Burundi : Le Vatican reconnaît Mugera comme basilique.

La Basilique de Mugera, un lieu sacré de l’Ubungoma, élevé au rang de Basilique par le Pape.

Bujumbura, 4/08/2025 (BdiAgnews) — Dans une ambiance détendue avec les dignitaires de l’Église, S.E.  Ndayishimiye Evariste, Général Major et Président du Burundi, a reçu en audience le cardinal Michael Sczerny. En visite dans le pays, le cardinal est le préfet du dicastère pour le service du développement humain intégral du Vatican. Il a annoncé que le nouveau pape, Léon XIV, venait d’élever la paroisse de Mugera au rang de basilique.  Cette décision fait suite à une demande du président Ndayishimiye. L’élévation au rang de basilique est généralement réservée aux églises catholiques qui ont un passé glorieux et sont particulièrement appréciées pour leur importance dans l’histoire de la foi. La paroisse de Mugera, située dans la commune de Bugendana, province de Gitega, est la deuxième mission catholique de l’histoire du Burundi, après celle de Muyaga fondée en 1898. D’autres missions ont suivi : Mugera en 1899, Buhonga en 1902, Kanyinya en 1905, Rugari en 1909 et Buhoro en 1912.

L’annonce de cette nouvelle basilique rouvre une page difficile de l’histoire du Burundi. Depuis le XIXe siècle jusqu’à nos jours, l’Etat d’Ingoma y’Uburundi, sous le règne du Mwami Mwezi Gisabo Gisonga, est en guerre contre la « Croix et la Bannière »[1].  Les Badasigana, l’armée burundaise, ont combattu l’implantation des puissances coloniales et de leur religion, le christianisme, qui ambitionnaient de s’approprier les terres burundaises pour y instaurer des diocèses et une administration coloniale.  À cette époque, le peuple burundais vivait selon l’Ubungoma, « à la manière du Tambour Karyenda »[2], qui était au cœur de son identité et de sa spiritualité. Il était impensable pour les Burundais de partager leurs terres, les matongo, avec ces étrangers, et encore moins d’accepter le christianisme. Les églises coloniales furent brûlées, et lors du Traité de Kiganda, le Mwami Mwezi Gisabo s’est résolument opposé à l’instauration du christianisme. Il a fallu attendre la mort du Mwami et l’arrivée des Belges pour que sa volonté soit ignorée. Les années qui ont suivi (1920-1944) ont été marquées par des événements tragiques : le massacre des Bagumyabanga, la conversion forcée de Mukakaryenda (qui devint Maria Ruburisoni), la fin de l’Umuganuro, la disparition du tambour sacré Karyenda, et des conversions massives et forcées des Barundi.  De plus, la « Croix et la Bannière » nourrit la colonialité au Burundi depuis 1959 à aujourd’hui.

L’histoire de Mugera est particulièrement symbolique de ce conflit. L’église a été construite sur un lieu sacré de l’Ubungoma, là où certains miryango (lignages locaux) recevaient de Karyenda les clés des portes du monde d’Imana, l’entrée de notre monde existant (Uburemagi). C’est également à Mugera que rayonnait autrefois Mukakaryenda, « la femme Tambour ». C’est pourtant à cet endroit que le Vatican, la France et l’Allemagne ont érigé la toute première paroisse du Burundi, en 1899, par l’entremise des pères Desoignies, Van der Burgt et Van der Wee.  Cette « offense à Karyenda et à l’Ubungoma » a conduit les Barundi à brûler et à détruire à plusieurs reprises les missions de Mugera et de Muyaga.

Pour les Barundi, la guerre contre la « Croix et la Bannière » se poursuit encore aujourd’hui. Les Bataka, chefs des miryango (lignages burundais), estiment que la « colonialité du Burundi d’aujourd’hui » est un affront à leurs ancêtres, aux mains du couple Mukakiranga – Kiranga, car elle défie l’héritage sacré de leur peuple.

Références :
[1] Baranyanka Charles, Le Burundi face à la Croix et à la Bannière, Bruxelles, 2015. (La « Croix et la Bannière » désigne l’alliance historique entre le Vatican, la France – notamment via les Pères Blancs de Lavigerie –, l’Angleterre, l’Allemagne, la Belgique et les États-Unis contre l’ordre traditionnel burundais depuis le XIXᵉ siècle.)
[2] Nahimana Karolero Pascal, Histoire du Burundi : Les grandes dates de l’histoire des Barundi et de l’État millénaire africain – Ingoma y’Uburundi, Bruxelles, Génération Afrique, 2024.

Sources : Nahimana P. , http://burundi-agnews.org, Jeudi 7 août 2025 | Photo : Ntare Rushatsi House