Réalisé par Rénovat Ndabashinze, Abbas Mbazumutima, Hervé Mugisha et Alphonse Yikeze
« Les choses avancent dans le bon sens entre nos deux pays et la clé de voûte sera une rencontre entre les deux chefs d’Etat et c’est sous peu », a laissé entendre une source digne de foi après une audience accordée par le chef de l’Etat rwandais Paul Kagame à une délégation burundaise, lundi 10 janvier.
A la tête de cette mission du président Ndayishimiye, l’Ambassadeur Ezéchiel Nibigira, ancien chef de la Ligue des jeunes Imbonerakure, ex-chef de la diplomatie burundaise, l’actuel ministre des Affaires de la Communauté Est-Africaine, de la Jeunesse, des Sports et de la Culture.
Il est accompagné par le Général de Brigade Silas-Pacifique Nsaguye, le nouveau chef de service chargé du Renseignement militaire à l’Etat-major général de la Force de Défense nationale et de Mme Laurentine Kanyana, ex-ministre de la Justice et actuellement chef de cabinet civil adjoint du président de la République.
L’équipe est porteuse d’un message : « Promouvoir les relations bilatérales et renforcer les liens historiques entre les deux pays », fait savoir le compte Twitter du ministère chargé des Affaires de la Communauté Est-Africaine, postant les mêmes photos que celles de la Présidence rwandaise. Sur le compte twitter de la présidence de la République rwandaise, Urugwiro Village va annoncer de son côté que l’objectif de cette audience est de renforcer les relations bilatérales.
Espoir du Rwanda
« S’il y a eu des problèmes, de brouille des relations, il y a moyen d’en discuter de la base au sommet. C’est via le dialogue que ces problèmes peuvent être résolus », a déclaré Alain Bernard Mukuralinda, porte-parole du gouvernement rwandais sur la radio BBC, ce mardi 11 janvier.
Il a rappelé que les liens d’amitié entre le Burundi et le Rwanda sont très forts et anciens plus que tout autre problème pouvant surgir.
Interrogé sur le contenu des échanges entre le président Paul Kagame et la délégation burundaise, il s’est gardé de trop commenter : « Globalement, c’était autour des relations entre le Rwanda et le Burundi et leur renforcement. »
Revenant sur les frontières toujours fermées, il a indiqué que leur réouverture est un processus. Il a souligné qu’elles ne sont pas totalement fermées : « Si on parle de fermeture, cela ne signifie pas qu’il y a des militaires, des policiers de part et d’autre pour empêcher les gens de franchir. Des officiels se rencontrent après avoir traversé les frontières. »
Sur les points d’achoppement comme l’extradition des présumés putschistes au Burundi, les Interahamwe, … M. Mukuralinda a souligné que tous ces dossiers font objet de dialogue : « Ce qui me réjouit, c’est que tous les moyens sont là pour en discuter. Et j’espère que la solution sera trouvée. »
Des gestes d’ouverture de part et d’autre
La rencontre de ce lundi vient après d’autres actions allant dans le sens d’ouverture entre les deux pays.
Lundi 25 octobre 2021. Les gouverneurs des provinces de l’est et du sud du Rwanda et ceux de Kirundo et de Muyinga au nord-est Burundi se sont rencontrés au poste frontalier de Gasenyi-Nemba, province de Kirundo.
A la tête de la délégation burundaise se trouvait Albert Hatungimana, gouverneur de Kirundo accompagné par Jean-Claude Barutwanayo, gouverneur de Muyinga. De l’autre côté de la Kanyaru, il y avait Emmanuel Gasana, gouverneur de la province de l’Est accompagné de Mme Alice Kayitesi, gouverneur du Sud. Les administrateurs communaux (Busoni, Ntega, Kirundo, Bugabira, Giteranyi, Bwambarangwe) et les responsables rwandais de districts frontaliers, ceux des services de force de défenses et de sécurité, les services de santé et migration étaient aussi présents.
« L’objet de la rencontre était d’évaluer ensemble l’état de sécurité sur la frontière (maritime et terrestre) et une prise de contact entre les administratifs provinciaux et communaux. C’était aussi pour échanger sur la fraude à la frontière et renforcer la communication entre nous », a indiqué Albert Hatungimana, gouverneur de Kirundo.
