qui comptent créer environ 20.000 emplois en 2018. Le Nombre de sociétés créées a connu une augmentation de 5,3%, tandis que les prévisions d’emplois ont connu une croissance de 10,6%.
Sur le plan budgétaire, le Gouvernement a préparé le projet de budget de l’Exercice 2018 dans un contexte économique marquée par une reprise modérée de l’économie et la poursuite de la politique budgétaire prudente et d’austérité dans la gestion du budget de l’Etat au cours de l’exercice budgétaire 2018.
Selon les hypothèses macroéconomiques et budgétaires pour cette année 2018, le taux d’indépendance budgétaire est estimé à 81,2%. Mais cela ne signifie pas que le Burundi veut se départir totalement des appuis extérieurs. Ma délégation saisit d’ailleurs cette occasion pour réitérer l’appel de l’UA à la levée des sanctions budgétaires unilatérales qui pèsent sur les pays africains dont le Burundi. Ceci rejoint l’appel du Conseil de sécurité à la reprise du dialogue entre le Burundi et ses partenaires en vue de la reprise de la coopération. Il est clair que les sanctions prises par certains partenaires contre le Burundi constituent un obstacle majeur à l’atteinte des objectifs de développement durable d’ici 2030. La levée de ces mesures unilatérales pourrait par ailleurs participer à la création d’un environnement propice à la tenue des élections libres, démocratiques et apaisées en 2020.
Au niveau de la planification économique à long terme, le Gouvernement du Burundi est dans sa dernière étape de finalisation de son Plan National de Développement 2018-2027, un outil qui servira d’orientations stratégiques et qui va sous-tendre tous les politiques et les plans d’actions de tous les secteurs de développement socio-économique dans l’objectif global d’opérer une transformation structurelle de l’économie burundaise pour une croissance forte, durable, résiliente, inclusive et créatrice d’emplois décents pour tous, vecteur de l’amélioration du bien-être social. J’en appelle à la solidarité de nos partenaires, traditionnels et non traditionnels pour appuyer ce plan ambitieux et essentiel dans le processus de mise en œuvre de l’agenda de développement durable 2030.
En ce qui concerne la coopération avec les Nations Unies pour conclure, le projet d’accord de coopération avec le Bureau du Haut-commissariat aux droits de l’homme est en cours de discussions entre les deux parties et se trouve à sa phase finale. Nous attendons les nouvelles dates de discussions de la part de Genève pour finaliser enfin le texte. Il en est de même pour le Bureau de l’Envoyé spécial du SG, les deux parties ont déjà désigné des équipes ad hoc pour négocier et finaliser l’accord de coopération.
Monsieur le Président, tels sont les points saillants que ma délégation souhaitait partager avec la configuration à ce state du débat.