De l’intronisation du Mwami Mwambutsa Bangiricenge en 1915 à la destruction d’Ingoma y’Uburundi et l’imposition d’un État républicain d’héritage colonial.
Gitega, 19/12/2025 – Revenons sur un épisode de l’histoire millénaire d’Ingoma y’Uburundi [1]. Le 16 décembre 2025 marque les 110 ans de l’intronisation de Bangiricenge, fils du Mwami Mutaga Mbikije, décédé le 16 décembre 1915. Âgé de seulement trois ans, en présence des représentants de toutes les institutions d’Ingoma ( Mukakaryenda, Batwa, Baganwa, Bahanuzi, Banyamabanga, Bahima, Bashingantahe etc.), l’enfant est alors investi Mwami sous le nom de Mwambutsa Bangiricenge, reconnu par les Bataka, chefs des miryango des Barundi, et par l’ensemble du peuple. Il devient le dépositaire d’une tradition millénaire.
Ce rappel historique s’appuie sur un témoignage partagé au sein de la famille du Mwami Bangirigence, revenant sur un moment fondateur du Burundi contemporain : [ https://burundi-forum.org/wp-content/uploads/2025/12/MwamiMwambutsaBangiricenge-IngomaYuBurundi.pdf ].
La vie de Mwambutsa Bangiricenge ne sera jamais un long fleuve tranquille. Dès les années 1920, sous la colonisation belge [2], le pouvoir colonial « la Croix et la Bannière« [3] envisage déjà de mettre fin à Ingoma y’Uburundi afin d’imposer un régime républicain. Mais la jeunesse extrême du Mwami joue alors en sa faveur.
Dans une correspondance entre autorités coloniales, le Résident belge au Burundi, Pierre Ryckmans, écrit à son homologue du Congo belge qu’il n’est pas nécessaire d’abolir Ingoma au Burundi, contrairement à ce qui a été fait au Congo. Il estime que le pouvoir réel demeure entre les mains de l’administration coloniale, précisément en raison de l’âge du Mwami.
La question est donc reportée.
Le tournant décisif survient en 1959. Par le décret intermédiaire du 25 décembre 1959, la Belgique coloniale démantèle méthodiquement les institutions d’Ingoma pour les remplacer par celles d’un État occidental. C’est la fin institutionnelle d’Ingoma y’Uburundi, bien avant la chute officielle de cet état dyarchique ( MukaKaryenda : Mwami ) traditionnel millénaire [4].
Il faudra attendre le coup d’État de 1966 pour que « la Croix et la Bannière » instaurent formellement la République au Burundi, donnant naissance à un État néocolonial.
Déjà affaibli, Mwambutsa Bangiricenge échappe de peu à la mort en 1965, lorsque de jeunes officiers formés à Saint-Cyr (France) prennent d’assaut le palais royal. Il parvient à fuir in extremis.
Le Mwami mourra en exil, en Suisse, en 1977, loin de son trône et d’Ingoma y’Uburundi, qu’il aura incarné pendant plus d’un demi-siècle, entre continuité ancestrale et ruptures imposées.
Références :
[1] Nahimana Karolero Pascal, Histoire du Burundi : Les grandes dates de l’histoire des Barundi et de l’État millénaire africain – Ingoma y’Uburundi, Bruxelles, Génération Afrique, 2024. | https://nahimanakarolero.com
[2] En février 2025, l’Union africaine (UA) a qualifié officiellement l’esclavage, la déportation et la colonisation de crimes contre l’humanité et d’actes de génocide contre les peuples africains. Cette décision, adoptée le 16 février lors de la 38ᵉ session ordinaire de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement à Addis-Abeba, marque un tournant dans la quête de justice historique pour le continent.
[3] Baranyanka Charles, Le Burundi face à la Croix et à la Bannière, Bruxelles, 2015. (« La Croix et la Bannière » désigne l’alliance historique entre le Vatican, la France – notamment via les Pères Blancs de Lavigerie –, l’Angleterre, l’Allemagne, la Belgique et les États-Unis contre l’ordre traditionnel burundais depuis le XIXᵉ siècle.)
[4] Nahimana Karolero Pascal, Réfugiés du Burundi — Quand Ingoma s’est tu. Histoire géopolitique d’un peuple brisé par la colonialité, Bruxelles, Génération Afrique, 2025. | https://nahimanakarolero.com
Sources : Nahimana P. , http://burundi-agnews.org, Vendredi 19 décembre 2025