Le 15 octobre 2021. Une autre rencontre a eu lieu à la frontière burundaise rwandaise de Ruhwa. La délégation burundaise était pilotée par Carême Bizoza, gouverneur de Cibitoke et celle du Rwanda avait à la tête le gouverneur de l’Ouest. Les deux parties ont noté une amélioration de la situation sécuritaire sur la frontière commune et ont souhaité une reprise des échanges commerciaux. « Nous sommes tous très convaincus qu’il est grand temps de favoriser la libre circulation sur nos frontières », avait déclaré François Habitegeko, gouverneur de l’ouest du Rwanda. Ils se sont mis d’accord sur l’organisation des rencontres trimestrielles.
Le 6 août de la même année, c’était le tour du gouverneur de Kayanza de rencontrer son homologue de la frontière de la province du sud du Rwanda, à la frontière de Kabarore-Nshili.
Le 19 octobre 2021. Les autorités burundaises ont remis onze présumés combattants du Front national de libération (FLN), aux autorités rwandaises essentiellement composées d’officiers de l’armée. Une remise faite en présence du Mécanisme conjoint de vérification élargi (MCVE) un organe de la Conférence Internationale sur la Région des Grands-Lacs (CIRGL), de l’Union africaine (UA), de l’ONU, etc, à la frontière burundo-rwandaise de Gasenyi-Nemba dans la province de Kirundo, au nord du Burundi. Des fusils, des munitions et autres matériels militaires ont été remis à Kigali.
Et au mois de juillet, les autorités rwandaises avaient remis, à leur tour, 19 présumés rebelles soupçonnés d’avoir mené une attaque meurtrière dans le nord du pays, en septembre 2020.
Des discours apaisants
Le 1er juillet 2021, lors de la célébration du 59ème anniversaire de l’indépendance du Burundi, le 1er ministre rwandais Edouard Ngirente était parmi les invités de marque.
Invité à prendre la parole, le chef du gouvernement rwandais a déclaré : « Le moment est venu pour le Burundi et le Rwanda de s’appuyer sur les fondements solides de nos liens historiques et culturels afin de parvenir à la prospérité et au développement durable. Je suis convaincu que nous sommes tous prêts à travailler pour la consolidation et la promotion des relations existantes d’amitié et de coopération au profit de nos deux peuples. »
Et au président Evariste Ndayishimiye de répondre à cette même occasion : « Nous sommes prêts à ouvrir un nouveau chapitre et à enterrer la hache de guerre entre le Burundi et le Rwanda et nous sommes prêts à travailler avec le Rwanda. » Il a même ajouté que les Rwandais et les Burundais n’ont pas besoin de médiateur pour se réconcilier : « Si vous le voyez bien, pour les Burundais, votre visite ici c’est comme un miracle, surtout qu’on venait de passer des jours à nous taquiner. Cette visite a un sens, une signification. Il y a un livre que nous Rwandais et Burundais avions passé des jours à écrire. Il est temps qu’on l’ouvre et le lise ensemble, puis on va le fermer et en ouvrir un nouveau. Dis au président Paul Kagame qu’on a apprécié cette visite et qu’elle nous donne un espoir ».
Quelques mois après, le président rwandais Paul Kagame va lui aussi manifester cette volonté d’apaisement: « Nous sommes sur le bon chemin. Avec le Burundi, nous voulons améliorer nos relations, et le Burundi manifeste cette volonté, d’après ce que nous avons entendu et vu. Nos ministres et les responsables de la sécurité continuent de se rencontrer », a déclaré, le président Paul Kagame, dans une conférence de presse, du 5 septembre 2021, à Kigali.
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Agathon Rwasa : « Historiquement, le Rwanda est comme le jumeau du Burundi.»
