Le nouveau témoin dans l’affaire de l’attentat contre l’avion de l’ex-président rwandais Juvénal Habyarimana – le 6 avril 1994 à la veille du génocide -, a disparu depuis jeudi 13 novembre. C’est une information RFI. Il devait être entendu prochainement par les juges Marc Trévidic et Nathalie Poux. Selon les témoignages recueillis par RFI, Emile Gafirita aurait été enlevé, à Nairobi, au Kenya, par deux hommes qui l’ont menotté et forcé à entrer dans leur véhicule. La police kényane assure ne pas avoir procédé à son arrestation et enquête sur cette affaire.
Emile Garafita s’était installé, il y a deux mois, dans le quartier de Dagoretti, à Nairobi sous un nom d’emprunt, Emmanuel Mughisa. Un Rwandais « sans histoire, plutôt sympathique et ouvert », selon les habitants des environs. Le jeudi 14 novembre, il était sorti boire un verre à deux pas de son domicile avec des compatriotes rwandais au restaurant Dreams. Et c’est en rentrant chez lui – peu avant minuit – que selon des témoins, il a intercepté, menotté et traîné par deux hommes dans un van blanc Toyota.
Attirés par les cris, deux Kenyans sont sortis de leur boutique et ont entendu les kidnappeurs s’adresser à Emile Gafirita dans une langue qu’ils ne comprenaient pas – avec toutefois quelques mots en swahili, la langue parlée au Kenya. « J’étais encore en train de travailler quand j’ai entendu des gens crier, raconte Peter, un Kenyan qui connaissait Emile Garafita sous son nom d’emprunt. Je suis sorti de ma boutique et j’ai vu Emmanuel être tiré par deux hommes. Il était menotté et l’un des types l’a frappé et l’a forcé à monter dans la voiture. Et ils ont immédiatement démarré. Ces gens parlaient une langue que je ne comprenais pas », a-t-il dit à RFI.
Ceux parmi ces compatriotes rwandais qui étaient encore dans le restaurant ont immédiatement cherché dans les commissariats du secteur. En vain. La police kényane semble tout aussi perplexe. Selon la porte-parole, Emile Gafirita alias Emmanuel Mughisa n’a pas été arrêté par ses services, ni d’ailleurs un quelconque rwandais ce jour-là. Cependant, son enlèvement leur a été signalé.
Selon son avocat français, Maître François Cantier, Emile Gafirita venait tout juste de recevoir sa convocation quand il a été enlevé jeudi, mais son nom et sa qualité de témoin des juges Trévidic et Poux étaient connus depuis plusieurs semaines de toutes les parties, y compris des personnalités du régime rwandais inculpées dans ce dossier.
« Cette situation est tragique, d’abord parce que c’est un homme qui disparaît, avec des risques sérieux d’assassinat et puis aussi, c’est un pan de la vérité sur l’assassinat du président Habyarimana qui risque de ne pas être mis à jour, explique maître Cantier à RFI.
Quand cette personne s’est adressée à moi en me disant qu’il avait des déclarations à faire sur les circonstances de cette tragédie, immédiatement je l’ai mis en garde moralement et par écrit, sur les risques qu’il courait en acceptant de témoigner, parce que nous avions déjà des exemples de témoins potentiels qui ont été assassinés.
Je pense notamment à Patrick Karegeya. Donc évidemment, j’ai attiré son attention sur le risque. Et malgré cela, il a accepté de venir témoigner ! D’ailleurs il est donc enlevé dans la nuit de jeudi à vendredi. Et moi, le lui avais annoncé la nouvelle de sa convocation comme témoin dans la journée de jeudi ».