C’était à partir du 28 avril 1972, sous le régime dictatorial qu’incarnait fièrement le parti-Etat « UPRONA » que le drame se jouait, l’hécatombe. Tout a été dit, néanmoins les membres actuels de ce parti devraient moralement reconnaître et assumer la responsabilité qui est la leur quant aux conséquences de ce drame qui a fait plus de 300.000 morts hutu en 1972. Ce massacre n’a toutefois pas encore été qualifié formellement de «génocide».
Le minimum comme un geste de grandeur ce parti pourrait, d’ores et déjà, sortir une déclaration en vue de présenter ses excuses et ses condoléances aux familles des victimes. Il faut crever l’abcès.
Mais si il y a excuses, il faut n’oublier personne, que la lumière soit faite sur le massacre, tout étaler et dire toutes les vérités, et ce ne sera pas facile, il y a encore des blessures ouvertes, de part et d’autre. « Le mal qui est dans le monde vient presque toujours de l’ignorance, et la bonne volonté peut faire autant de dégâts que la méchanceté, si elle n’est pas éclairée. » Albert Camus. Les blessures du génocide n’ont pas été cicatrisées. Même si cette déclaration ne serait pas suffisante, cette étape est nécessaire car elle constituerait un désaveu pour le clan des menteurs et un gage de paix pour tous et la guérison des esprits, car la banalisation par laquelle certains évoquent encore aujourd’hui ce génocide et s’en font la caisse de résonance pour les négationnistes, ne cesse d’aviver les rancœurs et les souffrances pour les rescapés et pour les familles éprouvées.
Chaque heure et chaque jour. Pour vivre nos promesses. Sans nulle autre richesse. Que d’y croire toujours, pour meubler de merveilles. Quand on n’a que l’amour. À offrir en prière. Pour les maux de la terre. En simple troubadour (jacques Brel). Le droit à la vie que nous revendiquons joint à une véritable liberté d’être, nait de notre volonté d’en faire l’expérience. Personne ne peut nous en donner la permission. Le chemin qui mène à la liberté se creuse en soi. Nous avons traversé en 1972 un événement dramatique que nous avons tous personnellement vécu à notre façon. Un des témoignages : A l’Ecole moyenne pédagogique de Musenyi dirigée par les frères de Notre Dame de la Miséricorde, arrestation du frère BAKAME Louis le 4 mai ; 2 jours après arrestations des professeurs : Apollinaire dit Ndimburo, Jean le professeur de mathématiques, Jérôme, le frère Bernard, le frère Joseph NGENDABANYIKWA notre professeur de musique et d’autres. Bref tous les professeurs Hutu sont successivement arrêtés et conduit à la prison de Ngozi par le commandant BIZOZA Joseph. Il était accompagné par l’administrateur de la commune Tangara, un jeune Tutsi virulent, bien connu à l’époque pour son excès de zèle dans le massacre des hutu en 1972. L’autre personnage clef dans cette arrestation était le professeur MPANGAJE, préfet des études, originaire de Bururi. Avaient-ils commis un délit ? Nous posions cette question et nous n’avons jamais eu de réponse. Les rumeurs diffusées pour justifier l’injustifiable étaient soit qu’ils avaient eu de l’argent de la part des royalistes pour soutenir l’insurrection suite au retour forcé au Burundi du Mwami NtareV emprisonné à Gitega vers la fin du mois d’avril qui correspondait au début du génocide de 1972, soit qu’ils avaient soutenu la rébellion Hutu de Rumonge où des tutsi avaient été massacrés ces mois d’avril 1972. C’était après le passage de Monsieur YANDA qui avait prononcé dans la région un discours de haine ethnique pour dresser les uns contre les autres ainsi justifier la répression aveugle qui allait suivre non seulement à Rumonge mais dans tout le pays… Nous vivons actuellement de grands changements. Pour certains, il y a comme un air de légèreté qui se déploie, une ode à la Vie qui s’éveille et s’anime. Les voiles sombres se sont envolés. La lumière intérieure peut ainsi illuminer l’être et transmettre sa fluidité. On sent bien que les choses ont changé, qu’il se passe quelque chose. Rien ne sera plus comme avant. Un pas supplémentaire dans la conscience est franchi. Rien n’est à sa fin mais au renouveau de la vie en chacun. Un renouveau formulé par une intuition plus affinée, par une sensibilité accrue, par un état d’être plus serein, par une ouverture aux autres encore plus grande, par un placement nouveau. Certains franchissent de grands caps. Il est évident que chacun avance à son rythme. Pour d’autres, les peurs remontent encore. Elles sont encore bien ancrées et les mémoires du passé reviennent pour être transmutées par le cœur. C’est un passage obligé que nous vivons actuellement, un passage vers la lumière… D’autres encore sont perdus et ne savent où aller. Ils ne savent pas comment faire pour avancer. Ils ont encore des attentes extérieures… Ceux qui recherchent leur chemin à l’extérieur n’ont pas encore compris qu’ils ont déjà tout en eux. Lorsqu’ils se connecteront à leur centre et se nourriront de ses énergies, ils sauront où aller et ce qu’ils ont à faire. Nous ne pouvons œuvrer pour les autres si l’œuvre intérieure n’est pas en marche et conscientisé. Tout se vit à l’intérieur de soi, les connaissances et les techniques apprises y compris. L’être doit intégrer ce qu’il sait pour avancer sur son chemin. Dans le cas contraire, les leçons restent au niveau du mental et ne sont pas vécues dans le cœur. Actuellement, il est important de rester bien centré et bien ancré. Nous ne devons pas nous laisser déstabiliser par notre mental ou notre émotionnel. Les passages imposés peuvent être mieux « digérés ». Il suffit pour cela d’élargir son regard sur la vie pour vivre la joie qui résonne à l’intérieur de soi, s’en nourrir pour élever ses vibrations et lâcher ce qui doit l’être. Pour d’autres, qu’il est difficile de renverser les croyances et les limites si longtemps ancrées en soi ! De l’intérieur du pays ou de la diaspora, mobilisons-nous ; mettons plus d’énergie et de moyens dans cette bataille contre la mort, l’oubli et le déni de justice. Les victimes de l’hécatombe de 1972 attendent un mot, un geste, un coup de main dans cette lutte pour la renaissance de l’âme burundaise. Agissons pour que cette plaie, cette gangrène nationale cesse d’être une pierre d’achoppement des efforts de reconstruction et de réconciliation nationale. Mobilisons-nous pour toutes les victimes des barbaries burundaises depuis la veille de l’indépendance jusqu’à celles d’aujourd’hui conséquence des calculs mesquins des politiciens sans scrupules. Quarante ans plus tard, il y a encore au Burundi des cadavres non identifiés dans les fausses communes et trop de disparus. Cette malédiction réclame une prise de conscience: le droit de dire nom. Ruvyogo Michel |