Pour Agathon Rwasa, président du parti Cnl, il faut situer cette visite de la délégation burundaise à Kigali dans la logique du régime actuel. Il rappelle d’ailleurs que dans son discours d’investiture, le président Ndayishimiye avait bien précisé qu’il allait suivre les programmes de ses concurrents durant les élections de 2020. M.Rwasa indique que ces derniers avaient toujours dit qu’on devrait se hâter de renouer les relations avec les partenaires, les voisins et la Communauté internationale : « Je trouve que le président Ndayishimiye juge bon de normaliser les relations avec son voisin du nord. »
D’ailleurs, il estime qu’il serait incompréhensible que le Burundi soit en bons termes avec la RDC, la Tanzanie, l’Ouganda, le Kenya excepté le Rwanda. D’après lui, historiquement, le Rwanda est comme le jumeau du Burundi.
M. Rwasa pense que les évènements de l’est de la RDC ont accéléré le processus de rapprochement entre Kigali et Gitega.
En effet, explique-t-il, que ce soit le Burundi, l’Ouganda, le Rwanda, les autorités ont toujours dit que les rebelles seraient basés dans l’est de la RDC. « Avec les derniers développements l’Ouganda a noué des contacts avec les FARDC pour traquer les ADF, le Rwanda dit avoir pris notes et observe la situation, je risque de croire que le Burundi a été tenté de ne pas manquer à ce rendez-vous. »
Et de s’interroger : « Si jamais le Rwanda obtenait un accord du même type que celui entre l’Ouganda et RDC, qu’en serait-il du Burundi ? Et si nos armées devaient se retrouver sur un même territoire sans qu’il n’y ait pas quelque chose qui atténue les tensions entre nos deux pays depuis 2015, qu’adviendrait-il ? »
Selon M. Rwasa, vu l’importante délégation burundaise qui a rencontré le chef de l’Etat rwandais, principalement des proches du président Ndayishimiye, ‘’la prochaine rencontre s’effectuera entre les deux présidents’’.
L’économie influence aussi ce processus de rapprochement. Ici, Agathon Rwasa revient sur les conséquences socio-économiques des mauvaises relations entre Kigali et Gitega : « Les échanges commerciaux entre nos deux pays, si intenses avant la crise diplomatique, ne l’étaient plus. Sans parler de nos deux peuples frontaliers qui se rendaient mutuellement visite avec une particularité liée au fait que de nombreux Rwandais ont vécu au Burundi durant des décennies … »
Concernant les points d’achoppement dans les négociations entre les deux pays, notamment la demande de Gitega de remise des présumés putschistes de 2015, il pointe une disproportion entre les requêtes formulées : « Oui Gitega exige leur remise, mais Kigali accuse à son tour Gitega d’héberger des Interahamwe et autres FDLR. Ce n’est pas anodin. Le Rwanda, contrairement à Gitega, peut invoquer la protection internationale qui leur est accordée pour justifier son refus d’extradition. »
Abdul Kassim : « C’est une bonne nouvelle.»
« Au niveau du parti Upd-Zigamibanga, nous avons été très contents de la rencontre de la délégation burundaise avec le président Paul Kagame. C’est une bonne nouvelle pour notre parti, tout le peuple burundais. Je ne doute pas aussi que les Rwandais soient contents », confie Abdul Kassim, président de ce parti.
D’après lui, les relations entre le Rwanda et le Burundi devraient être des relations de bon voisinage, de fraternité. Il demande aux deux chefs d’Etats de se rencontrer physiquement. « Ce qui serait un pas de plus pour cimenter les relations entre Kigali et Gitega. Nous attendons aussi que les frontières terrestres puissent être rouvertes. Afin de permettre aux deux peuples de reprendre les échanges commerciaux, les visites familiales, etc. »
Tatien Sibomana : « Personne ne gagne à ce que nos relations restent tendues.»
