Cassation et Annulation des jugements rendus par les Conseils de guerre en mai 1972
La Cour suprême siégeant en chambre de cassation à Bujumbura a, dans son audience publique du 28 avril 2023, prononcé un arrêt qui casse et annule les jugements rendus par le Conseil de guerre de Gitega en dates du 6,7,9,10 et 11 mai 1972 et le Conseil de guerre de Bujumbura en date 6 mai 1972.

Dans ce même arrêt la cour suprême décharge la mémoire des condamnés des condamnations prononcées contre eux et décide que tous les actes posés dans le cadre de ces jugements soient annulés ainsi que tous les effets qu’ils ont produits.

La Cour suprême, chambre de cassation a rendu cet arrêt après avoir mis en délibéré le 24 avril 2023, une requête enregistrée au greffe de la cour le 13 avril 2023 dans laquelle le ministère public a saisi la Cour suprême pour demander cassation et annulation des jugements rendus par le Conseil de guerre de Gitega en dates du 6,7,9,10 et 11 mai 1972 et le Conseil de guerre de Bujumbura en date 6 mai 1972.

Dans ces jugements des personnes ont été condamnées à la peine capitale, à la servitude pénale à perpétuité, à la servitude pénale principale de 20 ans.

Ces jugements sont coulés en force de chose jugée et ont été exécutés. Mais le ministère public ayant constaté que ces jugements ont été émaillés de nombreuses irrégularités s’est pourvu en cassation et annulation.

Avant de rendre cet arrêt, la Cour suprême a analysé les moyens du pourvoi, c’est-à-dire les arguments présentés par le ministère public.

Le jugement du Conseil de guerre de Bujumbura a été rendu en date du 6 mai 1972 contre des condamnés dont les noms ne sont pas précisés dans le jugement comme suit : ‘’condamne tous les prévenus dont la liste en annexe à la peine capitale, ordonne l’exécution immédiate, charge le ministère public de l’exécution du présent jugement, les condamne en outre au payement des dommages-intérêts dont le montant sera évalué ultérieurement’’.

Or pour le ministère public, la vie d’une personne étant sacrée, on ne peut pas exécuter une personne dont on n’a pas pris le soin d’identifier correctement, on ne peut pas condamner des gens sur liste, le principe d’individualisation de la peine a été violé. Des personnes ont été condamnées en masse, en les qualifiant de ABAMENJA, puis sommairement exécutées et spoliées de leurs biens, en violations des règles et principes qui gouvernent un procès pénal.

A Bujumbura le juge du Conseil de guerre n’a nulle part montré le nom d’un condamné, il a pris tous les condamnés dans la globalité, sans montrer la responsabilité pénale de chacun. La Cour suprême chambre de cassation a trouvé cet argument du ministère public fondé pour demander la cassation et l’annulation de ces jugement.

Le jugement du Conseil de guerre de Gitega siégeant à Gitega en dates du 6, 7, 9, 10 et 11 mai 1972, a été rendu contre des condamnés dont la liste était établie mais pas exhaustivement.

La cour a constaté que dans ces jugements il y a eu violation des règles de l’instruction pré juridictionnelle car la plupart des condamnés n’ont pas eu droit à l’instruction pré juridictionnelle alors que c’est un préalable avant la saisine d’une juridiction pénale notamment quant il y a infraction.

La Cour a constaté que les dossiers ont été fixés devant les deux juridictions avant de poser les actes d’instruction et que personne n’a eu l’occasion de se défendre. Partant du fait que le procureur général de l’époque Minani Philippe a avoué dans sa note confidentielle du 3 janvier 1973 que le parquet général était encore occupé à constituer les dossier avec les difficultés que cela implique, que les condamnés n’ont pas eu l’occasion de se défendre, la Cour suprême chambre de cassation a conclu que les personnes exécutées dans le cadre de ces jugements l’ont été avant leur condamnation

La Cour suprême, chambre de cassation a constaté qu’au niveau de la procédure, ni le ministère public, ni les condamnés, personne n’a pu interjeter l’appel surtout que pour le cas de Bujumbura l’exécution du jugement devait être immédiate.

A Gitega les condamnés n’ont pas été identifiés pendant la phase pré juridictionnelle d’autant plus que pour certains condamnés un seul nom était mentionné. La Cour conclut que le juge a condamné les accusés sans pour autant être saisi des faits, mais qu’il a fabriqué le jugement pour les besoins de la cause et que d’une manière générale le principe de la présomption d’innocence et le droit à un procès équitable comme le prescrivent la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948.

En analysant les arguments du Ministère public la Cour suprême chambre de cassation, a constaté qu’il y a eu violation du code de procédure pénale en vigueur en 1972, que les responsabilités individuelles des condamnés n’ont pas été établies, que ces jugements ont été rendus en bafouant tous les droits des accusés.

Sur base des dispositions des articles 121 ; 126 et 127 de la loi organique du 3 Aout 2019 régissant la Cour Suprême, la Cour a trouvé que ces jugements rendus par le conseil de guerre de Bujumbura le 6 mai 1972 et les jugements rendus par le Conseil de guerre de Gitega en dates du 5, 6 ; 7, 8, 9, 10 et 11 mai 1972 résultaient d’une violation flagrante de la loi pénale et de la procédure pénale en vigueur à cette époque et du droit international.

Pour la cour de tels jugements méritaient d’être cassés et annulés ainsi que tous les effets qu’ils ont produits.
En prononçant l’arrêt de la Cour le juge a précisé que comme la cassation et l’annulation de ces jugements est intervient plusieurs années après l’exécution des condamnés, la Cour suprême ne pouvait que décharger la mémoire des condamnations encoures.

Dans son arrêt prononcé en audience publique le 28 avril 2023 à Bujumbura, la Cour Suprême, Chambre de cassation, a par tous ces motifs, a décidé de déclarer que le pourvoi initié par le ministère public est totalement fondé.

La Cour suprême chambre de cassation a décidé de casser et annuler les jugements rendus par les conseils de guerre et Gitega et Bujumbura du 6 au 11 mai 1972.
La Cour a décidé que tous les actes posés dans le cadre de l’exécution de ces jugements sont annulés ainsi que les effets qu’ils ont produits.
La Cour Suprême décharge la mémoire de tous les condamnés des condamnations prononcées contre eux.

 
Par BARANGENZA Laurent