A Ngozi et à Gitega, comme dans d’autres provinces, les communes ont répondu à l’appel du ministre chargé de l’intérieur et celui chargé des finances du 15 janvier 2024 d’établir de nouvelles listes des commerçants ayant les documents nécessaires.
Par la même occasion, ils ont annoncé un projet de revoir à la baisse les frais jugés exorbitants de location des stands, des shops ou de tout autre espace des marchés faisant partie du patrimoine de l’État contenus dans les contrats de l’OBR avec les commerçants depuis le 1er juillet 2023.
Une ordonnance conjointe de mise en application est d’ailleurs sortie le jeudi 25 janvier 2024. « L’administration locale est chargée de mettre en place une commission ayant pour mission d’identifier l’occupant d’un stand, d’un shop ou de tout autre espace du marché », peut-on lire dans l’article 2 de ladite ordonnance.
Selon le même article, l’administration produit la liste des occupants à fournir à l’Office burundais des recettes pour la signature des contrats. En son article 3, l’ordonnance stipule que les loyers mensuels sont constitués du double de ceux qui étaient payés avant le 1er juillet 2023. Ainsi, « 50 % reviennent au Trésor public et les autres 50 % reviennent aux communes. »
À Ngozi, les commerçants ont accueilli favorablement la mesure d’enregistrer de nouveau les commerçants et de revoir à la baisse les frais de location des stands et des échoppes gérés par l’Etat « En ce qui me concerne, les nouveaux frais de location sont proportionnels à la valeur des stands », a expliqué, le mardi 30 janvier 2024, Adolphe Manariyo, commerçant de vêtements au marché de Ngozi.
Il demande néanmoins au gouvernement du Burundi de ne pas continuer à revoir à la hausse ces frais. Comparativement aux 150 000 FBu qu’il aurait dû payer si les contrats de juillet avec l’OBR n’étaient pas annulés, il affirme que les sommes fixées par l’ordonnance ministérielle sont acceptables. « Mon stand était passé de 13 000 à 150 000 FBU. » Et Fréderic Singendakubwabo, un autre commerçant, d’ajouter : « Nous sommes très contents. Pourvu que la décision ne soit pas de nouveau revue. Avant, la hausse des prix de location des stands n’était pas raisonnable. »
Les commerçants de Ngozi se réjouissent qu’il n’y ait pas eu beaucoup de conflits entre les anciens propriétaires et les locataires devenus tout à coup propriétaires. « Ici, la majorité des locataires ont refusé de s’approprier des stands qu’ils n’ont pas cherchés et construits », ont-ils raconté.
Cela est confirmé par Samson Nkurunziza, commissaire du marché de Ngozi, qui dit qu’en juillet 2023, au moins 80 % des locataires avaient autorisé les anciens propriétaires des stands à signer des contrats avec l’Office burundais des recettes. Le responsable de ce marché a confié que sur près de 2 000 places, les quelques mésententes qui ont eu lieu ont été traitées par une commission mixte ad hoc mise en place par les autorités.
De l’impatience
Au marché de Gitega, la donne change surtout après le communiqué du maire de la ville de Bujumbura qui a été vite relayé sur les réseaux sociaux. En effet, le mercredi 31 janvier 2024, un climat malsain régnait entre certains anciens propriétaires des stands et certains locataires devenus propriétaires suite à l’interdiction des sous-locations des stands et des échoppes dans différents marchés du pays qui date de juillet 2023.
Le cas de deux commerçants de vêtements au marché de Gitega a attiré beaucoup plus d’attention. L’un est ancien propriétaire, l’autre est locataire devenu propriétaire. Le premier a détruit les cadenas de l’échoppe occupée par son ancien locataire et y a installé ses marchandises. Le second a alerté le commissaire du marché, qui, à son tour, a alerté l’administration communale et provinciale, car il y avait d’autres cas similaires difficiles à gérer.
Arrivé vers 16h00 sur les lieux, le gouverneur de Gitega a signifié aux commerçants qu’il faut patienter pour attendre l’exécution de l’ordonnance ministérielle conjointe. « Celui qui a les stands doit continuer de travailler jusqu’à ce que les commerçants inscrits signent de nouveaux contrats avec l’OBR ».
Il a, par après, ordonné au commissaire du marché de fermer le stand des deux commerçants qui se disputaient. En attendant la signature des nouveaux contrats avec les occupants, les stands appartiennent à l’État, tranche-t-il.
En tout cas, les commerçants qui avaient perdu leurs stands au mois de juillet 2023 sont impatients de réoccuper leurs stands. K.E., un des commerçants qui a un stand au marché de Gitega, tire à boulet rouge les commerçants qui avaient décidé de lui prendre un stand arguant qu’il l’a eu de la part de l’État. « Non, il n’a pas raison. Le stand n’appartient pas totalement au gouvernement. Il m’a coûté au moins 5 millions de FBu. Alors, comment je peux le céder gratuitement. »
Notre source a confié qu’au marché de Gitega, il y a une partie où les commerçants eux-mêmes ont construit leurs stands par des tôles et autres matériels chers qui peuvent varier entre 5 et 8 millions, voire entre 10 et 15 millions.
Si le gouvernement veut donner ces stands à d’autres commerçants, plaide ce commerçant de matériel bureautique, il faut que ceux-ci acceptent de payer ces sommes ou autorisent au propriétaire sortant de vendre ses matériels de construction qu’il a utilisés.
Comme ceux de Ngozi, les commerçants de Gitega saluent aussi la mesure de revoir à la baisse les frais de location des stands. « Au moins cela », a réagi une mère vendeuse de produits phytosanitaires au marché de Gitega. Elle devra payer 30 000 FBu, alors que dans le contrat de juillet 2023 avec l’OBR, elle devrait payer 70 000 FBu par mois.
Et un autre commerçant de matériel de bureau qui payera également 30 000 FBu au lieu de 150 000 FBu qu’il s’était convenu malgré lui avec l’OBR de renchérir : « Le fait de multiplier par deux les frais d’avant juillet ne dérange personne. Nous attendons que la décision soit une réalité. »
Plus question de posséder plusieurs stands
Venant Manirambona, gouverneur de la province de Gitega, rassure que la mesure qui a plu à pas mal de commerçants sera effective très prochainement. « Les commissions mises en place dans toutes les communes nous ont transmis leurs rapports. Nous allons les examiner sur base de la nouvelle ordonnance et puis les listes des commerçants seront envoyées à l’OBR », a précisé M. Manirambona.
Il annonce en même temps que les commerçants identifiés signeront alors des contrats avec l’OBR. Toutefois, il rappelle aux commerçants qu’il ne sera plus possible qu’un individu ait plusieurs stands, échoppes ou autres espaces dans le marché avant de tranquillise que : « Ceux qui seront obligés de remettre les stands qu’ils ont eux-mêmes construits ne rentreront pas bredouilles. »
Une précision reprise par Désiré Minani, gouverneur de Ngozi qui indique que « les marchés gérés par l’Etat ne peuvent pas être loués par des particuliers. » Il demande également aux commerçants de ne pas vouloir s’accaparer seuls de tous les stands mais d’accepter de partager et surtout de payer les frais de location avec fierté. « C’est de l’argent utilisé pour développer leur province », a-t-il motivé.
Pour rappel, de retour d’une mission en Russie et en Chine le mercredi 2 août 2023, le président de la République Evariste Ndayishimiye a unilatéralement interdit les sous-locations des stands et des échoppes dans différents marchés du pays. Dans la foulée, les anciens locataires sont devenus propriétaires au grand dam des anciens « propriétaires ». Ils se sont exécutés tout en fulminant.