« Nous avons accueilli cette rencontre de façon positive », réagit, à son tour, Tatien Sibomana, un homme politique de l’opposition. Il estime que les deux pays ont intérêt à avoir de bonnes relations. « Ce qui profite aux deux peuples. Je dois le dire sans ambages, ni les Burundais, ni les rwandais, personne ne gagne à ce que nos relations restent tendues »
Ici, il donne l’exemple des agriculteurs de Cibitoke qui écoulent leurs tomates au-delà de la frontière, les mandarines de Rumonge très appréciées au Rwanda, les poissons du lac Tanganyika, etc. « Des preuves qu’avec ces mauvaises relations, les Burundais ont perdu un marché. Et vice-versa. Car, les Rwandais ne pouvaient pas se procurer facilement de ce genre des produits. »
M.Sibomana ajoute que le Burundi et le Rwanda partagent beaucoup de choses à travers les organisations sous régionales. Cas de la CEA, CEPGL, CEAC, etc. « Vous savez que quand des fora de ces organisations se passaient à Kigali, les Burundais n’étaient pas autorisés à y participer. Et vice-versa. Donc, il y a une perte qui risque même de porter préjudice au fonctionnement de ces organisations. »
Il évoque aussi des projets en veilleuse à cause de cette brouille : « S’il y a moyen de réchauffer les relations, ce sera sans doute au profit de nos deux pays, de leurs populations et de la sous-région. Le président Ndayishimiye avait promis que la page allait être tournée », conclut M. Sibomana
Kefa Nibizi : « Nous saluons toute initiative de rapprochement.»
Pour sa part, Kefa Nibizi, président du parti Frodebu Iragi rya Ndadaye indique que sa formation politique salue toujours toute initiative. « C’est très important nécessaire que les pays entretiennent de bonnes relations surtout quand ils partagent les frontières et certains traits culturels. »
Une fois le réchauffement réussi, il ne doute pas que cela va raviver les échanges commerciaux qui étaient très fructueux avant 2015.
Il ne doute pas que cela va aussi faciliter le retour des réfugiés burundais se trouvant au Rwanda. « Nous demandons aux deux parties de faire des échanges francs et sincères afin que la situation se renormalise dans l’intérêt de deux pays. »
Gabriel Banzawitonde : « Nous espérons que le Rwanda va faire de même.»
Pour le parti APDR, c’est une très bonne nouvelle : « Nous avons bien accueilli cette rencontre d’une délégation burundaise avec le président rwandais Paul Kagame. Nous espérons que le Rwanda va faire de même », réagit Gabriel Banzawitonde, président de ce parti proche du pouvoir.
Pour lui, le plus urgent est la réouverture des frontières afin que les échanges commerciaux reprennent. Aussi, il espère voir nos deux chefs d’Etat se rencontrer physiquement pour mettre fin à ces mauvaises relations.
L’impatience des populations
Des Burundais et des Rwandais se disent très impatients de revoir leurs pays se réconcilier. « Ce serait une journée inoubliable. On n’y croit pas. Ce serait un miracle », réagit une Rwandaise, contactée par téléphone.
Pour elle, cette situation de méfiance a trop duré. « J’essaie d’imaginer ce jour où nous aurions droit de traverser la frontière pour venir au Burundi savourer la fraîcheur au bord du lac Tanganyika, manger le Mukeke, etc. Bujumbura nous manque énormément. »
Avec ces mauvaises relations, une autre jeune femme de Kigali confie qu’elle n’a pas pu rendre visite à ses amis d’enfance, à Gihanga. « C’est très touchant. On se parle sur téléphone, mais la nostalgie reste. Que les choses s’accélèrent pour que je retrouve ma région d’enfance. »
Et I.K., un commerçant des vêtements à Kigali, d’ajouter que ce sera l’occasion de venir s’approvisionner : « On n’a plus le droit d’aller en Ouganda. Si les frontières sont de nouveau ouvertes, on pourra venir à Bujumbura. » Il pense aussi aux brochettes de chèvres : « C’était vraiment très délicieux. J’ai hâte de me régaler avec mes amis burundais. »
Les Burundais abondent dans le même sens. « C’est vraiment important pour nous. Cette rencontre inspire confiance que les choses vont bientôt revenir dans l’ordre », confie un commerçant burundais croisé au centre-ville de Bujumbura.
Il se souvient que beaucoup des Rwandais tenaient des grands magasins à Bujumbura. Par ailleurs, il dit ne pas comprendre comment un malentendu entre deux peuples qui parlent presque la même langue peut durer des années. « En tout cas, c’est le bas peuple qui est très affecté. Ni les Rwandais ni les Burundais ne profitent de cette situation».
Ce qui transparaît dans les témoignages recueillis au nord du pays. « Avant la crise de 2015, on pouvait traverser facilement le lac Rweru pour aller travailler au Rwanda ou rendre visite à des amis rwandais. Beaucoup de tonnes de haricot passaient par le Rweru vers le Rwanda ou vice-versa », raconte un habitant de Nyagisozi, colline riveraine du lac Rweru. Il déplore qu’aujourd’hui, les Burundais ne puissent pas se rendre au Rwanda : « Il y a des amis, nos belles familles, etc. Le Rwanda nous manque énormément. Nous espérons que très prochainement, ce sera la rencontre entre notre président et celui du Rwanda afin d’ouvrir les frontières. »
Un autre habitant du chef-lieu de la province Kirundo signale qu’avant 2015, les Burundais n’avaient pas besoin de laissez-passer pour se rendre au Rwanda. « Les Rwandais apprécient beaucoup les produits Brarudi, les Ndagala, etc. » De côté burundais, il ajoute que les transporteurs gagnaient beaucoup d’argent. « Car, le trafic était très intense à la frontière. En tout cas, la réouverture des frontières serait une très bonne nouvelle pour les Burundais et les Rwandais. »
En attendant la poignée de main…
Révolu le temps de la communication entre le Burundi et le Rwanda par des canaux interposés. Cette fois-ci, c’est le président rwandais en personne qui a reçu en tête à tête la délégation burundaise. Un moment de réjouissance sans doute, parce qu’au sortir de l’entrevue, c’est le chef d’Etat rwandais en personne via son compte Instagram, qui poste la photo avec les membres de la délégation burundaise.
Quid de la délégation burundaise ? Que des hommes du sérail présidentiel! Parmi eux, Mme Laurentine Kanyana, chef de cabinet adjoint, général Silas-Pacifique Nsaguye, le chargé des renseignements à la présidence de la République. « Un déplacement qui ne peut que témoigner de l’importance du message dont ces gens étaient porteurs», glisse un expert de la sous-région des Grand-lacs sous couvert d’anonymat, qui ajoute : « Quand des personnalités pareilles font le déplacement, elles ne doivent qu’être en train de préparer le terrain dans les moindres détails pour une visite en vue. »
Et de renchérir : « Peut-être que sous peu, on pourrait assister à cette poignée de main entre les deux présidents scellant enfin cette reprise de coopération entre le Rwanda et le Burundi. »
Au vu des desiderata de Gitega, il y a une année, une situation que d’aucun n’envisageait pas. Et depuis, que du chemin parcouru! Le gros des questions litigieuses (retour des réfugiés, fermeture des radios des opposants opérant du Rwanda, l’extradition de présumés auteurs du putsch du 13 mai 2015, idem pour les rebelles du Red-Tabara, etc.) semblent avoir trouvé une solution.
Ce diplomate fait savoir que c’est désormais à Gitega de montrer sa bonne foi. Un mécanisme en cours. A travers les actions de différentes autorités, notamment les gouverneurs déterminés à combattre les bandits armés attaquant le Rwanda via le Burundi, c’est un nouveau chapitre qui est en train de s’écrire.
« Une fenêtre d’ouverture qu’en aucune manière Kigali ne doit manquer compte tenu principalement de l’actuelle configuration géopolitique de la sous-région des Grand- lacs », explique-t-il.
Selon lui, les raisons seraient qu’avec le différend qui l’oppose à l’Ouganda, lequel à ses yeux n’est pas près de se vider, Kigali a intérêt à montrer à la communauté internationale qu’il n’est pas cet enfant terrible tant décrié.
Autre élément qui concourt à cette reprise de coopération pour le Burundi, analyse notre source, le président Ndayishimiye qui s’apprête à assurer la présidence de l’EAC.
« Je doute qu’il puisse s’acquitter de ses responsabilités, étant encore en conflit avec le Rwanda ».
Autre raison, non des moindres qui concourt à ce rapprochement : la prochaine entrée de la RDC dans la communauté de l’Afrique de l’Est.
« En plus de l’étendue de son marché, la géopolitique actuelle de la sous-région des Grands Lacs fait que les trois pays (la RDC, le Burundi et le Rwanda) ont intérêt à collaborer. Allusion faite aux forces étatiques et non étatiques qui y opèrent pour déstabiliser le pouvoir en place dans ces trois pays ».
Eclairage/ Pascal Niyonizigiye : « On n’attendra certainement pas la fin des divergences entre nos deux pays »
L’appartenance du Burundi et du Rwanda à plusieurs organisations régionales est l’une des motivations du processus de rapprochement entre les deux pays, selon Pascal Niyonizigiye, professeur d’université et spécialiste en relations internationales. Entretien.
Une délégation burundaise a rencontré le président Paul Kagame, à Kigali, ce lundi 10 janvier. Votre commentaire.
C’est un pas de plus dans le réchauffement des relations entre nos deux pays. Il y avait déjà eu pas mal de rencontres jusque-là. Il y a eu des rencontres entre les hauts officiers de l’armée, ceux chargés du renseignement militaire, différentes autorités territoriales, la venue du Premier ministre rwandais à l’occasion du 59ème anniversaire de l’indépendance le 1er juillet dernier dont il faut souligner l’importance symbolique qu’elle revêtait …
Tout ceci, avec la récente visite de la délégation emmenée par le ministre en charge des affaires de l’EAC au président Kagame, nous montre que nous sommes à une étape décisive du rétablissement de rapports normaux entre le Burundi et le Rwanda.
Cette visite présage-t-elle une rencontre entre le président Ndayishimiye et son homologue rwandais ?
Avec les rencontres préliminaires entre diverses autorités qui ont déjà eu lieu, il y a lieu de penser que les deux chefs d’Etat vont bientôt se rencontrer. On ne peut pas savoir exactement quand, mais ladite rencontre sera sans doute annoncée dans les plus brefs délais.
Entre autres points d’achoppement, Gitega qui réclame la remise des présumés putschistes de 2015 et le Rwanda, de son côté, qui accuse Gitega d’héberger des rebelles du groupe FDLR et des Interahamwe. Votre réaction.
Quand les autorités des deux pays se rencontrent, elles évoquent naturellement les différends qui opposent nos deux nations. Mais on n’attendra certainement pas la fin des divergences entre nos deux pays pour bâtir à nouveau des relations normales. Il y a certainement des problèmes liés à la sécurité et à l’histoire des relations entre les deux pays surtout depuis 2015.
Les autorités de nos deux pays vont essayer de trouver des solutions à ces problèmes, mais il y a des préalables parce que le Burundi et le Rwanda font partie de la communauté internationale. Ce sont des pays qui sont membres de plusieurs organisations régionales, en l’occurrence la Communauté est africaine. La dernière visite du ministre chargé des Affaires de la communauté africaine est d’ailleurs éloquente sur ce point.
Nos deux pays sont membres de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs et bien d’autres organisations, donc, ce qui fait que les autorités des deux pays se rencontrent et décident d’engager des pourparlers pour trouver des solutions aux problèmes qui les opposent.
Mais je crois que les diverses organisations dont les deux pays sont membres vont nous appuyer dans la résolution de tous ces problèmes là parce que ce sont des questions qui ne peuvent pas se traiter d’une manière simpliste. Il faut notamment se baser sur le droit et les grandes conventions internationales.
La présidence annoncée de la communauté est africaine par le président Evariste Ndayishimiye n’accélère-t-elle pas la volonté de Gitega de se réconcilier avec son voisin du nord ?
Sans doute. Mais même en dehors de l’exercice de la présidence de l’EAC par le chef de l’Etat burundais, nos pays ont absolument besoin de renouer leurs rapports traditionnels. Pas seulement au niveau des sommets d’Etats, mais même à l’échelle des citoyens des deux pays, le désir d’un retour à des liens normaux entre le Burundi et le Rwanda se fait de plus en plus sentir.
La réhabilitation des liens entre nos deux pays ferait la joie des cadres, des hommes d’affaires et favoriserait le retour des échanges universitaires. Faut-il rappeler par la même occasion que nos deux pays ont des liens multiséculaires ? Certes, nous pouvons espérer qu’une fois à la tête de l’EAC, le président burundais mettra de l’énergie à faciliter la reprise des relations entre les deux pays, mais même du côté des populations, le retour à des liens normaux entre les deux Etats s’impose.
Source: Iwacu